Le secteur économique de la construction comporte plusieurs particularités lui étant propres, tels la mobilité de sa main-d’œuvre et le syndicalisme québécois. Le régime des relations de travail a un statut particulier et est encadré par la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'œuvre dans l'industrie de la construction (Loi R-20), laquelle prévoit, à son article 57, l’infraction suivante :
« 57. Nulle association de salariés, nul dirigeant, délégué, agent d'affaires ou représentant d'une telle association ou nul salarié ne doit ordonner, encourager ou appuyer une grève ou un ralentissement de travail pendant la durée d'une convention collective ou y prendre part. (…) »
Dans l’affaire Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Forest1, la Cour supérieure a dû se pencher sur l’application de cet article en appel de la décision d’un juge de paix ayant acquitté un dirigeant syndical de cette infraction.
Selon les faits relatés, le 6 novembre 2009, vers 6 h du matin, un groupe d’une quinzaine d'électriciens en chômage de la région de Saint-Hyacinthe s’est introduit dans la roulotte d’un entrepreneur située face à un chantier de construction en compagnie de monsieur Forest, dirigeant syndical. Monsieur Forest a demandé au contremaître de faire travailler les électriciens de Saint-Hyacinthe à la place de ceux de Montréal que l’employeur avait engagés. Au terme d’une courte conversation téléphonique entre monsieur Forest et le patron de l’entreprise, ce dernier a dit au contremaître de renvoyer les travailleurs chez eux pour la journée.
Le débat peut se résumer ainsi : la conduite de monsieur Forest a-t-elle occasionné un ralentissement de travail, c'est-à-dire la perte d'une journée de travail au chantier, constituant ainsi une infraction aux articles 57 et 113 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'œuvre dans l'industrie de la construction (L.R.Q., c. R-20) ?
Alors qu’en première instance le juge concluait que c’était l’employeur qui avait renvoyé les travailleurs, la Cour supérieure en arrive à la conclusion que c'est plutôt l'ordre de monsieur Forest qui a forcé l'employeur à obtempérer pour éviter des affrontements sur le chantier.
L’honorable juge Réjean F. Paul j.c.s. a conclu à la culpabilité du leader syndical en ces termes :
« [15] Pour ma part, je pense que l'employeur a fort bien agi, compte tenu de la situation potentiellement conflictuelle et possiblement explosive, créée de toute pièce par l'intimé, leader du groupe des électriciens chômeurs.
« [16] Il est important de spécifier que les électriciens à l'emploi des Entreprises électriques Roger Tremblay avaient parfaitement le droit de travailler à Saint-Hyacinthe, puisque la région 08 comprend effectivement Saint-Hyacinthe et Montréal (Voir notes sténographiques 28 août 2012 – témoignage de Mario Payette, page 20, lignes 5 à 25).
« [17] L'intimé a agi de façon tout à fait inappropriée le 6 novembre 2009.
« [18] Ce faisant, il a contrevenu, de façon évidente, à l'article 57 de la Loi précitée (R-20). »
Le 19 novembre dernier, la Cour d’appel a autorisé la permission d’en appeler de ce jugement estimant que les questions de droit soulevées sont sérieuses et d’intérêt. Ce sera donc un dossier à suivre…
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