Deux ans après la première diffusion du documentaire Casques roses signé par Karina Goma et dans lequel plusieurs Elles de la construction ont participé, nous avons pensé réunir à nouveau quelques participantes pour discuter de la place des femmes dans l’industrie de la construction.
Diffusé pour la première fois le 25 janvier 2016, Casques roses recueille les témoignages de quelques travailleuses de la construction qui ont choisi d’intégrer une industrie à 98,6 % masculine. On y parle de leur succès, de leur détermination à faire leur place, mais aussi de discrimination à l’embauche, d’intimidation et de harcèlement.
Elles sont jeunes, elles ont l’amour de leur métier et elles veulent poursuivre leur carrière, chacune à leur façon. Amélia de Bellefeuille, peintre, comptabilise ses heures de travail afin de pouvoir devenir un jour compagnon. Elle rêve de fonder sa propre entreprise après avoir obtenu ses cartes puis sa licence d’entrepreneur. Quant à Stéphanie Cliche, peintre également, elle aussi attend d’obtenir ses cartes de compagnon afin d’avoir plus de liberté dans son travail.
L’horaire de travail, un irritant
Pour les femmes qui ont une famille et qui travaillent sur les chantiers de construction, l’horaire de travail imposé est tout simplement incompatible avec les contraintes familiales. Randie Tremblay-Cadieux, mère seule avec un enfant de cinq ans, s’estime chanceuse d’avoir un employeur qui lui accorde un horaire de travail qui lui fait commencer sa journée à 7 heures au lieu de 6. « Qu’on soit un homme ou une femme, les employeurs sont très exigeants envers leurs employés. Pour les femmes qui ont des exigences parentales, il n’y a aucun accommodement possible », affirme tristement Stéphanie Cliche. Tous s’entendent pour dire que si on veut augmenter le nombre de femmes dans l’industrie de la construction, il faudrait que les employeurs fassent preuve de plus de flexibilité.
Le harcèlement
Malheureusement, encore trop de femmes aujourd’hui, pour obtenir ou pour garder leur travail, tolèrent des comportements inacceptables de la part de leurs collègues ou leurs supérieurs masculins. Randie Tremblay-Cadieux a toujours pensé que les mesures mises en place pour stopper le harcèlement sur les chantiers ne la regardaient pas. Jusqu’au jour où elle en a été victime. Heureusement, son employeur a rapidement pris sa plainte en charge et le problème s’est réglé. Cependant, elle est bien consciente que toutes les femmes n’ont pas cette chance. « Les employeurs doivent être proactifs dans ce type de situation pour que les choses changent. Ils ont un rôle important à jouer », commente Valérye Daviault, présidente des Elles de la construction.
Pour Sylvie De raspe, formatrice agréée accréditée par ASP Construction et opératrice compagnon de pelle ainsi que mentore, la prévention pour toute forme d’harcèlement doit commencer dès l’entrée à l’école des métiers et même avant. Professeurs, employeurs, syndicats, tous doivent connaître la loi et la faire appliquer.
Elle croit qu’il faut casser les mentalités. « Ça commence sur les bancs d’école, rappelle-t-elle. On peut dire aux petits gars qu’ils peuvent devenir pompiers, mais aussi cuisiniers ou infirmiers. On peut aussi dire aux petites filles qu’elles peuvent devenir coiffeuses, mais aussi charpentières. » Cette dernière milite depuis plusieurs années contre le harcèlement, l’intimidation et la discrimination envers les femmes. Son implication auprès des femmes lui a d’ailleurs valu le prix Elles reconnaissent (femme de métier) dans le cadre de la soirée des Elles de la construction du 6 octobre 2016.
Il ne faut plus accepter l’explication du harceleur qui minimise son geste en disant « C’était juste une joke ». Isabelle Jacob, représentante d’Action travail des femmes, cite en exemple le cas d’une femme, conductrice de pelle mécanique, dont la première plainte n’a pas été retenue pour cette raison.
L’importance de la relève
Dans le documentaire, une entrepreneure générale et maintenant présidente de l’APECQ, Rose Fierimonte, témoignait des difficultés qu’elle a rencontrées il y a presque 30 ans au moment où elle a fondé son entreprise. Grâce au programme de mentorat mis sur pied à l’APECQ il y a deux ans, elle se dit très optimiste quant à la relève des femmes en construction. « Comme mentore, je me réjouis de rencontrer de plus en plus de jeunes femmes dont le sexe n’est pas un frein qui veulent bâtir leur propre entreprise. »
Valérye Daviault, chargée de projet en toiture, et maintenant présidente des Elles de la construction, affirme que des pas ont été faits dans la bonne direction depuis la diffusion du documentaire. Elle cite en exemple le Service d’accompagnement pour l’intégration des femmes dans l’industrie de la construction ainsi que la campagne La mixité en chantier, dont le message principal est « Femme ou homme, c’est la compétence qui compte ». « Il reste beaucoup de travail à faire, mais pour avancer, on doit saluer les initiatives mises en place par la CCQ », ajoute-t-elle.
La présidente des Elles de la construction termine la rencontre en rappelant que l’organisme poursuivra ses activités en 2018 pour soutenir les femmes et les faire rayonner dans l’industrie de la construction. De plus, les Elles tiendront la deuxième édition des prix Elles reconnaissent, qui visent à honorer les personnes et les entreprises qui ont à cœur l’avancement des femmes dans l’industrie de la construction. La remise des prix aura lieu dans le cadre de la soirée Elles reconnaissent, le jeudi 11 octobre 2018 au Théâtre St-James, à Montréal.