Transition verte dans la construction : les atouts de la machinerie électrique

10 mai 2024
Par Isabelle Pronovost

L’industrie de la construction tente de réduire son impact environnemental. Un moyen d’y parvenir consiste en l’adoption d’équipements électriques. Regard sur les avantages et les défis qui y sont associés.

Le choix de produits pour les entrepreneurs qui souhaitent effectuer un virage vert est de plus en plus vaste. Parlez-en à Sacha Bellemare, spécialiste du matériel roulant et des équipements chez Groupe Bellemare, une entreprise qui emploie de la machinerie électrique depuis les années 2010. Tout a commencé par l’acquisition de chariots élévateurs, suivie de tamiseurs. En début d’année, Groupe Bellemare achetait la première chargeuse 100  % électrique au Canada. « On veut participer à la décarbonation pour être un leader positif dans le domaine. Et, c’est sûr et certain que, lorsque des équipements sont disponibles, on est toujours ouverts à étudier la possibilité de les utiliser », confie-t-il.

 

Diminution des coûts, de l’entretien et du bruit

Remplacer des équipements qui fonctionnent au diesel par leur contrepartie électrique comporte de nombreux avantages. Le premier qui vient d’emblée à l’esprit de Sacha Bellemare est la réduction de l’entretien. « Un moteur diesel a plus de 2 000 pièces. Un moteur électrique en possède 20 », illustre-t-il. Même son de cloche du côté de Patrick Tremblay, directeur des ventes pour le Canada et l’international chez Ver-Mac, une entreprise qui fabrique et vend, entre autres, des tours d’éclairage à l’énergie solaire : « Tout ce qui est au diesel est alimenté par un moteur qui peut faire défaut et qui peut nécessiter des réparations. Cela monte vite en termes de coûts. »

 

Patrick Tremblay, directeur des ventes pour le Canada et l’international chez Ver-Mac. Crédit : Ver-Mac

 

La réduction des coûts découle aussi de l’énergie utilisée pour alimenter ces appareils, le prix du kilowattheure étant moins élevé que celui de l’essence. Quant à l’énergie provenant du soleil, elle ne coûte pas un sou. Patrick Tremblay estime, bien que ses tours d’éclairage se vendent 1,5 fois plus cher que celles au diesel, que l’entrepreneur qui en fait l’acquisition rentabilise son achat en à peine six mois. Ce dernier épargnera également sur la main-d’oeuvre nécessaire pour remplir les réservoirs de combustible ainsi que pour allumer les lumières le soir et les fermer le matin venu, les produits à énergie solaire étant munis d’un oeil magique.

 

Les deux intervenants évoquent en outre une diminution de la pollution sonore, cette dernière pouvant affecter autant celui qui manipule ou conduit l’appareil que le reste des ouvriers sur le chantier. « L’opérateur d’un équipement électrique, quand il finit sa journée de travail, est plus posé, plus calme. Il est moins fatigué, parce qu’il n’a pas dû subir le bruit généré par son moteur qui est situé à un pied en arrière de lui ou en dessous de lui », mentionne Sacha Bellemare.

 

Des équipements aussi performants

Les véhicules et outils qui puisent leur énergie dans une batterie offrent-ils un rendement équivalent à ceux qui carburent au diesel ? « Il s’agit de la première question que je me fais demander. La réponse est oui   », confirme Patrick Tremblay. Il explique que les deux technologies sont certes distinctes — les tours traditionnelles utilisent des ampoules halogènes alors que celles à panneaux solaires éclairent aux DEL —, ce qui peut sembler donner des résultats différents lorsqu’on met les deux objets côte à côte. « Mais c’est la même lumière, la même superficie est éclairée », ajoute-t-il.

 

Sacha Bellemare, spécialiste du matériel roulant et des équipements chez Groupe Bellemare. Crédit : Groupe Bellemare

 

Sacha Bellemare se montre quant à lui très satisfait de sa nouvelle chargeuse électrique, autant en matière d’autonomie que de vitesse et de force. Il fait valoir que le moteur électrique fournit 100  % de sa force aussitôt qu’il est actionné, ce qui n’est pas le cas d’un moteur diesel. Il a même trouvé sa chargeuse beaucoup trop rapide, trop puissante. « On ne s’attendait pas à ce qu’elle soit aussi performante ! Donc on a été obligés de faire des ajustements », raconte- t-il.

 

L’enjeu de l’autonomie et de la recharge

La question de l’autonomie et de la recharge des appareils électriques demeure une préoccupation répandue. Comme la chargeuse du Groupe Bellemare est surtout utilisée au sein de ses installations, il est facile de la recharger à la fin d’une journée de travail pour qu’elle soit prête à l’emploi dès le lendemain. Néanmoins, le spécialiste juge qu’une entreprise qui veut s’équiper de la sorte doit d’abord évaluer ses besoins et les infrastructures électriques dont elle dispose. Voudrait-on, par exemple, que l’équipement puisse être rechargé en une heure, ce qui requerrait une borne de recharge plus puissante ?

 

Le problème se corse toutefois lorsqu’il est question de déployer des outils électriques sur des chantiers de construction. Si les travaux se déroulent dans un secteur densément peuplé, la présence de bornes pour véhicules électriques rend possible la recharge de matériel sur roues. Mais oublions cette option pour une excavatrice ou pour un bâtiment érigé au milieu d’un champ. À cet égard, Sacha Bellemare croit que pour accélérer le branchement au réseau, Hydro-Québec pourrait mettre sur pied une équipe vouée aux requêtes émanant des entrepreneurs. Le branchement au circuit ne représente pas un enjeu dans le cas des appareils à énergie solaire. Il est toutefois impératif de s’assurer qu’ils possèdent une bonne autonomie.

 

Patrick Tremblay fait valoir que Ver-Mac ajuste le nombre de panneaux solaires et de batteries de ses produits en fonction des marchés où l’entreprise les vend, question que ces derniers fonctionnent aussi bien dans un climat pluvieux que très ensoleillé. Il mentionne que dans des régions comme la nôtre, il faut cependant penser à déneiger les panneaux pour maintenir leur efficacité.

 

Convaincre les sceptiques

Comme tout ce qui est nouveau, l’adoption d’équipements plus écologiques s’accompagne souvent de réticences, un combat que Patrick Tremblay compare à celui de David contre Goliath, Goliath étant le diesel, très répandu et connu des travailleurs de la construction. Il y a donc une certaine éducation à faire chez ses clients. Pour les convaincre, il leur suggère parfois de se procurer une combinaison de tours fonctionnant aux deux types d’énergie. « Ce qui est intéressant dans cette option, c’est que si le panneau solaire est insuffisant pour charger les batteries, les travailleurs sont capables de prendre une rallonge électrique puis de connecter la tour solaire au moteur du diesel. »

 

Le Groupe Bellemare a, de son côté, tenté une autre approche : impliquer la personne qui allait travailler avec la future chargeuse électrique. Ils ont amené cet employé — deux fois plutôt qu’une — voir et essayer le véhicule avant de procéder à l’achat. Sacha Bellemare estime que cela donne envie aux gens de participer au projet d’électrification. Une stratégie qui semble avoir porté ses fruits. « Ça fait un mois que la chargeuse fonctionne. L’opérateur enlève ses souliers, il met ses pantoufles dedans, il fait attention. Il fait attention à son équipement et il en est fier ! »