26 mars 2019

Le gouvernement du Québec a présenté, le 21 mars 2019, son budget pour l'exercice 2019-2020. À la suite des résultats de la dernière élection, ce dernier représentait une nouvelle ère pour la province.

Cependant, les mesures annoncées ont été accueillies prudemment par les différents acteurs de l'industrie de la construction.

 

Routes

L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ) voit d'un bon œil l'augmentation des investissements sur le réseau routier prévue au Plan québécois des infrastructures (PQI). En effet, le budget prévoit 5 milliards de dollars de plus au PQI 2019-2029 par rapport au PQI 2018-2028. Il porte les sommes prévues sur le réseau routier à 24 milliards de dollars sur 10 ans. Néanmoins, l'ACRGTQ craint que celles-ci ne soient pas suffisantes pour renverser la tendance à la baisse de l'état du réseau.

 

Même réaction mitigée de la part de Bitume Québec pour qui  le budget ne semble pas refléter le caractère d'urgence de la réhabilitation active du réseau routier québécois dont 50 % des routes est encore considéré comme en piètre état.

 

Investissements dans les établissements

Le Plan québécois des infrastructures (PQI) 2019-2029 prévoit un montant de 20,3 milliards de dollars qui sera alloué à la construction et à la rénovation d’infrastructures en éducation et enseignement supérieur. Le PQI 2019-2029 prévoit également des investissements de 20,2 milliards de dollars afin de construire de nouvelles infrastructures en santé ou les améliorer.

 

Toutefois, pour arriver à maintenir un rythme de production acceptable, l'Association de la construction du Québec (ACQ) invite le gouvernement et les écoles à revoir la planification des travaux lors de projets de rénovation et d'agrandissement. En effet, la grande majorité de ces travaux s'effectue lors de la période estivale, et les entrepreneurs peinent à trouver la main-d'œuvre nécessaire pour arriver à livrer les bâtiments scolaires à temps pour la rentrée.

 

Programme Réno Vert

La fin du crédit d'impôt Réno Vert a suscité bien des réactions. Tout d'abord, l'ACQ s'est dite perplexe face à cette décision, alors que l'Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) est déçue de cet abandon elle qui considérait ce programme comme une des mesures clés des dernières années en matière d'aide à la rénovation écoénergétique.

 

Pour l'APCHQ, ce crédit d'impôt à la rénovation instauré ces dernières années fonctionnait et a grandement contribué à la croissance de ce secteur d'activité. Au cours des années fiscales 2017 et 2018, ce sont près de 172 000 ménages québécois qui ont profité de RénoVert. La valeur moyenne des travaux écoresponsables réalisés s'est élevée à 10 856 dollars, pour une valeur totale de près de 1,9 milliard de dollars d'investissements.

 

De son côté, la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ) se désole de voir le gouvernement abandonner le programme qui était fort populaire auprès des propriétaires.

Comme le rappelle la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), la Coalition Avenir Québec s'était pourtant engagée à étendre le programme RénoVert aux immeubles multilogements lors de la dernière campagne électorale.

 

Autres programmes de rénovation

La rénovation verte n'est toutefois pas absente du budget. L'APCHQ salue ainsi le maintien de plusieurs programmes visant la rénovation verte et la construction d'habitations à haute performance énergétique. Les quatre principaux programmes en place sont reconduits avec une enveloppe budgétaire de 330 millions de dollars. Ces programmes sont Chauffez vert, Rénoclimat, Novoclimat et Éconologis. Soulignons notamment que Rénoclimat, avec un budget de près de 200 millions de dollars, est un programme qui incite à la rénovation écoénergétique des résidences individuelles, mais également des immeubles à logements multiples, un parc immobilier qui a d'immenses besoins de rénovation.

 

L'Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) se réjouit, pour sa part, de la poursuite par le gouvernement de plusieurs programmes de rénovation, dont Rénovation Québec et Rénoclimat. Ces investissements, qui représentent des sommes de 457,5 millions de dollars sur six ans,  devraient permettre aux citoyens et aux municipalités d'investir dans la mise à niveau de propriétés à travers la province.

 

Au Québec, le parc de logements locatifs d'initiative privée compte 1,3 million d'unités d'habitation détenues par environ 275 000 propriétaires. Ce sont 17 % d'entre elles qui ont besoin de rénovations majeures et 24 % de rénovations mineures. Selon la CORPIQ, les contraintes réglementaires, législatives ainsi qu'économiques bloquent le réinvestissement dans le parc locatif existant, accentuant ainsi la crise du logement qui se dessine entre l'offre et la demande.

 

De son côté, le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est également déçu de l'absence de nouveaux investissements pour l'entretien et la rénovation du parc de logements à loyer modique. À Montréal seulement, l'Office municipal d'habitation (OMHM) estime à 265 millions de dollars en cinq ans les sommes supplémentaires nécessaires pour remettre en état des centaines de logements.  

