Le Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) de HEC Montréal dévoilait récemment les résultats d’une recherche sur la performance économique de l’industrie de la construction. L’analyse révèle qu’entre 1997 et 2007 l’industrie québécoise de la construction a fait progresser de 2,69 points de pourcentage la croissance de la productivité du travail au Québec, qui se chiffrait alors à 14,24 %.
Cela revient à dire que l’industrie a généré, à elle seule, près de 19 % de la croissance de la productivité du travail totale du Québec au cours de cette période. Comme ce secteur ne représente que 8 % du volume total des heures travaillés au Québec, on constate que sa contribution va bien au-delà de sa taille relative dans l’économie.
« On s’est attardé au secteur de la construction, d’abord parce que c’est un sujet d’actualité, ensuite parce que les données nécessaires à son analyse, comme la valeur ajoutée et les heures travaillées, étaient facilement accessibles auprès de Statistique Canada », mentionne Robert Gagné, directeur du CPP et coauteur de la recherche avec Jonathan Deslauriers.
Il ajoute que sa curiosité a été piquée par ce rendement. Comment l’expliquer ? Les travailleurs de la construction sont-ils particulièrement efficaces ? Les investissements massifs dans les infrastructures publiques y sont-ils pour quelque chose ? S’agit-il simplement d’un phénomène purement conjoncturel ou l’industrie maintient-elle ce rythme depuis plusieurs années ?
Des constats surprenants
« Pour faire la lumière sur ces questions, on a comparé la performance économique de l’industrie de la construction sur une période de 10 ans afin de déterminer son poids par rapport aux autres industries du Québec, explique-t-il. On a aussi établi une corrélation entre le rendement de l’industrie québécoise de la construction et celui de l’Ontario et du Canada. »
Les constats qui en découlent sont pour le moins surprenants. Depuis le début des années 2000, l’industrie québécoise de la construction a connu une croissance beaucoup plus élevée qu’en Ontario et dans l’ensemble du Canada. De plus, le coût du travail au sein de l’industrie a progressé moins rapidement au Québec que dans l’ensemble du Canada.
« Comme les techniques de construction sont sensiblement les mêmes d’une province à l’autre, ces résultats nous ont interpellés, mentionne celui qui est également professeur titulaire à l’Institut d’économie appliquée de HEC Montréal. Selon nous, il ne peut y avoir que trois explications possibles. »
Parmi les hypothèses envisagées pour expliquer cet écart, Robert Gagné avance d’abord la possibilité que les coûts de main-d’œuvre, qui étaient plus élevés au Québec qu’ailleurs au Canada au début des années 2000, aient contraint l’industrie à réduire le temps de travail pour accroître son efficacité. Par ailleurs, la diminution du temps de travail aurait réduit la pression sur la rémunération, d’où une croissance limitée des coûts de main-d’œuvre au cours des dernières années.
Deuxième hypothèse formulée par les chercheurs du CPP : la forte hausse des investissements dans les infrastructures au Québec depuis 10 ans pourrait avoir entraîné une augmentation de la productivité. « Ce changement ne peut être éternel, prévient Robert Gagné. Tôt ou tard, l’industrie retrouvera une composition plus traditionnelle. »
Enfin, Robert Gagné et son directeur de projet ont également supposé que les coûts de main-d’œuvre, plus élevés au Québec qu’ailleurs au Canada, auraient pu favoriser un recours plus grand au travail au noir. « Si, en 2000, les travaux effectués au noir représentaient 10 % du volume de travail, comme la productivité a crû depuis, forcément, le travail au noir a progressé au même rythme, illustre-t-il. Mais ce ne sont que des hypothèses, et il est pratiquement impossible de les valider. »
Cet article est paru dans l’édition du vendredi 22 juin 2012 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !