Travaux risqués : l’assureur peut-il refuser de vous couvrir?

29 mars 2023
Par Aurélie Ponton

Les entrepreneurs en construction peuvent parfois peiner à trouver un assureur prêt à couvrir les travaux à effectuer. Un expert nous guide à travers les éléments qui peuvent aider les entrepreneurs – ou leur nuire – dans leurs recherches d’un assureur.

À la mi-juin 2022, à La Baie, au Saguenay–Lac-Saint- Jean, un glissement de terrain emporte une maison, mais ne fait heureusement aucune victime. Les travaux s’annoncent aussi complexes que majeurs, tout d’abord avec l’excavation du terrain en trois paliers, où un total de 23 460 mètres carrés de terre seront finalement retirés du site et transportés ailleurs, ainsi que la démolition de six maisons. Se trouvent aussi dans la liste des travaux à effectuer l’installation d’un tapis drainant pour prévenir les accumulations d’eau, la réorganisation du rond-point au sommet du talus et l’asphaltage, incluant un nouveau réseau d’aqueduc et d’égout, et la construction d’un bassin sous-terrain de rétention des eaux au pied du talus afin de diriger l’eau de ruissellement au bon endroit.

 

Or, après avoir entamé les démarches auprès de son cabinet d’assurances local habituel, l’entrepreneur reçoit une bien mauvaise nouvelle. « L’assureur a refusé de couvrir les travaux, car il jugeait le risque trop élevé et il n’était pas prêt à accorder la couverture en responsabilité civile nécessaire », relate le conseiller en relations médias et numériques à la Ville de Saguenay, Dominic Arseneau.

 

La Ville a donc accompagné l’entrepreneur dans sa recherche d’un assureur. Celui-ci a finalement fait affaire avec un cabinet de courtage de Québec qui a des affiliations à l’international. Cette situation a toutefois retardé le début des travaux, au grand désarroi des habitants de la soixantaine de résidences concernées qui ne pouvaient pas regagner leur domicile.

 

Qu’est-ce qu’évalue un assureur lors d’une demande de soumission ?

Plusieurs critères sont évalués par les assureurs spécialisés en construction auxquels recourent les entrepreneurs pour couvrir leurs travaux et chantiers. « Une des premières choses qui sera considérée au moment d’évaluer un dossier est l’expérience de l’entrepreneur. Un nouvel entrepreneur risque d’avoir plus de difficulté à s’assurer qu’un autre qui compte 20 ans dans le domaine », lance d’emblée le courtier en assurance de dommages et directeur en assurance des entreprises chez PMA Assurances, Stéphane Duquette.

 

Stéphane Duquette, courtier en assurance de dommages et directeur en assurance des entreprises chez PMA Assurances. Crédit : Gracieuseté

 

Comme pour tout autre type d’assurances, le dossier de l’entrepreneur revêt aussi une grande importance. En effet, moins il a de réclamations à son actif, tant en ce qui concerne leur nombre que leur valeur, plus il fait bonne figure.

 

La nature des travaux à réaliser

Ayant un effet direct sur le niveau de risque d’un projet, la nature des travaux influence aussi la décision d’un assureur. Par exemple, en règle générale, des rénovations plutôt sommaires sont plus facilement assurables qu’une construction entièrement neuve, d’autant plus si elle est conçue en hauteur. Dans cette même logique, l’ampleur et la complexité des travaux constituent d’autres facteurs qui exercent une influence sur l’admissibilité des demandes. « Les assureurs regardent également d’autres éléments, comme les matériaux utilisés. La structure est-elle en bois ou en acier ? L’immeuble doit-il être résistant au feu ? Ce sont des questions qui sont posées aux entrepreneurs », ajoute Stéphane Duquette.

 

Il faut aussi préciser que plusieurs assureurs ont leur spécialisation au sein du domaine de la construction. Certains se concentrent sur les projets de construction de maisons, alors que d’autres assurent surtout des bâtiments industriels, des immeubles en hauteur ou encore des projets relevant du génie civil.

 

L’emplacement du projet

Sans surprise, l’emplacement du projet est un autre élément clé dans l’évaluation de risque effectuée par les assureurs. « Ces derniers regardent la ville ainsi que le secteur ou encore l’arrondissement où les travaux auront lieu. Par exemple, plusieurs villes et villages sont considérés comme plus à risque entre autres parce qu’ils possèdent des services de pompiers volontaires. Puisque ces derniers ne sont pas toujours présents en caserne, ils mettent plus de temps à intervenir. Ça pose un problème à certains assureurs », explique l’expert.

 

Dans ce même ordre d’idées, un projet dans une zone non protégée – soit sans borne-fontaine à proximité, ni caserne de pompiers dans un rayon de cinq à huit kilomètres – pourrait être rejeté par certains assureurs. Même chose pour un projet situé dans une zone inondable.

 

L’ampleur et la complexité des travaux exercent une influence sur l’admissibilité des demandes d’assurance. Crédit : Gracieuseté

 

La durée des travaux et la période de l’année Plus les travaux sont longs, plus il y a de chances qu’il se produise un événement malencontreux tel qu’un incendie ou un vol. De plus, les constructions réalisées durant l’hiver et le printemps comportent certaines particularités pouvant influencer le risque. Par exemple, afin de prévenir le gel dans les tuyaux, l’intérieur des immeubles en construction doit être chauffé. De plus, les travaux de maçonnerie exigent la présence d’une enveloppe extérieure chauffée. « Il existe différentes sources de chauffage temporaire pouvant être utilisées, comme l’électricité et le propane, mais elles ne s’équivalent pas toutes en termes de risque d’incendie », relativise le spécialiste.

 

Comment un entrepreneur peut-il augmenter son assurabilité ?

Un entrepreneur peut adopter de bonnes pratiques afin de devenir un client plus facilement assurable et, ainsi, obtenir une assurance à un cout raisonnable. Il peut, par exemple, laisser un extincteur à proximité lors des travaux à chaud, comme le meulage et la soudure. « Il est aussi conseillé de mandater un employé pour surveiller le chantier durant au moins 30 minutes après de tels travaux afin de s’assurer que tout est en règle, car un tison pourrait être passé inaperçu et déclencher un incendie », précise Stéphane Duquette.

 

Il est également recommandé d’installer un système d’éclairage sur les chantiers et/ ou des clôtures pour protéger le périmètre afin de diminuer les risques de vol. Finalement, respecter le Code de sécurité pour les travaux en construction demeure une des façons les plus efficaces de réduire les accidents (et les réclamations).

 

ÉCOUTER SON COURTIER : C’EST PAYANT !

Un courtier en assurance peut parfois guider un entrepreneur dans ses façons de faire avant le début du projet afin de le rendre plus intéressant aux yeux des assureurs. « Un bon courtier est au courant des méthodes à privilégier – et à éviter – pour un entrepreneur. Il se pourrait que quelques modifications à un plan initial puissent faire en sorte qu’un plus grand nombre d’assureurs acceptent une demande, élargissant ainsi l’offre proposée à l’entrepreneur », conclut Stéphane Duquette.