De grandes quantités de terre d’excavation provenant de projets de construction au Canada sont déplacées vers d’autres sites. Jusqu’à maintenant, cette pratique était réglementée de façon sporadique par les gouvernements provinciaux.
En 2019, les gouvernements de l’Ontario et du Québec ont entrepris de mettre en œuvre de nouveaux systèmes de réglementation qui, pour la première fois, imposeront des obligations légales au déplacement et à l’élimination de la terre d’excavation.
Ontario
En Ontario, le gouvernement Ford a décidé de mettre en place un nouveau régime de réglementation de la terre d’excavation, qui avait été proposé pour la première fois par l’ancien gouvernement Wynne. La nouvelle proposition est similaire, à quelques différences importantes près, notamment l’interdiction de déposer de la terre propre dans un site d’enfouissement à partir de 2023. La proposition a été affichée aux fins de commentaires publics dans le Registre environnemental jusqu’au 17 juin 2019, et le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs examine actuellement 120 observations. Étant donné que certaines parties du nouveau Règlement sur la gestion de la terre d’excavation devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2020, nous croyons que le nouveau règlement sera finalisé d’ici la fin de cette année.
La « terre d’excavation », soit la terre excavée dans le cadre d’un projet et déplacée d’un chantier, sera désignée comme « déchet » en vertu de la Loi sur la protection de l’environnement sauf si elle est directement transportée sur un « site de réutilisation », un « site d’entreposage de terre », un « site d’entreposage de terre temporaire » ou un « site de traitement de la terre ». Si la terre d’excavation est déposée sur un site de réutilisation, son enfouissement doit avoir une fin bénéfique. Si le site de réutilisation n’est pas régi par un permis délivré par une municipalité ou un office de protection de la nature, la qualité de la terre doit répondre aux nouvelles normes génériques ou aux normes propres à un site élaborées au moyen d’un nouvel outil en ligne. Les nouvelles normes génériques sont généralement plus strictes que les normes actuelles sur l’état des sites contaminés. Si le site de réutilisation est régi par un permis, la qualité de la terre doit respecter ces normes ou des normes de qualité moins strictes imposées par le délivreur. Les municipalités et les offices de protection de la nature ne peuvent imposer des normes de qualité plus strictes.
À compter de 2021, pour que de la terre d’excavation puisse être déplacée d’un chantier, une « personne compétente » devra évaluer les utilisations passées du terrain, préparer un plan d’échantillonnage et d’analyse ainsi qu’un rapport de caractérisation de la terre d’excavation (si l’évaluation révèle une activité antérieure potentiellement contaminante), et rédiger un rapport sur le site de destination de la terre d’excavation. Ces obligations ne s’appliqueront pas si la terre provient d’un projet d’infrastructure et si le site de réutilisation est également un projet d’infrastructure. Des exemptions s’appliquent aux travaux d’excavation de moindre envergure et moins risqués.
De plus, à compter de 2021, un avis doit être déposé dans le Registre et mis à jour dans les 30 jours suivant l’enlèvement de la terre d’excavation du chantier. Un système de suivi de la terre d’excavation devra également être mis en œuvre. Avant qu’une quantité de terre d’excavation supérieure à 10 000 m3 ne puisse être acceptée sur un site de réutilisation, l’exploitant de ce site doit déposer un avis dans le Registre et mettre en place des procédures pour rendre compte de chaque chargement.
Comme dans le cas de la proposition précédente, le manque de sites de réutilisation appropriés devrait constituer le principal problème du nouveau système de réglementation. Le gouvernement de l’Ontario n’assumera pas la responsabilité de la délivrance des permis aux sites de réutilisation, mais confiera cette tâche aux administrations municipales, qui sont de plus en plus réticentes. La situation ne fera qu’empirer lorsque la terre d’excavation sera interdite dans les sites d’enfouissement en 2023.
Québec
De nombreux projets d’infrastructures de grande envergure dans la région métropolitaine de Montréal ont contribué à un boom de la construction. La province estime que ces projets génèrent environ 2 000 000 de tonnes métriques de sols contaminés par année, dont 10 % à 25 % ne seraient pas éliminés conformément à la réglementation environnementale, selon certains groupes du secteur. Les sols contaminés sont plutôt souvent déversés sur des terres agricoles de grande qualité ou sur des terrains vacants.
En réaction à la surveillance des déversements illégaux de sols contaminés exercée par les médias à la suite d’une série de poursuites qui ont échoué, le gouvernement du Québec a proposé en avril 2019 d’adopter un règlement sur la traçabilité des sols contaminés excavés. Le projet de règlement est actuellement à l’étude en comité après réception de commentaires formulés par le secteur. Cependant, il est fort probable que le système Traces Québec mis au point par Réseau Environnement, un regroupement de spécialistes du secteur, soit adopté pour lutter contre les déversements illégaux.
Ce système est actuellement utilisé dans le cadre d’un projet pilote auquel participent des entrepreneurs qui exécutent des contrats publics dans certains arrondissements de Montréal, mais il devrait s’appliquer aux secteurs public et privé au cours des prochains mois par suite de modifications apportées à la réglementation applicable aux sols contaminés au Québec et de l’adoption de mesures additionnelles.
La réglementation des sols contaminés au Québec fait déjà l’objet d’une triade de règlements : Règlement sur la protection et la réhabilitation des terrains, RLRQ c. Q-2, r. 37; Règlement sur l’enfouissement des sols contaminés, RLRQ c. Q-2, r. 18 et Règlement sur le stockage et les centres de transfert de sols contaminés, RLRQ c. Q-2, r. 46. Le projet de règlement proposé par le gouvernement du Québec édictera des mesures de traçabilité des sols contaminés excavés depuis leur source jusqu’au lieu de leur dépôt définitif. Ce processus exige que chaque transport de sols contaminés excavés soit suivi en temps réel depuis le site d’origine jusqu’au site de déchargement convenu.
Tant que le libellé définitif du règlement n’aura pas été adopté, nous ne connaîtrons pas toute l’étendue des obligations qui incombent aux personnes intervenant dans la chaîne de garde des sols contaminés excavés. Toutefois, il est probable que le propriétaire, le transporteur et la personne responsable du site de réception devront chacun entrer des renseignements dans un système en ligne prescrit par le ministre et soumettre un bordereau de suivi électronique qui suivra les sols pendant la durée de leur transport vers le site où ils seront déchargés.
Pour tout commentaire ou question, vous pouvez joindre Me Claire R. Durocher par courriel à crdurocher@millerthomson.com ou par téléphone au 514 871-5452, et Me John R. Tidball à jtidball@millerthomson.com ou par téléphone au 905 532-6614.
Cet article est paru dans l’édition du 16 janvier 2020 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.