Un projet de loi visant la prévention des dommages aux infrastructures souterraines est sur le point d’être déposé à la Chambre des communes alors que l’Ontario a déjà sa loi depuis 2012. Qu’en est-il du Québec?
L’obligation de s’informer de ce qui se cache sous le sol avant de creuser, c’est la loi en Ontario depuis cinq ans. Chez nos voisins du Sud, c’est également obligatoire dans tous les États. Et du côté d’Ottawa, l’important projet de loi S-229 a déjà passé l’étape de l’adoption au Sénat en mai 2017. Où en est le Québec dans cette voie législative qui gagne du terrain partout au pays? « Des représentations auprès du gouvernement provincial ont été faites afin de doter le Québec d’une loi encadrant la prévention des dommages aux infrastructures souterraines. Nous avons bon espoir de convaincre nos élus que la meilleure façon de prévenir les bris lors de travaux d’excavation et tous les impacts qu’ils génèrent est effectivement d’encadrer cette activité par une loi qui définit clairement la responsabilité de tous les acteurs de l’industrie », affirme Nathalie Moreau, directrice générale, Prévention et affaires publiques d’Info-Excavation.
Une logique qui s’impose
Après 25 ans d’activité, Info-Excavation, le seul centre de prévention des dommages aux infrastructures souterraines au Québec, a fait beaucoup de chemin en termes de sensibilisation et de formation auprès des professionnels du milieu de l’excavation, des donneurs d’ouvrage et du grand public. Si le nombre de demandes de localisation ne cesse de croître année après année, il y a tout de même encore plus de cinq bris connus par jour causés aux infrastructures souterraines associés aux deux principales raisons : soit qu’il n’y a pas eu de demande de localisation faite auprès d’Info-Excavation, soit que la méthode d’excavation n’était pas adéquate.
« D’abord, il faut savoir que ce ne sont pas toutes les municipalités ni tous les propriétaires privés d’infrastructures souterraines qui sont membres d’Info-Excavation. Si nous n’avons pas accès aux plans de localisation d’une municipalité, l’entrepreneur devra faire sa demande directement à la municipalité et deviner qui d’autre pourrait avoir des infrastructures dans le sol, ce qui complique la tâche », explique Mme Moreau, en ajoutant qu’il n’y a pas encore de loi complète qui oblige les excavateurs à faire une demande de localisation avant de creuser. « S’ils sont responsables des dommages causés à une infrastructure souterraine, ils devront payer les dégâts, bien évidemment, mais ce n’est pas encore une obligation, quoique certaines normes de la construction en font mention. »
Pour Info-Excavation, qui regroupe actuellement au Québec plus de 76 municipalités, 101 propriétaires de réseau et 49 autres acteurs de l’industrie, le projet de loi visant la prévention des dommages aux infrastructures souterraines devrait principalement obliger tous les propriétaires, publics ou privés, à se joindre à l’organisme à but non lucratif afin qu’Info-Excavation continue d’être le guichet unique en termes de prévention et de localisation, comme l’est l’Ontario One Call. L’autre grand volet d’une future loi serait évidemment l’obligation pour tous de faire une demande de localisation avant de creuser. « C’est la base d’un programme de prévention national et ce serait l’outil essentiel pour la sécurité des travailleurs et des citoyens, sans oublier la protection de notre environnement. Il ne faut pas attendre qu’il arrive un drame, comme ça s’est déjà produit à plusieurs endroits en Amérique du Nord, avant de légiférer et d’encadrer les pratiques d’excavation », soutient Mme Moreau.
Exiger les bonnes pratiques
La première cause de bris aux infrastructures souterraines est l’utilisation de pratiques d’excavation déficientes et la deuxième est qu’on ne fait pas de demande de localisation auprès d’Info-Excavation avant de creuser. Si une loi venait régler cette dernière cause, elle devrait aussi encadrer la pratique professionnelle. « Rendre obligatoire la demande de localisation est un grand, très grand pas en termes de prévention. Mais il faudra que la loi aille plus loin en exigeant, lorsque c’est possible, les bonnes techniques d’excavation à utiliser pour protéger les travailleurs, la population et les réseaux. Les techniques d’excavation douce, par exemple, devraient être prescrites lorsque c’est nécessaire. Nous sommes conscients qu’un projet de loi d’une telle envergure demande beaucoup d’analyses, d’études et de réflexion, mais nous croyons que le temps est venu d’envisager la prévention des dommages aux infrastructures souterraines dans son ensemble, de mettre sur la table une méthodologie de prévention réunissant tous les acteurs de l’industrie », de conclure Mme Moreau.