Selon l'Institut de la statistique du Québec, les plus récentes projections démographiques prévoient que la population active du Québec composée des 20-64 ans se dirige vers une certaine stabilité. Bien que le spectre de la décroissance démographique s'estompe un peu en raison de cet équilibre présumé, il n'en demeure pas moins que des défis démographiques majeurs se posent toujours puisque la population des 65 ans et plus se destine à une augmentation accrue au cours des décennies à venir.
Confrontées à ce vieillissement de la population et à la nécessité de renouveler leur main-d'œuvre, les entreprises devront déployer des efforts supplémentaires afin d'assurer leur pérennité.
Connaissance
Au dire de Franklin Becker [1], professeur émérite s'intéressant depuis maintenant plus de 30 ans aux environnements de travail, afin de demeurer concurrentielle et performante, une organisation doit s'assurer que ses effectifs soient continuellement en mode apprentissage, qu'ils soient encouragés à partager leurs idées et qu'ils participent activement à créer l'innovation.
La connaissance s'impose donc désormais comme étant la ressource la plus importante d'une organisation. Si le développement durable des entreprises passe inévitablement par la création et le renforcement du savoir-faire et des compétences, dans quelles mesures les environnements de travail peuvent-ils y contribuer ?
Innover
Dans leur livre The Knowledge-Creating Company [2], Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi exposent leur thèse quant à la création de la connaissance au sein d'entreprises de haut niveau. Selon les auteurs, ce sont principalement les interactions entre des activités et des modes de travail distincts qui permettraient de renforcer le capital intellectuel d'une entreprise.
Ainsi, la capacité d'un environnement de travail à supporter adéquatement et simultanément le travail individuel, le travail de collaboration, les activités de formation (le mentorat, entre autres) et la socialisation permettrait d'entretenir ce que les auteurs appellent la spirale de la connaissance, soit l'accumulation et la combinaison d'informations qui mènent ultimement à l'innovation.
Bien que la majorité des environnements de travail offrent à leurs occupants les ressources nécessaires au travail individuel et de collaboration (de manière ponctuelle du moins), force est de constater que la plupart échouent dans leur tentative de valorisation des activités de formation et de socialisation [3]. Pour espérer tirer profit au maximum de ces dernières, les environnements de travail, de par leur configuration et la manière dont ils sont occupés, doivent tendre à réduire, voire éliminer complètement, les barrières entre les différents acteurs d'une organisation.
L'aménagement d'espaces majoritairement ouverts, de multiples lieux de rencontre aux configurations variées ainsi que d'environnements dédiés aux interactions informelles permettent de renforcer la cohésion de groupe en supportant la création et le partage de connaissances au sein même de la force de travail.
Tant recherchée, cette cohésion de groupe s'avère parfois difficile à obtenir étant donné qu'une équipe se voulant performante et cherchant à innover gagne à être composée de membres hétérogènes. Néanmoins, les formations et les connaissances personnelles des collègues de travail, bien que distinctes, demeurent plus souvent qu'autrement complémentaires. Afin de favoriser cette complémentarité, il importe d'offrir des environnements flexibles et polyvalents qui permettront à tous de laisser libre cours à leur talent unique.
Vision
Pour maximiser les retombées positives d'un aménagement quant à la création de connaissances en milieu de travail, un changement de culture devra s'opérer dans la plupart des organisations.
Ainsi, la productivité organisationnelle ne doit plus être mesurée uniquement en termes de précision et de vitesse d’exécution des tâches, mais plutôt en fonction de sa propension à favoriser la communication, la créativité et la genèse de connaissances nouvelles qui ont le potentiel d'ajouter énormément de valeur à une entreprise [4]. Souvent intangibles à court terme, les bénéfices résultant d'un tel changement de culture permettront aux entreprises visionnaires de se démarquer dans les marchés et de perdurer.
L’auteur est stagiaire en architecture chez Coarchitecture (anciennement Hudon Julien Associés), bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa et membre d’ECOOP, une coopérative offrant divers services de consultation en science du bâtiment.
1. Becker, F. (2004) Office at Work: Uncommon workspace strategies that add value and improve performance, Wiley (Jossey-Bass) : San Francisco, 197 p.
2. Nonaka, I., Tackeuchi, H. (1995), The Knowledge-Creating Company, Oxford University Press, New York, NY., 283p.
3. Nenonen, S. (2004) Analysing the intangible benefits of work space, Facilities, vol. 22, no 9, pp. 233-239
4. Vischer, J. (2008) Towards an Environmental Psychology of Workspace: How People are Affected by Environments for Work – Invited Review Paper, Architectural Science Review, vol. 51, no 2, pp. 97-108
Cette chronique est parue dans l’édition du jeudi 15 novembre 2012 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !