Saint-Hyacinthe, pionnière de la biométhanisation

Par Benoit Poirier

Le projet en est à sa deuxième phase. Les appels d’offres pour la fourniture et l’installation des nouveaux équipements seront lancés à la fin de l’automne, pour une mise en service souhaitée à l’été prochain. Mais, déjà, la Ville de Saint-Hyacinthe fait figure de pionnière avec son usine de biométhanisation.

 

Installée en 2009 au coût de 9 millions $, la première phase comprend trois biodigesteurs anaérobiques, de l'entreprise Bio-Méthatech. Utilisés pour le traitement des boues municipales, ils produisent assez de biocarburant, le biométhane, pour rendre lesdits biodigesteurs énergétiquement autosuffisants.

 

« Pour le moment, nous sommes la seule municipalité dans l’est de l’Amérique à ainsi produire du biogaz », fait remarquer Joëlle Jetté, porte-parole de la Ville de Saint-Hyacinthe, qui a été parmi les premières à implanter la collecte des déchets de table, en 2007.

 

Du biogaz pour Gaz Métro

La phase 2 du projet inclut la construction de six biodigesteurs supplémentaires, qui desserviront les MRC d’Acton et des Maskoutains. « En ce moment, poursuit-elle, c’est envoyé vers une plateforme de compost qui se situe dans la région de Québec. Là, avec l’ajout des biodigesteurs, on va prendre cette matière organique et la traiter à notre usine pour créer du biogaz qui sera directement injecté dans le réseau de Gaz Métro. »

 

Conformément à une entente intervenue entre la Ville et Gaz Métro, celle-ci s’est engagée à acheter toute la production de biométhane produite par la Ville. Gaz Métro mettra également en place les infrastructures nécessaires à l'injection de ce combustible vert dans son réseau de distribution afin de le rendre disponible à sa clientèle. Il s’agit d’une première.

 

À titre de productrice de gaz, Saint-Hyacinthe sera payée pour le gaz ainsi fourni et obtiendra des tarifs préférentiels pour le gaz naturel qu’elle achètera. « La force du projet de Saint-Hyacinthe, c’est vraiment la proximité avec le réseau de Gaz Métro », note Joëlle Jetté.

 

Les déchets de table ne constitueront qu’une petite partie des matières que la Ville, technopole agroalimentaire, souhaite traiter. La deuxième phase lui permettra en effet d’offrir des services novateurs et des solutions environnementales peu coûteuses à l’industrie agroalimentaire. « Donc, on va traiter tous les rejets alimentaires de l’industrie, le petit lait comme on appelle. Même chose pour les matières organiques, par exemple les carcasses d’animaux », précise-t-elle.

 

Écologique et rentable

Pour éviter de se retrouver avec un éléphant blanc, les responsables municipaux se sont d’abord assuré d’un approvisionnement en matière organique de qualité et locale, constant et stable avant de développer l’usine, explique Joëlle Jetté.

 

« Par la suite, une fois qu’on a réussi à créer, à produire le gaz naturel, il nous reste un résidu qu’on appelle le digestat. Ce résidu est acheminé à une plateforme de compostage, ce qui nous permet de créer un terreau fertilisant de haute qualité que l’on utilise presque en totalité pour nos travaux horticoles. Ce qui peut s’avérer fort rentable », souligne la porte-parole de la municipalité.

 

Elle donne l’exemple d’une soumission pour la pose de tourbe comprenant une option dans laquelle la ville fournissait l’engrais et l’autre non. « Des économies municipales majeures ! Juste pour ce contrat, c’est presque 500 000 $ que la Ville de Saint-Hyacinthe a réussi à économiser. Pour un seul contrat de pose de tourbe ! Alors imaginez… »

 

Sans compter les coûts en moins pour disposer des boues et des déchets organiques à l’extérieur, la réduction des gaz à effet de serre (GES) à laquelle ce procédé contribue en évitant le recours à l’enfouissement, tout en créant une source d’énergie renouvelable. La valorisation de biométhane produit par Saint-Hyacinthe permettrait, à terme, une réduction annuelle de 25 000 tonnes de GES.

 

 « On calcule qu’en six ans, tous les investissements de la Ville vont être rentabilisés et on va commencer à faire du profit », soutient Joëlle Jetté.

 

Les deux paliers de gouvernement contribuent à la réalisation de la phase II à hauteur de 25 millions $, soit 11 et 14 millions, respectivement de la part d’Ottawa et de Québec. Québec avait précédemment aussi investi 5,6 millions $ pour la phase I. De plus, la contribution de la Ville est de 14 millions $ pour les deux phases, ce qui porte la valeur globale du projet à près de 45 millions $.

 

Un projet sur mesure

La Ville a assumé la totalité des coûts de la phase 1 avant d’obtenir des subventions. Ont par la suite été lancés des programmes gouvernementaux, auxquels la Ville s’est inscrite. « C’est une initiative entièrement municipale. C’est un projet qui s’est construit à l’interne, à partir de nos besoins », indique Joëlle Jetté.

 

Le projet, mentionne-t-elle, repose sur l’esprit avant-gardiste de Pierre Gabrielli, directeur du service du Génie de la Ville de Saint-Hyacinthe, et de Pierre Mathieu, conseiller technique en traitement de l'eau, qui ont développé le concept à partir de technologies européennes.

 

« Le projet a vraiment été développé, porté et vendu aux membres du conseil par eux. Et, par la suite, ça prenait évidemment l’ouverture des conseillers municipaux pour sauter dans le vide sans filet. Parce que c’est beaucoup d’investissements pour une petite ville comme Saint-Hyacinthe. Il fallait y croire. Mais ces deux personnes-là ont réussi à “contaminer” tout le monde de leurs bonnes idées », conclut-elle.

 


Cet article est paru dans l’édition du mardi 14 août 2012 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !