Une chronique du cabinet Dufresne Hébert Comeau - Pour conserver son hypothèque légale de la construction, l’entrepreneur doit, selon le Code civil du Québec, publier son avis d’hypothèque légale et le signifier au propriétaire de l’immeuble dans les 30 jours suivant la « fin des travaux ».
Lorsqu’il y a arrêt des travaux avant qu’ils ne soient complétés, une importante distinction doit être faite entre la suspension des travaux et l’abandon des travaux : la suspension des travaux n’équivaut pas à la fin des travaux, alors que l’abandon des travaux équivaut à la fin des travaux. Il est donc déterminant de savoir reconnaître une situation d’abandon des travaux puisque le délai de rigueur de 30 jours débute à ce moment.
Selon la jurisprudence, il y a suspension des travaux lorsque la reprise de ceux-ci est prévisible. Par exemple, en cas de différend avec le maître d’œuvre, il arrive que l’entrepreneur refuse de continuer les travaux tant qu’il n’aura pas été payé.
Les travaux seront alors considérés suspendus tant que leur reprise pourra être considérée prévisible ou jusqu’à ce qu’une des parties manifeste son intention de mettre une fin définitive aux travaux, ou jusqu’à ce qu’un délai déraisonnable ou inacceptable se soit écoulé sans reprise des travaux. Il y aura alors abandon des travaux et le délai de 30 jours sera calculé à partir du moment où l’abandon est porté à la connaissance de l’entrepreneur.
L’abandon des travaux peut être le fait tant du propriétaire de l’immeuble que de l’entrepreneur. Lorsque l’abandon est le fait de l’entrepreneur, le propriétaire n’est pas tenu de lui donner un avis à cet effet.
Le fait que l’entrepreneur ait laissé des outils ou des matériaux sur le chantier n’est pas déterminant pour conclure à une reprise prévisible des travaux, lorsque d’autres éléments démontrent l’intention d’abandonner les travaux. Aussi, la date à laquelle le propriétaire de l’immeuble a retenu les services d’un nouvel entrepreneur pour compléter les travaux n’est pas déterminante non plus lorsqu’on recherche la date d’abandon des travaux par l’entrepreneur précédent.
Lorsque les faits démontrent une intention d’abandonner les travaux par l’entrepreneur, celui-ci ne pourra prétendre à une suspension simplement en invoquant que l’arrivée de l’hiver rendait impossible la poursuite des travaux : il devra prouver que des faits précis démontrent que la reprise des travaux était prévisible, et non simplement possible, après la saison froide. En effet, la date où la reprise des travaux pourrait être possible n’équivaut pas à la date prévisible de reprise des travaux.
La jurisprudence reconnaît que la faillite n’équivaut pas nécessairement à l’abandon des travaux. Le syndic à la faillite, une caution ou un autre créancier peuvent avoir intérêt à reprendre les travaux. Selon les circonstances, il est parfois possible de qualifier de prévisible la reprise des travaux, même en cas de faillite. Toutefois, si l’entrepreneur arrête les travaux puisqu’il soupçonne l’insolvabilité du propriétaire de l’immeuble, il serait prudent de publier immédiatement l’avis d’hypothèque légale, puisque cet arrêt des travaux sera considéré comme un abandon lorsqu’aucun élément ne démontre que la reprise des travaux était prévisible.
Le caractère prévisible de la reprise des travaux est donc au cœur des litiges entourant la qualification de l’arrêt des travaux en tant que suspension ou abandon des travaux. Lorsque cette prévisibilité fait défaut, ou en cas d’ambiguïté sur les intentions du propriétaire ou de l’entrepreneur quant à la reprise des travaux, l’entrepreneur a tout intérêt à agir et publier son avis d’inscription d’hypothèque légale de la construction afin d’éviter de se faire opposer par le propriétaire de l’immeuble que cette hypothèque est éteinte puisqu’elle n’a pas été publiée dans le délai de rigueur de 30 jours de la fin des travaux.
Cette chronique constitue une source d’information générale. Pour toute question plus précise sur le sujet ou pour faire part de vos commentaires, nous vous invitons à communiquer avec l’auteur de cette chronique : Me Alexandre Lacasse, par courriel à alacasse@dufresnehebert.ca ou téléphone au 514 331-5010.
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