Centrale électrique de Battersea : symbole du patrimoine industriel londonien

15 décembre 2022
Par Isabelle Leclerc

Après huit années de travaux, la centrale électrique de Battersea revit au cœur d’un nouveau quartier à usage mixte du sud-ouest de Londres.

Conçue dans les années 1930 par le célèbre architecte britannique Sir Giles Gilbert Scott, la centrale électrique de Battersea fournissait autrefois un cinquième de l'électricité de Londres et alimentait certains des monuments les plus connus de la capitale, comme les Chambres du Parlement et le palais de Buckingham, avant d'être mise hors service en 1983.

 

Les propositions de reconversion se succèdent alors jusqu’à ce que l’option d’y regrouper espaces commerciaux, bureaux et appartements soit finalement retenue. La firme d’architecture WilkinsonEyre obtient, en 2013, le mandat de diriger la transformation du bâtiment en collaboration avec un certain nombre de parties prenantes, dont English Heritage et Wandsworth Borough Council.

 

Des tonnes de briques

Plus grand bâtiment en briques d'Europe, la centrale électrique de Battersea a été réalisée originellement en deux phases : la partie ouest a été érigée entre 1929 et 1935, puis des agrandissements ont successivement eu lieu en 1937 et 1955. La conservation de l'échelle et de l'aspect visuel de la centrale est un élément clé de ce projet de réhabilitation industrielle. Les architectes ont notamment misé sur un vide de verre pleine hauteur derrière le mur sud, la mise en valeur de la structure originale du vaste atrium central et des halls de turbine ouverts et dégagés.

 

Les concepteurs ont également su jouer avec les matériaux pour respecter l'intégrité du monument historique tout en y intégrant des touches de modernité. On y trouve par exemple une juxtaposition de briques et de verre ou encore de carreaux de céramique d’une autre époque et d'acier contemporain. Autre illustration du souci de valorisation du patrimoine dont fait preuve le projet : 1,75 million de briques ont été achetées aux briqueteries d'origine, Northcot Bricks dans le Gloucestershire et Blockleys dans le Shropshire, pour restaurer les murs de la centrale électrique qui totalisent 6 millions de briques.

 

Priorité aux cheminées

Éléments emblématiques du site pendant son ère industrielle, icônes populaires depuis leur apparition sur la couverture de l'album Animals du groupe Pink Floyd en 1977, les quatre cheminées de la centrale de Battersea conservent leur statut privilégié dans ce nouveau projet immobilier.

 

Jugées dangereuses en raison de leur état de délabrement, les quatre tours ont fait l'objet d'une déconstruction et d’une restauration minutieuse entre 2015 et 2017. Les structures ont été reconstruites en utilisant exactement les mêmes méthodes que celles utilisées pour les constructions originales datant des années 1930 et 1950.

 

Aujourd’hui, la cheminée nord-ouest se démarque des trois autres par l’intégration d’une cabine d'ascenseur vitrée, le Lift 109, qui émerge à 109 mètres au-dessus du sol dans un espace offrant une vue à 360 degrés sur Londres. Ce lieu surplombant la ville peut également être loué pour accueillir des événements privés.

 

Un bâtiment à usage mixte

Les salles des machines originales de la centrale électrique, avec leur style d'époques différentes, ont été entièrement restaurées pour accueillir des espaces commerciaux. Répartis sur trois niveaux de galeries, le large éventail de restaurants et de boutiques de Battersea bénéficie de l’atmosphère unique des deux anciens halls des turbines.  Alors que le hall A conserve l'aspect décoratif des années 1930, le hall B, qui date des années 1950, présente une esthétique plus épurée.

 

Les salles de contrôle adjacentes ont également été mises en valeur. La salle A a été transformée en un espace événementiel et la salle B est aménagée en un chic bar à cocktails où les cadrans et les commandes d'origine composent le décor industriel.

 

Le lieu abrite aussi des locaux pour bureaux. Répartis sur six étages dans la partie supérieure de la Boiler House, ceux-ci logent notamment le siège social londonien d’Apple, qui occupe à lui seul plus de 46 000 m².

 

L’immense structure est complétée par des espaces résidentiels, concentrés dans les « Switch House » situées de part et d'autre de la centrale électrique, ainsi qu'au centre, sur le toit de la chaufferie, encadrant un jardin paysager ouvert.

 

Le point central d’un quartier émergent

Aménagé sur une ancienne friche industrielle de 42 acres, le nouveau quartier dont fait partie la centrale électrique Battersea représente un projet de neuf milliards de livres sterling.  Son développement est divisé en huit phases, chacune étant conçue par une série d'architectes spécialisés.  Il s'agit de SimpsonHaugh and Partners et De Rijke Marsh Morgan (dRMM) pour le Circus West Village (phase 1), de WilkinsonEyre pour la centrale électrique de Battersea (phase 2), et de Foster + Partners et Gehry Partners pour l'Electric Boulevard, les Battersea Roof Gardens et Prospect Place (phase 3).

 

Ce projet porteur a incité Transport for London (TfL) à prolonger la ligne de métro Northern Line jusqu'à l’ancienne centrale électrique Battersea, avec une station intermédiaire à Nine Elms. Les travaux de construction du chemin de fer à double tunnel de 3 km ont commencé en 2015 et les stations ont ouvert au public en septembre 2022. Il s’agissait du premier prolongement majeur du métro londonien au cours de ce siècle.

 

Sources : WilkinsonEyre, Battersea Power Station et Archdaily