L’hypothèque légale de construction a pour objectif de protéger les créances de ceux qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble.
Ce droit existe tant pour ceux à qui le contrat a été donné directement que pour ceux dont les services sont retenus par ces derniers. Ce droit, cependant, n’existe que dans la mesure où les travaux ont été demandés par le propriétaire de l’immeuble.
Il va sans dire qu'on entend par « propriétaire » celui qui apparaît aux titres comme le détenteur d’un droit réel, i.e. le propriétaire (au sens traditionnel du terme), l’emphytéote, l’usufruitier.
De plus, par « propriétaire » on entend également le propriétaire subséquent puisque le changement de propriétaire qui survient après le début des travaux n’affecte pas les droits déjà acquis ; en ce sens, le contrat déjà dénoncé au propriétaire n’a pas à être dénoncé à nouveau à l’acquéreur subséquent ; les droits acquis ne sont pas mis en péril par le changement de propriétaire.
Mais qu’en est-il lorsque les travaux ne sont pas demandés par le propriétaire de l’immeuble, comme par exemple lorsque qu'ils le sont par un locataire, un promettant acheteur, un représentant du propriétaire, etc. ?
Les tribunaux ont donné une interprétation assez large du mot « propriétaire » et, dans certaines circonstances, les tribunaux ont reconnu l’existence du droit à l’hypothèque légale alors même que les travaux sont demandés par un autre que le propriétaire de l’immeuble. Voici quelques cas:
Le cas du locataire
Le principe général est à l’effet que les travaux demandés par le locataire qui fait faire des travaux dans l’espace qu’il loue ne donnent pas droit à une hypothèque légale, et ce, même si le locataire bénéficie d’une option d’achat de l'immeuble aux termes de son bail et même si le bailleur contribue aux coûts des travaux, par exemple par le biais d’une réduction de loyer ou d’une allocation.
Cependant, les tribunaux ont élaboré des critères permettant de déterminer lorsque, aux termes du bail ou d’une entente parallèle, le bailleur a fait du locataire son agent pour la réalisation des travaux dans l’espace qu’il loue, auquel cas l’hypothèque légale serait admise. Ce concept d’« agent », élaboré par la Cour suprême, requiert le respect de conditions précises aux termes desquelles on conclura que le locataire est en fait le représentant du bailleur pour la réalisation des travaux.
Le cas du mandataire
En droit civil, le mandataire est un « représentant » de celui qui donne le mandat ; celui qui donne le mandat demeure responsable pour les gestes de son mandataire. Par conséquent, l’architecte ou le gérant de construction par exemple qui a expressément la charge d’administrer un projet pourra donner ouverture à l’hypothèque légale même s’il n’est pas propriétaire de l’immeuble.
Le cas du promettant acheteur
Le promettant acheteur d’un immeuble qui fait faire des travaux sur un immeuble pour lequel l’acte de vente n’a pas encore été conclu ne peut donner ouverture à une hypothèque légale. Cependant, si ce promettant acheteur est en possession de l’immeuble, et ce, malgré que l’acte de vente n’ait pas encore été conclu, le Code civil prévoit que la délivrance de l'immeuble (c'est-à-dire, la remise) par le vendeur et sa possession par le promettant acheteur équivaut à une vente, faisant du promettant-acheteur un « propriétaire » et donnant ainsi lieu au droit à l’hypothèque légale.
Il va sans dire que si les parties ont expressément exclu les dispositions du Code civil à cet effet, il n'y a pas véritablement vente et par conséquent, le promettant-acheteur n'est pas assimilé à un propriétaire. Il faut également que le promettant acheteur devienne propriétaire de l’immeuble par le biais d'une de vente réelle sans quoi, l'hypothèque légale ne pourra grever l'immeuble d'un autre.
Le cas de l’acheteur avec clause résolutoire
L’acheteur qui acquiert un immeuble avec solde de prix de vente garantit en règle générale le solde par une clause résolutoire en faveur du vendeur impayé. Dans l’éventualité où l’acheteur ne paie pas le solde, le vendeur sera en droit d’exercer sa clause résolutoire et ainsi, résoudre la vente rétroactivement à la date de l’acte de vente faisant en sorte que l’acquéreur n’aura jamais été propriétaire de l'immeuble et les droits à une hypothèque légale deviendront caduques.
Afin de connaître la situation dans laquelle ils se trouvent, et plus précisément la précarité du titre de celui qui demande les travaux, ceux qui participent à la construction ou à la rénovation d’un immeuble auraient tout avantage à vérifier le titre de celui qui demande les travaux ; une simple vérification au registre foncier est suffisante. Il n’est pas nécessaire de vérifier si le propriétaire inscrit au titre est véritablement le propriétaire de l’immeuble ou simplement un prête nom puisque les règles au Québec sont à l’effet que les inscriptions au registre foncier sont opposables aux tiers et, à l’inverse, les tiers peuvent s’y fier.
Le registre foncier ne pourra dévoiler toutes les situations (les offres ou promesses d'achat ne sont pas admises à la publication alors que les baux sont en règle générale publiés par simple avis) mais à tout le moins, il pourra confirmer si oui ou non, celui qui demande les travaux est le propriétaire de l'immeuble ; si la réponse est négative, c'est là qu'il faut commencer à se poser des questions.
Pour toute question, vous pouvez joindre Me Joubert au 514 871-5435.
Cet article est paru dans l’édition du jeudi 4 février 2015 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !