Le ministre Sylvain Gaudreault gère deux portefeuilles clés au sein du gouvernement Marois : les Transports et les Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire. Sa mission ? Faire le ménage au sein des Transports, transformer le ministère en agence, restaurer la confiance du public envers ses élus et ses institutions. Constructo s’est entretenu avec M. Gaudreault et fait le point sur les différents enjeux auxquels il doit faire face.
Constructo : Le 19 septembre dernier, vous avez été nommé ministre des Transports et des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire. La responsabilité de deux ministères de cette taille n’est-elle pas une tâche trop lourde pour une seule personne ?
M. Gaudreault : Il va sans dire que je suis conscient de l’ampleur de la tâche qui m’attend. Mais je ne m’en fais pas trop, je suis entouré de gens dévoués, tant du côté du cabinet que de celui du ministère. Il ne faut pas oublier non plus que les rôles qui me sont dévolus touchent essentiellement à la législation, à la planification et aux orientations du Ministère ainsi qu’au traitement des dossiers litigieux. Pour le reste, je peux compter sur les quelque 6 000 employés qui forment les rangs des Transports, et autant du côté des Affaires municipales.
Constructo : Pourquoi avoir regroupé ces deux ministères, quels sont les avantages qui en découleront ?
M. Gaudreault : Permettez-moi tout d’abord de préciser qu’il ne s’agit pas de la fusion de deux ministères, mais de la convergence de deux portefeuilles naturellement liés. Au 21e siècle, on ne peut plus concevoir l’un sans l’autre. Les dossiers du transport touchent l’aménagement du territoire, tout comme l’aménagement du territoire intéresse les transports. Les deux ministères restent des entités indépendantes et autonomes, ils conservent leur identité propre. Sauf qu’ils partagent plusieurs enjeux communs. Près de 75 % des dossiers municipaux sont liés aux transports. Prenez l’aménagement de sentiers de motoneige. Je vous donne cet exemple, parce que je sors justement d’une conférence de presse organisée par la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec. Eh bien, la motoneige, ça touche à la fois aux transports et à l’aménagement du territoire. Les motoneiges circulent sur des terres publiques et des terres privées, parfois même au cœur des villes, comme ici à Saguenay. Bref, le signal qu’on veut envoyer, c’est que les transports et les affaires municipales sont intimement liés et qu’on doit donner une orientation cohérente à ces deux fonctions extrêmement importantes de l’État. D’un autre côté, la réunion de ces deux entités nous permettra de traiter plus vite les dossiers de l’heure.
Constructo : Vous prévoyez soumettre le Plan québécois des infrastructures à une cure minceur. Comment sera-t-elle orchestrée ?
M. Gaudreault : Comme vous le savez, le budget Marceau annonce une réduction du montant consacré aux infrastructures de l’ordre de 1,5 milliard $ par année par rapport aux prévisions inscrites dans le Plan québécois des infrastructures 2011-2016. Il reste que nous comptons investir 9,5 milliards par année dans le maintien et le développement de nos infrastructures. Nous en sommes présentement à réfléchir sur les manières de faire pour réaliser le plus de projets possibles, tout en veillant à ce que la planification et la gestion de projets soient optimisées. C’est certain que nous comptons également assurer une surveillance plus étroite des chantiers routiers afin d’éviter les dépassements de coûts. On est donc à revoir la planification du gouvernement sortant, mais il est encore trop tôt pour dire quels seront les travaux qui seront inscrits à la programmation 2013-2014. On devrait être en mesure d’en parler davantage vers la fin mars.
Constructo : Qu’en est-il des principaux dossiers en cours, comme l’échangeur Turcot ? Ces projets vont-ils se réaliser comme prévu ou feront-ils l’objet de nouvelles études et évaluations ?
M. Gaudreault : Pour ce qui est de l’échangeur Turcot, on continue de dire que c’est un projet prioritaire. D’abord sur le plan de la sécurité publique, ensuite sur le plan de la fluidité du transport. Il s’agit d’un axe stratégique du développement économique du Québec. Presque toutes les marchandises vendues au Québec transitent par cet échangeur. Et c’est sans compter le nombre de véhicules qui l’empruntent chaque jour. Pas question de faire table rase, on ne repartira pas de zéro. Au contraire, on va travailler avec le plan élaboré par l’ancien gouvernement et on conserve le même échéancier, soit 2018-2019. Mais on ne veut pas non plus en faire un deuxième CHUM. En ce sens, la Loi 1 sur l’intégrité en matière de contrats publics nous sera utile : les entreprises qui voudront travailler sur les projets gouvernementaux devront d’abord montrer patte blanche. C’est l’Autorité des marchés financiers qui sera responsable de délivrer une autorisation de contracter et de tenir à jour la liste des entreprises autorisées à soumissionner les projets publics.
Constructo : Dans son allocution, lors de votre entrée en fonction, madame Marois mentionnait que vous auriez d’abord à faire le ménage au sein des Transports. Comment comptez-vous vous y prendre ? Quels moyens privilégier ?
M. Gaudreault : En fait, ce qu’on entend par ménage, c’est un raffinement, une amélioration de nos processus pour leur assurer une plus grande transparence. Entre autres, pour ce qui est de la sélection des firmes de génie-conseil. Les membres des comités de sélection qui auront à évaluer les propositions reçues dans le cadre d’un appel d’offres de services professionnels, devront par exemple signer une déclaration d’intérêt afin d’éviter, justement, tout conflit d’intérêt.
Constructo : Vous aurez également à transformer le Ministère en agence. Quelles sont les visées de cette transformation ? Comment l’envisagez-vous ?
M. Gaudreault : Le principal objectif que nous poursuivons en créant une agence des transports, c’est de séparer la réalisation des travaux de toute influence politique. Bien sûr, le ministère des Transports continuera d’exister, mais sa portée se limitera aux lois, aux règlements, à la planification et aux orientations. Quant à l’agence, elle aura la responsabilité de l’exécution des travaux, de l’appel d’offres à l’inauguration du projet. Elle sera entre autres composée d’un conseil d’administration dont les membres seront imputables de leurs actions. On vise également à recréer, au sein de l’agence, le savoir-faire, l’expertise en matière de surveillance des travaux afin d’éviter à l’avenir les dépassements de coûts.
Constructo : En tant que ministre des Transports, quel message désirez-vous adresser aux entrepreneurs et à l’industrie de la construction en général ?
M. Gaudreault : On traverse une période trouble, qui soulève beaucoup de questionnements. On a toujours confiance dans le professionnalisme des entrepreneurs du Québec et dans la qualité d’exécution de leurs travaux. Seulement, on va modifier un peu les règles du jeu afin d’assurer la plus grande transparence possible, tout en travaillant avec les entrepreneurs pour bâtir les meilleures infrastructures au meilleur coût.
Cet article est paru dans l’édition du jeudi 22 février 2013 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !