Le défibrillateur sur les chantiers de construction : un sujet choc

16 octobre 2018
Par Michel Bouchard

 

L’arrêt cardiorespiratoire demeure encore et toujours l’une des causes de décès les plus fréquentes au Québec. Lorsqu’un arrêt cardiaque survient, les chances de survie d’un individu peuvent grimper jusqu’à 75 %, à condition qu’une réanimation cardiorespiratoire soit pratiquée et qu’un défibrillateur externe automatisé (DEA) s’ajoute aux manoeuvres dans les premiers instants suivant l’incident. Ces éléments plaident en faveur de la présence d’un DEA sur tous les chantiers de construction.

 

D’entrée de jeu, il faut savoir que depuis 2013, la loi autorise quiconque à utiliser un DEA si la situation l’exige. Auparavant, les médecins et les infirmières spécialisées étaient les seuls citoyens ayant le droit de le faire. Cette possibilité devient cependant bien théorique si un tel outil est absent de notre environnement de travail.

 

« Dans un premier temps, il est important de savoir qu’il n’y a pas d’exigence réglementaire ou d’obligation légale en matière de santé et de sécurité du travail à l’égard du DEA. Le Règlement sur les normes minimales de premiers soins et de premiers secours (RNMPSPS), qui encadre les exigences spécifiques à cet égard – par exemple le nombre de secouristes requis et la quantité de trousses de premiers secours sur un chantier de construction –, ne prévoit aucune disposition à l’égard du DEA sur le lieu de travail », explique Alexandre Bougie, porte-parole à la Direction des communications et des relations publiques de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

 

Une intervention efficace

Malgré un certain laxisme législatif, quelques donneurs d’ouvrage n’hésitent pas à doter leurs chantiers de DEA. Cette initiative peut ainsi transformer une situation problématique en un dénouement heureux, comme peut en témoigner Frédéric Girard, contremaitre pour le consortium Signature sur le Saint-Laurent affecté au chantier du nouveau pont Champlain. L’homme s’est récemment retrouvé devant une situation d’urgence nécessitant l’utilisation d’un défibrillateur externe automatisé. Son intervention a permis de sauver la vie d’un collègue de travail.

 

« Ça s’est passé au début du mois d’avril 2018. J’ai eu un appel sur les ondes de la radio concernant un opérateur qui venait de faire une chute, explique le travailleur. Arrivé sur les lieux, j’ai pratiqué les manoeuvres afin de vérifier le degré de conscience, pour rapidement réaliser qu’il n’avait plus de pouls. J’ai tout de suite appelé les secours et j’ai demandé à ce qu’on apporte la trousse médicale et le défibrillateur d’urgence pendant que j’amorçais les manoeuvres de RCR. Une fois le DEA arrivé, il a suffi de suivre les indications. Lorsque les premiers répondants sont arrivés sur les lieux, ils ont pris le relais et ont pu le conduire jusqu’à l’hôpital. »

 

Sans l’intervention de Frédéric Girard, l’incident aurait pu prendre une tournure des plus dramatiques. C’est l’accès à un défibrillateur externe automatisé et la mise à jour de sa formation de secouriste suivie quelques mois auparavant qui ont rendu possible ce geste héroïque.

 

À la suite du retour du travailleur, deux mois après l’évènement, l’entreprise a mis l’accent sur l’importance d’avoir un appareil DEA à portée de main. Elle s’est également fait un devoir de se procurer plusieurs appareils et de les placer de façon stratégique sur le chantier.

 

User d’ingéniosité pour fournir un DEA

François Charette est agent de prévention en santé et sécurité chez Ledcor Brunet LP et travaille sur le chantier Zibi, à Gatineau. M. Charette a décidé de s’impliquer pour une bonne cause dans sa région. Durant une année, il a ramassé des canettes de boisson gazeuse vides et du vieux métal sur le chantier afin de récolter des sous pour un organisme qui vient en aide aux gens dans le besoin. « À la fin de l’année, j’ai pu remettre la somme de 15 000 dollars à Moisson Outaouais », explique-t-il. Afin de remercier les travailleurs du chantier qui l’ont aidé dans son oeuvre caritative, il a organisé un diner de groupe et a pigé dans ses poches pour offrir un défibrillateur externe automatisé à ses collègues.

 

François Charrette, agent de prévention en santé et sécurité sur le chantier Zibi. Photo de Jean-François Caouette

 

Constatant le geste de son employé, le patron de François Charette a emboité le pas et a décidé de rembourser les couts du DEA. Il faut savoir qu’au cours de sa carrière, M. Charette a déjà été témoin de trois situations où la présence d’un DEA aurait assurément amélioré les chances de sauver la vie d’une personne sur un chantier. Grâce à cette initiative, les employés disposent maintenant d’un outil précieux leur permettant d’intervenir rapidement.

 

CAOUETTE FACTEURS DE RISQUE RÉPERTORIÉS PAR LA CNESST

    La proximité ou non de services préhospitaliers d’urgence dans un rayon de 30 minutes;

    Plus de 50 travailleurs dans un même lieu de travail;

    Une moyenne d’âge de plus de 50 ans chez les travailleurs;

    Un travail qui exige des efforts physiques importants comme pour des charges lourdes ou des activités physiques soutenues;

    Une santé fragilisée chez certains travailleurs (personnes ayant des antécédents cardiaques, diabète, obésité, tabagisme);

    Environnement de travail (immeubles multiples, circulation dense, vaste emplacement, restriction de passage, travaux effectués près d’un réseau électrique ou à proximité de l’eau);

    Contraintes thermiques (humidité, froid ou chaleur excessive).

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Santé et sécurité 2018. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !