Adopté en novembre 2024, le projet de loi 76 (PL76) vise notamment à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public. Mais quels sont les impacts pour les donneurs d’ouvrage et les entrepreneurs ?
Selon Alessandra Pecoraro, avocate spécialisée en droit du travail et en droit de l’emploi et associée chez Miller Thomson, ce projet de loi permet de créer un cadre législatif comparable à celui des autres provinces, en augmentant entre autres la surveillance des chantiers.
En effet, le projet de loi a notamment été introduit pour répondre à des préoccupations croissantes concernant la qualité de la construction au Québec, en particulier dans le secteur résidentiel. « Selon la Régie du bâtiment du Québec (RBQ), 42 % des bâtiments inspectés de 2019 à 2020 avaient révélé une non-conformité. De 2023 à 2024, ce taux s’élevait à 59 % », illustre-t-elle. L’organisme Garantie de construction résidentielle (GCR) indiquait dans une étude publiée en 2019 que faire des travaux correctifs après la construction peut être 15 fois plus cher que de le faire pendant le chantier.
Si certaines dispositions de la loi sont déjà en vigueur, d’autres le seront dans les deux prochaines années. Selon l’avocate, plusieurs règlements à venir vont établir les modalités pratiques du cadre législatif.
Assurer la qualité de la construction
Parmi les mesures phares établies par le PL76, le donneur d’ouvrage devra faire inspecter les travaux de construction à au moins trois étapes charnières de la construction, qu’il devra déterminer dans un plan de surveillance du chantier. Il devra ensuite obtenir une attestation de conformité des travaux au Code de construction ou aux normes de construction adoptées par les municipalités.
Pour cela, le donneur d’ouvrage devra conclure un contrat avec un architecte, un ingénieur ou avec une personne ou un organisme reconnus par la RBQ conformément à un règlement. « Ce règlement sera établi par la RBQ dans les 18 prochains mois, il donnera plus de détails par rapport à ces étapes », précise Alessandra Pecoraro.
La loi prévoit également un élargissement du pouvoir des régisseurs de la RBQ pour leur permettre d’appliquer des correctifs ou des mesures en cas de travaux mal effectués. « Ils pourront assortir la délivrance d’une licence à plusieurs conditions : par exemple, exiger une mesure corrective de surveillance ou d’accompagnement, ajoute l’avocate. Ils pourront également imposer une formation pour obtenir ou maintenir ces licences-là. »
En cas de travaux mal réalisés, le pouvoir des régisseurs n’est pas encore connu, mais ils pourront tout de même aller jusqu’à suspendre une licence. Un futur règlement donnera plus de détails sur le pouvoir des régisseurs.
Pour obtenir une licence d’entrepreneur ou de constructeur- propriétaire, il sera aussi désormais obligatoire de suivre une formation et de réussir des examens administrés par la RBQ. « On sait qu’il y aura des différences par rapport à ce qui existe déjà, mais celles-ci seront établies ultérieurement dans un règlement, ajoute Alessandra Pecoraro. L’objectif est vraiment d’améliorer les connaissances et les aptitudes pour favoriser la conformité des travaux et la sécurité du public. »
Des sanctions en cas de non-conformité
Le PL76 va établir un cadre d’application et d’imposition de sanctions administratives pécuniaires pour permettre un retour rapide à la conformité. La RBQ va notamment mettre en place un registre public qui sera accessible en ligne. Diverses informations seront disponibles au sujet d’un entrepreneur ou d’un constructeur-propriétaire, comme son nom, ses coordonnées, son numéro de licence ainsi que la date de sa délivrance. « Il sera surtout possible de savoir si des sanctions lui ont été imposées », précise Alessandra Pecoraro.
Plusieurs sanctions pécuniaires pourront être appliquées allant de 500 $ à 5 000 $ pour une personne physique et de 1500 $ à 10 000 $ dans d’autres cas qui seront déterminés par la RBQ dans un règlement.
« Des sanctions très importantes vont [réprimer] l’utilisation d’un prête-nom, qui est un sujet qui revient souvent dans l’industrie de la construction », poursuit l’avocate. Dans ces cas-ci, des amendes allant de 6 247 $ à 32 128 $ seront appliquées pour une personne physique et les personnes morales seront passibles d’une amende allant de 19 279 $ à 96 386 $.
S’ils constatent des non-conformités majeures, les régisseurs pourront imposer une résiliation du contrat et mettre fin à un chantier. « Les modalités précises seront établies par règlement, mais ça pourrait avoir des impacts économiques très importants sur un chantier », prévient Alessandra Pecoraro. Les régisseurs de la RBQ auront aussi le pouvoir d’imposer une hypothèque légale sur les biens meubles et immeubles d’une entreprise pour garantir le paiement d’une amende. Une fois une non-conformité constatée, le donneur d’ouvrage recevra un avis de non-conformité et il aura tout de même un délai pour corriger les problèmes. D’après l’avocate, il n’y aura toutefois pas de cumuls de sanctions administratives, « il y aura soit une sanction administrative, soit une sanction pécuniaire, mais pas les deux », assure-t-elle.
Selon Alessandra Pecoraro, le projet de loi 76 est complémentaire avec le projet de loi 51, adopté en mai dernier, qui permettra notamment aux travailleurs de l’industrie de se déplacer d’une région à l’autre sans contraintes. « Avec le PL76, tout comme dans le PL51, on cherche à être plus productif, soutient l’avocate. Mais ici, on introduit des dispositions pour s’assurer que les fonds investis le sont correctement et qu’on a un pouvoir de contrôle sur les bâtiments dirigés [dans la province]. »
Alessandra Pecoraro conseille donc aux entrepreneurs de suivre les nouvelles et de s’informer sur les futures dispositions, entre autres auprès de la Commission de la construction du Québec (CCQ).
- Obligation pour le donneur d’ouvrage de mettre en place un plan d’inspection obligatoire à trois étapes clés du chantier par une personne ou un organisme reconnu par la RBQ et d’obtenir une attestation de conformité des travaux aux différentes normes;
- Élargissement du pouvoir des régisseurs pour leur permettre d’appliquer des correctifs ou des mesures en cas de travaux mal effectués;
- Nouvelle formation et examens obligatoires pour les entrepreneurs et constructeurs-propriétaires;
- Mise en place d’un registre public des informations relatives aux licences d’entrepreneur, de constructeur-propriétaire et aux certificats d’inspecteur en bâtiment;
- Mise en place de sanctions en cas de non-conformité et d’utilisation d’un prête-nom;
- Harmonisation de certaines dispositions de la Loi sur les maîtres électriciens et de la Loi sur les maîtres mécaniciens en tuyauterie avec celles de la Loi sur le bâtiment.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Projets 2025. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
Ce sujet pique votre curiosité ? Lisez tous les articles du dossier PROJETS 2025 :
- Oser être visionnaire : entrevue avec Martin Raymond
- Quartier Molson : un nouveau quartier développement au coeur de Montréal
- Prévisions de la CCQ : vers un nouveau record en 2025
- Le Carré Laval : un futur quartier alliant innovation et écologie
- Construire plus rapidement grâce au modulaire préfabriqué
- CHU de Québec : délicate coordination entre médecine et construction
- Changer le visage de la construction une brique à la fois