 

Même s'il apprécie les 60 millions de dollars prévus sur quatre ans pour l'adaptation de domicile, le FRAPRU souligne que les sommes de 20 millions de dollars prévues cette année sont inférieures à celles des deux derniers budgets alors que les besoins de logements adaptés sont criants.

 

Logement social

L'APCHQ est satisfaite que le gouvernement annonce une aide financière additionnelle pour accélérer l'exécution de projets non réalisés. Cette aide s'élèvera à 260 millions de dollars additionnels d'ici 2020-2025, dont 72,8 millions de dollars seront réservés à la Ville de Montréal.  Le budget prévoit également une indexation de 25% des coûts maximaux admissibles des projets sociaux. Ces coûts n'ont pas été indexés depuis une dizaine d'années environ.

 

Toutefois comme le souligne l'Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ), les sommes prévues au budget sont pour compléter des unités de logement déjà annoncées dans les années passées dont le financement est basé sur des coûts de construction de 2009 et qui, il va sans dire, nécessitaient une bonification de leur financement pour pouvoir se réaliser. Pour ce faire, le présent budget alloue ainsi un montant de 250 millions de dollars sur cinq ans. À titre comparatif, les budgets antérieurs prévoyaient habituellement des investissements de 250 millions par année pour le logement social et communautaire.

 

De son côté, le FRAPRU dénonce avec véhémence le choix du gouvernement Legault de ne pas financer de nouvelles unités de logement social pour la première fois depuis la création du programme AccèsLogis. La seule mesure pour le logement social et communautaire contenue dans le budget 2019 ne consiste qu'en la réalisation de 10 000 des 15 000 logements déjà prévus dans les budgets précédents. Le regroupement pour le droit au logement qualifie également d'injustifiable la décision du gouvernement Legault de n'investir que 260 millions de dollars sur sept ans.

 

Pénurie de la main-d'œuvre

Des mesures de 1,7 milliard de dollars viseront à atténuer la pression sur les entreprises face au manque de main-d'œuvre. Parmi celles-ci, le budget prévoit un montant de 730 millions de dollars afin de mieux intégrer les travailleurs immigrants ainsi que des mesures pour l’intégration en emploi des personnes handicapées. D'un autre côté, 892 millions de dollars serviront à favoriser une meilleure participation au marché du travail des travailleurs d’expérience.

 

Ces sommes serviront à la mise en œuvre d'un nouveau parcours personnalisé pour accompagner les personnes immigrantes tout au long de leur processus d'intégration à la société québécoise, notamment au marché du travail. De plus, des sommes seront consacrées à une stratégie nationale pour l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées.

 

Enfin, un crédit d'impôt pour la prolongation de carrière bonifiera les incitatifs actuels au prolongement de la carrière des travailleurs de 60 ans ou plus. Parallèlement, une réduction des charges sur la masse salariale des PME qui embauchent des travailleurs de 60 ans ou plus devrait permettre de stimuler l'embauche de ces derniers.

 

Pour l'ACRGTQ, ces mesures sont un premier pas dans la bonne direction. Il faut néanmoins poursuivre les efforts et trouver des solutions additionnelles pour enrayer cette problématique qui risque de devenir de plus en plus criante.

 

Pour l'ACQ, ces programmes permettront aux entrepreneurs d'embaucher une partie du personnel nécessaire pour pallier la pénurie de main-d'œuvre.

 

Décontamination des sols

Dans l'optique de développer des terrains à fort potentiel, mais qui sont actuellement contaminés, le gouvernement du Québec a prévu des sommes de 320 millions de dollars, notamment pour les villes de Montréal, Québec, Gatineau, Lévis, Longueuil, Sherbrooke, Trois-Rivières, Saguenay et Laval. Pour l'ACQ, cette mesure est une bonne nouvelle pour l'économie du Québec.

 

Accession à la propriété

L'APCHQ déplore que le budget ne propose rien de nouveau concernant l'accession à la propriété. Rappelons que le Québec affiche un retard important par rapport au reste du Canada au chapitre du taux de propriété, soit 61,3% contre 67,8% pour la moyenne canadienne. 

 

Dans son budget 2018-2019, le précédent gouvernement du Québec avait fait un premier pas dans ce sens en accordant un crédit d'impôt non remboursable de 750 dollars pour l'achat d'une première habitation. La FCIQ est d'avis que ce crédit d'impôt aurait pu être bonifié afin de favoriser davantage l'accession à la propriété. 

 

Sources : ACQ, ACRGTQ, APCHQ, APCIQ, AGRTQ, Bitume Québec, CORPIQ, FCIQ, FRAPRU