21 juillet 2022
Par Isabelle Leclerc

Plusieurs fois primé, le nouveau Musée d'ethnographie de Budapest, conçu par la firme hongroise Napur Architect et mis en chantier par le consortium ZÁÉV - Magyar Építő, propose un design à la fois simple et audacieux qui cache plusieurs défis techniques.

Difficile d’imaginer que cette oasis de verdure était il y a cinq ans à peine un stationnement bétonné de 1000 places. Aménagé à 60 % sous le niveau du sol pour protéger sa collection de la lumière naturelle, le musée d’ethnographie de Budapest est recouvert d’un immense espace vert de 7 300 mètres carrés (m2) aux extrémités desquelles se profilent deux volumes pentus rappelant des collines.

 

Deux ailes en porte-à-faux

L’imposant volume de 34 000 m2 n’est visible qu’aux extrémités du bâtiment, lesquelles sont d’une hauteur de 22 mètres en leur point le plus haut. Les deux ailes voutées ont chacune une fonction distincte : l'une s'adresse au public et l'autre au personnel du musée. Parmi les espaces destinés au public, on trouve un hall pour présenter des événements, des salles d’atelier, le centre d'accueil des visiteurs, la boutique du musée et le restaurant. À l’autre extrémité, les espaces professionnels sont essentiellement liés aux activités scientifiques et abritent une bibliothèque, des archives, des bureaux pour le personnel et une section pour la gestion des artefacts.

 

Ces volumes particuliers cachent toutefois certains défis. Les deux ailes arquées sont soutenues par une structure post-tensionnée.  Habituellement utilisée dans la construction de ponts, cette technique a été choisie pour éviter la présence de colonnes et créer une réelle sensation de flottement des arcs semi-circulaires. Il s'agit d'une rare application de cette technologie dans les bâtiments publics, non seulement en Hongrie mais aussi dans toute l'Europe.

 

Une superposition de trois façades

Un autre élément unique du bâtiment est le mur-rideau qui encadre le toit végétalisé. Celui-ci est recouvert d'un assemblage de 2 000 grilles en aluminium taillées au laser. Le design composé de près d'un demi-million de pixels représente des adaptations contemporaines de 20 motifs ethnographiques hongrois et de 20 motifs ethnographiques internationaux.

 

Comme l’expliquait Péter Lendvai, ingénieur en chef et directeur de projet adjoint chez Építő Hongrie dans un récent entretien[1], cette façade n’est en rien conventionnelle. « Nous avons d’abord construit la structure en béton armé qui supporte la structure de mur-rideau, puis nous avons construit une structure métallique suspendue au-dessus de l'ensemble qui maintient les éléments en béton et la structure en aluminium de la façade. »

 

Cette solution confère non seulement une esthétique unique au bâtiment, mais elle procure également de l'ombre et contribue ainsi à réduire la consommation énergétique des installations.

 

Une technologie militaire au service de l’isolation

Le fleuve Danube qui coulait autrefois dans ce secteur de Budapest a laissé derrière lui un sol marécageux. La nappe phréatique élevée a non seulement entrainé des défis pour les fondations du bâtiment, mais également pour son étanchéité. Afin de protéger la collection muséale contenue à 80 % en sous-sol, l’équipe de conception s’est tournée vers un matériau d'isolation développé par l'armée américaine pour les silos à missiles. Ce matériau isolant a la propriété d'être autoréparateur, de « guérir » le béton par liaison chimique.

 

« Avec cette méthode, si l'eau s'infiltre derrière la structure ou l'isolant, elle ne peut pas migrer entre l'isolant et le béton, comme c'est le cas avec un isolant classique », expliquait Csaba Sánta, ingénieur en chef et directeur de projet pour ZÁÉV, en entrevue.

 

Un immense toit vert

Une autre caractéristique du bâtiment est l'immense jardin sur le toit, qui est pratiquement une extension du City Park environnant. Plus de 3 000 mètres cubes de terre végétale ont été répandus sur les flancs du bâtiment, accueillant environ 1 500 plantes vivaces, une centaine d’arbustes et près de 700 graminées. Accessible au public, cet espace vert offre en ses points les plus élevés une vue panoramique sur City Park et la capitale.

 


1. Entretien publié dans le numéro d'été 2022 (n° 86) de Magyar Építő Fórum 2022 (Forum hongrois de la construction)

 

Sources: NAPUR Architect (Archdaily), Liget Budapest, Magyar Épí