Le pont de l’autoroute 73 surplombant la rivière Gilbert, en Beauce : une réalisation innovante qui fait la part belle au béton massif.
En septembre 2012, Couillard Construction s’attaque à l’érection d’un pont qui enjambera la rivière Gilbert à Notre-Dame-des-Pins, en Beauce, dans la foulée du prolongement de l’autoroute 73 jusqu’à Saint-Georges. Un segment de 3,4 kilomètres pour la construction duquel l’entreprise de Coaticook a obtenu un contrat de l’ordre de 75 millions de dollars du ministère des Transports du Québec (MTQ).
L’érection de ce pont, qui coûtera à elle seule quelque 45 millions de dollars, s’achève 26 mois plus tard. Comportant quatre travées continues sur poutres d’acier avec dalle de béton précontrainte, il fait 343,1 mètres de long, 41,5 mètres de haut – du dessous du tablier jusqu’au lit de la rivière – et 26,2 mètres de large.
Et cet ouvrage d’art a ceci de particulier qu’il est le fruit du recours à un très grand volume de béton armé, un usage se révélant même novateur sur le plan de la construction des éléments structuraux qui le supportent. À telle enseigne que cette réalisation a remporté un prix Armatura 2015, catégorie Génie civil, remis par l’Institut d’acier d’armature du Québec au printemps dernier.
Au total, la construction de cette structure autoroutière hors du commun a requis pas moins de 14 700 mètres cubes de béton, ce qui représente 36 % du coût du projet, en plus de 2 990 tonnes métriques d’acier d’armature, dont la fourniture et la pose ont compté pour 20 % de la facture. C’est dire.
« C’est un grand pont qui traverse une vallée et qui a été conçu pour résister aux tremblements de terre d’une très grande amplitude, note Stefan Balan, gérant de projet chez Couillard Construction. En raison de la hauteur et de la largeur de la structure, il a fallu mettre en place des unités de fondation très massives. »
C’est ainsi que du béton massif a été utilisé pour construire deux culées sur pieux battus, deux piles ancrées à environ 30 mètres dans le roc (pour assurer une protection antisismique) et une autre sur pieux forés. Il a aussi été mis à profit pour constituer les semelles de ces ouvrages. Des chiffres ? Les semelles des piliers et des culées ont nécessité à elles seules environ 3 500 mètres cubes de béton armé (850 mètres cubes en moyenne dans chaque semelle) ; les piles, elles, 7 640 mètres cubes. La quantité d’armature nécessaire à la construction des unités de fondation s’est pour sa part élevée à 2 500 000 kilogrammes.
Une réalisation complexe
Au-delà de l’envergure du bétonnage des ouvrages, la complexité de leur mise en oeuvre et de la composition de la structure était également au rendez-vous. Et elle a requis énormément de planification et de coordination entre les différents acteurs du projet, de même que des méthodes de construction sortant des sentiers battus, pour faire de cette réalisation un succès.
« Comme c’est du béton massif, il y avait beaucoup d’acier d’armature à poser à la verticale dans les piliers, soit des barres galvanisées de 55 millimètres emboutées et filetées avec des manchons, note Stefan Balan. Les séquences d’installation devaient être parfaitement orchestrées, car il fallait absolument que telle barre soit mise à sa place à tel endroit à tel moment.
« Le montage des coeurs d’armature représentait un vrai défi, renchérit-il. On progressait de quelque six mètres à la fois parce que c’était une opération très délicate, notamment en raison des charges de vent. Il fallait s’assurer que tout reste bien droit. »
C’est ainsi que le sous-traitant Les Ferrailleurs du Québec a d’ailleurs dû concevoir des supports pour la charge de l’acier en haut des semelles. Tout comme il a conçu et fabriqué des plaques trouées permettant l’installation des barres verticales en attente pour les piliers à un endroit précis.
« Le béton de masse, note Stefan Balan, ça nécessite une excellente maîtrise du matériau. Parce que c’est un béton hautement performant dont un grand volume est coulé au même endroit. Plus il y a de béton, plus sa réaction exothermique est grande durant la période de cure. Il a donc fallu s’assurer qu’il ne soit jamais en surchauffe pour éviter l’apparition de microfissures susceptibles d’affaiblir considérablement la structure. »
Le contrôle de la chaleur dégagée par le béton de masse représentant un enjeu majeur, on a donc installé 10 thermocouples en boucle afin de pouvoir adapter les conditions de cure à la température. Et ce n’est pas tout : pour optimiser la réussite de l’opération, on a aussi décidé de couler le béton armé des imposantes semelles durant l’hiver 2012-2013.
Si cette solution permettait alors de d’éviter que le béton atteigne une température trop élevé, il reste qu’elle n’était pas une rose sans épines. Car il devenait alors nécessaire de protéger le béton du froid, de façon à ce qu’il perde graduellement sa chaleur à partir du centre. D’autant plus que les travaux de bétonnage ont été effectués durant une période hivernale particulièrement rigoureuse qui, de surcroît, a rendu l’accès au chantier très difficile.
« Pendant la cure, nous avons protégé les éléments structuraux avec des abris isolés pourvus de chauffage et de ventilation. Nous avons ainsi pu contrôler en tout temps l’air ambiant avec lequel le béton de masse était en contact et nous assurer qu’il refroidisse sans subir de choc thermique », conclut le gérant de projet de Couillard Construction.
Donneur d’ouvrage
Ministère des Transports du Québec, Direction de la Chaudière-Appalaches
Couillard Construction
Concepteur
Roche ltée, Groupe-conseil
Sous-traitants principaux
Les Ferrailleurs du Québec (fourniture et installation de l’acier d’armature) ; Canam-ponts (fourniture des poutres d’acier) ; Béton St-Georges (fourniture du béton)
Comme il est très haut, qu’il enjambe la vallée d’une rivière et qu’il sera exposé au vent, le nouveau pont de l’autoroute 73 sera doté d’un système de déglaçage automatisé. Une première au Québec !
Ce système se compose de 44 gicleurs installés sur le pont et de huit autres aux approches – répartis également dans chacune des deux directions, qui pulvériseront un sel liquide sur la chaussée lorsqu’une station météo automatisée détectera les conditions propices à la formation de glace.
Les gicleurs seront alimentés par un système de pompage qui puisera le liquide déglaçant contenu dans deux réservoirs logeant dans un bâtiment construit à la base de l’une des piles du pont.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2015. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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