Cette semaine, se déroulent des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi no 1 (Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics), devant la Commission des finances publiques, à l'Assemblée nationale. Au fil des séances, l'industrie a l'occasion de s'exprimer à nouveau sur le sujet.
Favorable au principe, l'ACRGTQ invite le gouvernement à la prudence
L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ) s'est dit, de manière générale, favorable au projet de loi 1, invitant toutefois le gouvernement à la prudence. Selon l'Association, le projet de loi fait appel à des notions trop arbitraires et il lui apparaît prématuré d'agir ainsi car les travaux de la Commission d'enquête sur l'industrie de la construction, étant toujours en cours, pourraient également déboucher sur des recommandations nécessitant des modifications législatives semblables ou différentes.
Parmi les éléments soulevés par l'ACRGTQ, notons le fait que le projet de loi prévoit que l'Autorité peut refuser à une entreprise de lui accorder ou de lui renouveler une autorisation ou révoquer une telle autorisation si elle considère que la confiance du public est affectée en raison du manque d'intégrité de l'entreprise (…). La « confiance du public » est pour l'Association un concept beaucoup trop large et arbitraire pour servir à déterminer s'il est dans l'intérêt public qu'une entreprise soit empêchée de faire affaire avec l'État avant même d'être reconnue coupable par les tribunaux. C'est plutôt l'intérêt public, et non la confiance du public qui devrait servir, selon l'Association, comme critère principal afin de décider si une entreprise peut continuer à faire affaire avec l'État.
De plus, le projet de loi prévoit que l'autorisation de l'AMF sera émise à la suite des vérifications qui seront menées par le commissaire associé aux vérifications de l'Unité permanente anticorruption (UPAC). L'ACRGTQ est en accord avec cette mesure. L'ACRGTQ est d'ailleurs d'avis que c'est au sein de l'UPAC et des enquêtes policières que devraient être concentrées les ressources publiques affectées à la lutte contre la corruption. L'ACRGTQ recommande que ces nouvelles responsabilités n'empêchent pas l'UPAC d'accomplir son travail principal qui doit être, à son avis, d'enquêter et d'arrêter les entreprises délinquantes.
L'ACQ souhaite la mise en place d'un système qui a la confiance du public
« L'Association de la construction du Québec souhaite que le gouvernement mette en place un système de vérification de l'intégrité qui a la confiance du public », indiquait lundi le président de l'ACQ, M. Jean Pouliot, lors de la présentation de son mémoire dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi.
L'ACQ ne souhaite pas d'accommodement sur les critères d'intégrité que propose le projet de loi no1. Elle veut permettre au gouvernement d'atteindre son but tout en limitant les impacts qu'un tel système pourrait avoir sur l'accès aux marchés publics et le développement économique des PME de l'industrie de la construction et, par le fait même, des régions.
Selon l'Association, pour s'assurer de l'intégrité du processus d'octroi et de gestion des contrats publics, il faut aussi prévoir des mesures pour bien outiller les futurs responsables de l'observation des règles contractuelles que le projet de loi prévoit créer. « Renforcer simplement les mesures visant à s'assurer de l'intégrité des fournisseurs nous apparaît être une demi-mesure. Ajouter un encadrement adéquat des organismes publics dans l'application stricte des règles entourant l'octroi et la gestion des marchés publics serait plus approprié », de dire Jean Pouliot.
L'ACQ reconnaît le progrès en ce qui concerne l'assujettissement de l'ensemble des organismes publics et des sociétés d'État aux mêmes règles d'intégrité, mais croit que le gouvernement devrait soumettre les municipalités aux mêmes règles.
L'AICQ propose d'imposer des mesures correctives pour assurer l'intégrité des entreprises
Dans sa présentation devant la Commission des finances publiques, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ) a d'abord applaudi l'intention, les valeurs et les objectifs derrière le projet de loi no 1.
« Il s'agit du seul moyen d'assurer la confiance du public à l'égard des acteurs économiques et gouvernementaux qui obtiennent et octroient des contrats réalisés avec des fonds publics », a déclaré Mme Johanne Desrochers, présidente-directrice générale de l'AICQ.
Dans le but d'encourager l'entrepreneuriat québécois et la croissance de l'économie, l'AICQ croit qu'il est souhaitable que le projet de loi contienne des mécanismes imposant la mise en œuvre de mesures correctives, possiblement assorties de mesures de surveillance et d'accompagnement aux frais des contractants, permettant aux entreprises de conserver ou de retrouver leur autorisation de soumissionner sous certaines conditions, lorsqu'elles démontrent qu'elles ont posé les gestes nécessaires pour corriger la situation et éviter la répétition des faits reprochés.
Citant les résultats positifs donnés par les mécanismes similaires dans les domaines de la santé et sécurité au travail et de l'environnement, l'AICQ remarque que de tels mécanismes ont entrainé des changements de comportements, amenant les entreprises québécoises à respecter, et même à promouvoir, les plus hautes normes en ces matières.
Par ailleurs, l'AICQ a soulevé des doutes sur la faisabilité d'appliquer des critères subjectifs de façon uniforme et équitable pour tous les contractants. Entre autres, l'Association considère que les notions de « contrôle de facto », « comportement répréhensible », « personne raisonnable » et de « perception » qui doivent guider les décisions de l'Autorité laissent place à des interprétations multiples.
L'AICQ s'interroge aussi sur l'opportunité de rendre la loi applicable à partir de seuils financiers (50 M$ dans le projet de loi actuel). Selon l'AICQ, l'intégrité ne doit pas être variable en fonction de la valeur des contrats en jeu. Pour rendre la loi plus efficace, l'AICQ suggère de rendre la loi applicable à tous les contrats publics, en s'assurant néanmoins d'en rendre les critères d'application précis et objectifs, et en permettant aux entreprises d'implanter des correctifs lorsqu'elles sont en mesure de démontrer que ceux-ci assurent l'intégrité de leurs pratiques, à la satisfaction de l'Autorité.