Bien remplir les addenda lors d’un appel d’offres

13 janvier 2010
Par Me Antonio Iacovelli

En date du 6 mai dernier, un arrêt de la Cour d’appel a maintenu la décision de la Cour supérieure déclarant la non-conformité de la soumission d’un entrepreneur dans le contexte de l’agrandissement d’un centre hospitalier et qui, par le fait même, donnait raison au centre hospitalier d’avoir passé outre la soumission de l’entrepreneur en demande et d’avoir octroyé le contrat à un concurrent.

 

De fait, le centre hospitalier a ignoré la soumission de l’entrepreneur puisque celui-ci avait omis d'y mentionner tous les addenda du donneur d’ouvrage. Selon la Cour supérieure, ce qui fut confirmé par la Cour d’appel, l’entrepreneur, de par sa soumission parcimonieuse, a manqué à une condition essentielle de l'appel d'offres.

Voilà la teneur du dossier 3469051 Canada inc. c. Hôpital juif de réadaptation.

 

Les faits

L’Hôpital juif de réadaptation (« HJR ») est un organisme qui, au moment de l’appel d’offres, se trouvait soumis à la Loi sur les services de santé et les services sociaux ainsi qu’aux règlements de cette dernière, tel le Règlement sur les constructions d'immeubles des établissements, des conseils régionaux et de la Corporation d'hébergement du Québec (« Règlement »).

 

Conformément au Règlement, HJR lance le 19 janvier 2004 un appel d’offres en incluant aux documents y afférents les conditions générales préparées par les architectes ainsi que le document normalisé d'appel d'offres émanant de la Corporation d'hébergement du Québec pour des travaux de 100 000 $ et plus.

 

Le document normalisé à ses « Instructions aux soumissionnaires » décrit la manière de remplir le formulaire de soumission, les documents qu'il faut y joindre et la procédure à suivre par le soumissionnaire.

 

Huit jours avant l’ouverture des soumissions prévue le 26 février 2004, les architectes transmettent une série d'addenda pour remise aux entreprises intéressées à soumissionner comptant 44 pages et comprenant des addenda portant sur l’architecture, l’amiante, la mécanique, le génie civil et l’électricité.

 

Le 26 février, 3469051 Canada inc. (« Entrepreneur ») dépose sa soumission. Lors de l’ouverture des soumissions, il s’avère que l’Entrepreneur est le plus bas soumissionnaire. Toutefois, HJR constate le lendemain que la soumission de l’Entrepreneur comporte un problème de conformité car elle omet de  mentionner tous les addenda ajoutés le 18 février 2004. HJR avise l’Entrepreneur du problème.

 

L’Entrepreneur répond par voie de lettre en tentant de corriger son erreur mais ses efforts sont trop peu trop tard. HJR prend la position que la soumission de l'Entrepreneur est irrecevable, que l'erreur commise ne peut pas être corrigée et que, en conséquence, HJR n'a d'autre choix que d'octroyer le contrat au deuxième plus bas soumissionnaire qui lui s’était conformé aux exigences des documents d’appel d’offres en ce qui concerne les addenda.

 

Débouté devant la Cour supérieure pour son action en recouvrement du profit qu'il comptait réaliser si HJR lui avait accordé le contrat, l’Entrepreneur se pourvoit devant la Cour d’appel.

 

L’arrêt de la Cour d’appel

La Cour d’appel réitère tout d’abord que la soumission de l’Entrepreneur, en omettant d’énumérer les addenda, n’était pas conforme aux exigences du document d’appel d’offres et à celles des « Instructions aux soumissionnaires » pourtant claires eu égard auxdits addenda.

 

La Cour est également d’avis que la condition des addenda constituait une condition essentielle puisque l'article 32 du Règlement indique que les « Instructions aux soumissionnaires » doivent donner avis « de toutes les dispositions mentionnées à l'annexe 1, lesquelles constituent des conditions essentielles » à la recevabilité des soumissions. Dans son arrêt, la Cour d’appel cite les articles 3 et 11 du Règlement qui se lisent ainsi :

 

SECTION II

CONDITIONS ESSENTIELLES À LA RECEVABILITÉ D'UNE SOUMISSION

 

3. Le soumissionnaire doit présenter sa soumission sur les formules fournies par le propriétaire ou sur toute reproduction exacte de ces formules, lesquelles doivent être remplies avec clarté et exactitude et dûment signées aux endroits prévus à cette fin par la ou les personnes autorisées à cet effet.

[…]

 

11. Toute autre condition indiquée comme essentielle dans les instructions aux soumissionnaires, avec mention spécifique que le défaut de s'y conformer entraîne l'irrecevabilité de la soumission, doit être remplie par le soumissionnaire.

 

Ainsi, l’article 15 de la Section III des « Instructions au soumissionnaires » précise le caractère essentiel à la recevabilité d'une soumission de « [toute] autre condition indiquée comme essentielle dans les instructions aux soumissionnaires ».

 

Or, l'article 3 de la Section I desdits Instructions stipule que « tous les addenda émis doivent apparaître à la formule de soumission ».

 

De surcroît, le formulaire de soumission obligatoire à sa clause 1a) reprend ce critère en exigeant du soumissionnaire qu'il déclare « avoir pris connaissance (…) des addenda émis » et, à sa clause 1c), qu'il en fasse la liste précise.

 

En analysant les faits, la Cour nous rappelle que tout donneur d’ouvrage tient à s’assurer qu'il n'y aura pas d'ambiguïté ou de malentendu quant au travail à accomplir lorsqu’il s’apprête à choisir la meilleure offre parmi celles reçues. Ainsi, est tout à fait normale l’exigence voulant que les soumissionnaires déclarent avoir pris connaissance des addenda ajoutés et d’en faire la liste précise pour plus de certitude.

 

Et compte tenu de la nature essentielle du critère de l’énumération des addenda à la recevabilité de la soumission, la Cour d’appel fait échec à l’argument de l’Entrepreneur concernant la possibilité de corriger le problème en citant les articles 14 et 15 du Règlement qui permettent la correction d’une soumission afin d’éviter son rejet sous réserve des dispositions relatives à la recevabilité.

 

Finalement, en rejetant l’appel, la Cour souligne la raisonnabilité du rejet dans les circonstances en écrivant ce qui suit au paragraphe 40 de sa décision :

 

Au surplus, il me semble que le fait de permettre à un soumissionnaire de corriger sa soumission en précisant la liste des addenda dont il a pris connaissance, mais dont son formulaire de soumission original ne fait pas état, risquerait de lui procurer un avantage indu. Si son prix est considérablement plus bas que celui de ses concurrents, il pourrait être tenté de se retirer d'un marché beaucoup trop désavantageux pour lui en refusant tout simplement de corriger l'« erreur » sous prétexte que, de fait, son offre ne prenait pas en compte tous les addenda reçus. Or, le principe d'égalité des soumissionnaires est au cœur même du processus d'appel d'offres ; il oblige le donneur d'ouvrage à traiter tous les soumissionnaires sur un pied d'égalité, et équitablement.

 


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