24 mars 2015
Par François Cantin, M. Sc. Arch.

Il y a maintenant un peu plus de 10 ans, des chercheurs parvenaient à identifier un troisième photorécepteur localisé sur la rétine de l'œil1.

Contrairement aux cônes et aux bâtonnets déjà bien documentés à l'époque, ce nouveau photorécepteur s'avère beaucoup moins sensible à la lumière, sa principale fonction étant de signaler au cerveau les changements et variations en ce qui a trait aux niveaux de lumière ambiante2. De cette manière, l'horloge biologique humaine peut être régulée et, par le fait même, le bon fonctionnement interne du corps humain, assuré.

 

Cette précieuse avancée aura contribué, au sein de la communauté scientifique du moins, à relancer le débat (encore d'actualité aujourd'hui) portant sur l'importance de reconsidérer notre relation avec la nature qui nous entoure. La nécessité de se doter d'une architecture de qualité, de prime abord axée sur le confort de l'occupant grâce à une perméabilité à la lumière naturelle, n'a jamais été aussi évidente. Se resynchroniser avec notre environnement prend alors tout son sens.

 

Carence

Dans notre société nord-américaine « moderne », où la majorité des travailleurs passent plus de 90% de leur temps à l'intérieur3, les niveaux d'éclairement artificiel intérieur sont souvent limités à 300 lux et dépassent rarement 400 ou 500 lux. Bien que les niveaux d'éclairement minimum requis pour stimuler adéquatement le système circadien ne soient pas encore connus avec exactitude, il est acquis qu'un éclairage artificiel tel que celui auquel nous sommes continuellement exposés est nettement insuffisant pour assurer notre bien-être. À titre indicatif, notons qu'un ciel parfaitement couvert produit un éclairement d'environ 10 000 lux et qu'un ciel clair ensoleillé peut produire jusqu'à 100 000 lux !

 

Ce manque de lumière, comme l'ont démontré quelques études issues du monde médical, peut rapidement conduire à une carence en vitamine D qui, à son tour, augmentera les probabilités de cancer (prostate, colon, sein), d'hypertension, de maladies du coeur, d'ostéoporose et de divers désordres auto-immunes.

 

Connecter intérieur et extérieur

Dans un essai récemment publié4, l'auteur Peter Buchanan rappelle à qui veut bien l'entendre (et le lire) l'importance d'augmenter significativement la présence de la nature dans nos villes. Tel qu'il le mentionne, certaines études sont parvenues à démontrer l'impact positif d'arbres et de plantes sur le niveau de stress (réduction de la sécrétion de cortisol, du rythme cardiaque et de la pression sanguine). Au même titre qu'une lumière naturelle bien exploitée, un environnement planté a le potentiel de contribuer directement à la santé de tous.

 

Toujours sous le thème de la connexion entre l'intérieur et l'extérieur, l'auteur porte à notre attention les bienfaits de la théorie du confort adaptatif couplé à une ventilation naturelle des bâtiments. Grâce à une ventilation naturelle efficace, il est possible d'augmenter le niveau de confort des occupants, car ceux-ci considèrent plus acceptables les fluctuations de température introduites naturellement que mécaniquement. L'adaptabilité offerte aux occupants peut ainsi être extrêmement payante, autant sur le plan de la satisfaction que de la réduction de la consommation énergétique. Les occupants étant plus tolérants au froid et à la chaleur lorsqu'il leur est possible de modifier et contrôler leur environnement (ouverture d'une fenêtre, fermeture d'une toile solaire, etc.), il est alors envisageable de moins chauffer ou encore de moins climatiser selon le cas.

 

Au final, continuer à vivre de manière déconnectée par rapport à notre environnement extérieur, c'est faire abstraction de nos rythmes circadiens et aller à l'encontre de notre santé physique et psychologique, tout en ne se donnant pas vraiment la possibilité de tirer pleinement avantage des opportunités de rationalisation de consommation énergétique. Avons-nous vraiment les moyens de continuer ainsi ?

 

1. Bommel, W., Beld, G.J. (2004) Lighting for work: a review of visual and biological effects, Lighting Research and Technology, vol. 36, no 4, pp. 255-269

2. http://webvision.med.utah.edu/book/part-ii-anatomy-and-physiology-of-the-retina/elanopsin-ganglion-cells-a-bit-of-fly-in-the-mammalian-eye/

3. Leech, J., Nelson, W., Burnett, R., Aaron, S., & Raizenne, M. (2002). It’s about time: a comparison of Canadian and American time-activity patterns. Journal of Exposure Analysis and Environmental Epidemiology, 36(5), 617-637.

4. Buchanan, P. (2014) Synchronising with nature, Daylight & Architecture, Automne 2014, numéro 22 (Sleep, Work, Live)

 


L’auteur est chargé de projet chez Coarchitecture , bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa et membre d’ECOOP, une coopérative offrant divers services de consultation en science du bâtiment.

Conseil du bâtiment durable du Canada - section du Québec

Cette chronique est parue dans l’édition du vendredi 27 février 2015 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !