Construction et technologie - Un retard immense à combler

Par François G. Cellier

L’industrie québécoise de la construction accuserait un retard immense sur le plan technologique. Au cours des prochaines décennies, il lui faudra amorcer un rattrapage vital en cette matière, dit-on. L’un des traitements choc pour y parvenir s’est traduit, en janvier 2012, par la création de la Chaire industrielle Pomerleau à l’École de technologie supérieure (ÉTS).

 

Née d’un soutien financier octroyé par le constructeur Pomerleau, Hydro-Québec et le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie (CRSNG), qui y injecteront environ 240 000 $ annuellement sur trois ans, elle se voudra un « centre de veille et de transfert technologique » dédié au secteur de la construction. Cette chaire de recherche a été officiellement inaugurée le 12 février dernier.

 

Le BIM à l'honneur

Le BIM (Building information Modeling) constituera le noyau dur de cette chaire, dont les recherches viseront à révolutionner les pratiques et idées reçues, en s’appuyant sur trois bases théoriques appelées Technologie, Organisation et Processus. Plate-forme écologique vouée à un bel avenir, cet outil informatique fait son apparition dans un contexte préoccupant chez nous, à savoir « la fragmentation d’une industrie dont la productivité est loin d’être optimale, et un taux de prédictibilité déficient au chapitre des coûts et échéanciers de production », lance Daniel Forgues, titulaire de la Chaire et directeur du Groupe de recherche sur l’intégration en développement durable (GRIDD). Cet organisme évoluera en symbiose avec la Chaire.

 

De gauche à droite, Claude Bédard, doyen de la recherche à l’ÉTS, Yves Beauchamp, directeur général de l’ÉTS, Daniel Forgues, professeur et titulaire de la nouvelle Chaire, Sheryl Staub-French, professeure associée à l’Université de Colombie-Britannique, Réal Laporte, président d'Hydro-Québec Équipement et services partagés, et président-directeur général de la Société d’énergie de la Baie James, Pierre Pomerleau, pdg de Pomerleau.

 

La modélisation complète d’un bâtiment neuf ou rénové, la simulation de ses performances, sa construction et son exploitation sont désormais accessibles, grâce aux technologies associées à BIM, et ce, avant même d’avoir dessiné les plans des immeubles projetés. Les professionnels et entrepreneurs spécialisés pourront ainsi œuvrer ensemble plutôt qu’en silo, grâce à un partage d’information en temps réel et à l’utilisation d’une seule et même plate-forme.

 

À titre d’exemple, il deviendra notamment possible de remettre en question un procédé, voire un concept qui conduirait un projet dans la mauvaise voie. Par le fait même, le BIM préviendrait un irritant majeur dans l’industrie, à savoir des plans et devis parfois truffés d’erreurs et d’omissions. « Les anomalies sont ainsi corrigées avant de procéder aux travaux, et non pendant ou après », précise Daniel Forgues.

 

Autre force du BIM : l’élimination du gaspillage des matériaux de construction neufs, dont 10 % à 15 % sont jetés aux rebuts dans la plupart des chantiers, et la possibilité d’éviter l’utilisation du papier, du début à la fin d’un projet.

 

Conception intégrée et construction Lean

Deux autres axes principaux graviteront autour de cette plate-forme dans cette chaire, soit la conception intégrée (CI) et la construction Lean. La première ciblera l’implication active des parties prenantes internes et externes au sein d’un projet, qui évolueront dans des ateliers intensifs de conception. Quant à la seconde, « elle découle d’une nouvelle approche qui repose sur la gestion de production ». Lean cherchera essentiellement à « maximiser la valeur et à minimiser les gaspillages ».

 

En somme, « BIM, le CI et Lean se marieront ensemble pour orienter la construction vers le développement durable, une efficacité accrue, des coûts de production moindres et une plus grande rapidité d’exécution », de dire Daniel Forgues.

 

Il reste maintenant à intégrer cette technologie à l’industrie. Elle impliquera un changement radical dans les façons de faire, d’importants investissements financiers et de la formation. Mais selon ses utilisateurs, une fois cette plate-forme maîtrisée, plus personne n’a envie de retourner en arrière.

 


Cet article est paru dans l’édition du mardi 19 février 2013 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !