Non, ce n’est pas de la science-fiction. L’Institut national d’optique a mis au point une technologie pour détecter plus rapidement et précisément que jamais les défauts dans les conduites circulaires.
Des milliers de kilomètres d’égouts sont inspectés chaque année dans les municipalités du Québec. Dans les faits, des techniciens sont condamnés à visionner le métrage vidéo, provenant de caméras en circuit fermé, afin de localiser et d’évaluer visuellement la sévérité des fissures et autres défauts. Au-delà de la monotonie accablante du travail, cette technique présente plusieurs lacunes.
« Une image vidéo ne donne pas le dimensionnement précis des défauts, dit Nathalie Renaud, gestionnaire de programme en énergie et ressources naturelles à l’Institut national d’optique (INO). Il est également plus simple et fiable d’automatiser l’analyse des données à partir de dimensions réelles plutôt qu’à partir d’une image vidéo. »
L’approche de l’INO, appelée « profilométrie laser », consiste donc à effectuer un relevé en trois dimensions sur 360 degrés à l’aide d’un capteur laser. L’image obtenue reproduit avec exactitude la surface interne de la conduite. Les irrégularités y apparaissent nettement et l’outil permet de détecter avec précision la localisation, la forme et la sévérité d’un défaut.
Le capteur est conçu pour une utilisation dans des conduites circulaires de 6 à 30 pouces de diamètre. Il fonctionne avec des surfaces métalliques, polymères (PVC), mais également dans des tuyaux d’argile et même des matériaux à surfaces ondulées. On vise donc l’inspection des égouts, mais aussi des aqueducs avant la mise en service, des pipelines et même dans le secteur nucléaire.
À des fins d’inventaire, il permet d’effectuer une mesure géométrique des irrégularités : ovalité, bosses, zones de corrosion et fissures. Il facilite la détection des fuites et permet aussi d’évaluer le succès d’une réparation. On peut également l’employer pour valider la qualité d’une installation ou l’efficacité d’un nettoyage.
L’avantage de la détection au laser ne se limite pas à la collecte des données. « Des défauts, il y en a partout. Encore faut-il prioriser les interventions, dit Nathalie Renaud. C’est l’automatisation de l’analyse des données qui permet d’acheminer les ressources aux bons endroits. »
En effet, la production d’un rendu 3D précis prend tout son sens lorsqu’une application logicielle permet d’éliminer l’étape de visionnement. Une fois programmé pour identifier les irrégularités à partir des données numériques, l’ordinateur peut générer un rapport des déformations qui contient non seulement leur localisation, mais aussi leur importance selon les paramètres définis par l’usager.
Selon Nathalie Renaud, l’analyse informatisée permet de classifier les défauts de manière beaucoup plus fiable et consistante que le travail des techniciens. L’inspection par profilométrie laser sert donc également d’aide à la planification. « On vise à épargner du temps et des ressources humaines aux municipalités qui pourront par ailleurs prioriser leurs interventions en se concentrant sur les bris importants ou les secteurs plus détériorés de leurs réseaux. »
Un capteur pour les routes
L’INO a choisi de miser sur cette technologie à la suite du succès important qu’a connu leur précédente application exploitant la profilométrie laser. Comme pour l’inspection des conduites, l’évaluation de l’état des routes était auparavant réalisée à l’aide de caméras en circuit fermé. L’INO a développé, à partir de 1989, un capteur qui, une fois monté sur un véhicule en marche, pouvait faire un relevé de type topographique très précis de la chaussée afin de localiser et de mesurer les fissures, les ornières et les nids de poule.
Pour transposer la technologie d’une application routière à une application d’inspection de conduites, plusieurs éléments sont révisés. « L’acquisition des données est différente, plutôt que de travailler sur deux axes, X et Y, on fonctionne en rayon et en angle avec des coordonnées polaires. Les calculs sont également différents. Au lieu de transposer une ligne sur un plan, on la projette sur l’intérieur d’un cylindre. »
Comme on progresse plus lentement dans les égouts que sur l’autoroute, le capteur n’a pas besoin d’être aussi performant. Mais plusieurs défis subsistent sur le plan de l’intégration. Idéal pour permettre une collection de données efficace, le montage sur un support robotisé indépendant implique l’élaboration d’un capteur compact, robuste et performant sur le plan énergétique puisque la puissance disponible est limitée. Il faut miniaturiser le matériel tout en conservant une bonne résolution. Enfin, le positionnement de l’appareil est crucial, mais l’utilisation du GPS est impensable en souterrain.
L’INO planche déjà sur une solution. À l’oeuvre depuis deux ans et demi, l’équipe commerciale se dessine à l’horizon. L’INO est un centre de recherche sans but lucratif voué au développement de solutions optiques et photoniques pour l’industrie canadienne. Son mandat est d’élaborer des technologies qui rendent les entreprises plus compétitives, et le fruit de ses recherches est commercialisé grâce à des transferts technologiques.
L’INO peut permettre l’utilisation de ses brevets, livrer ses secrets industriels comme des algorithmes non brevetés, ou plus simplement partager son expertise sous forme de collaboration.
« On aimerait avoir la même trajectoire de développement que le capteur pour les routes qui est devenu la référence partout dans le monde ». Le système de détection des défauts dans la chaussée a été commercialisé par l’intermédiaire d’une société dérivée, Systèmes Pavemetrics, qui est aujourd’hui chef de file mondial dans le domaine. L’inspection au laser a déclassé toutes les autres approches et est, aujourd’hui, utilisée dans 35 pays.
Pour lancer son capteur à la conquête des égouts du monde entier, l’INO privilégierait cette fois la collaboration avec un « partenaire intégrateur » , une entreprise qui oeuvre déjà dans le secteur des infrastructures et qui connaît le marché et les besoins.
Nathalie Renaud est également en contact avec les représentants des municipalités. En effet, l’intérêt manifesté par les villes pour une solution de rechange à l’inspection par caméra en circuit fermé constitue le meilleur appui pour signifier aux partenaires prospectifs que la technologie est attendue. « Pour l’instant, on tient le projet à bout de bras, mais plus on a de démonstrations d’intérêt, plus ça progresse vite », termine Nathalie Renaud.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2017. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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