L’accumulateur thermique : économique, simple et efficient

4 novembre 2022
Par Benoit Poirier

Emmagasiner assez d’énergie pour maintenir tout un bâtiment au chaud. Loin d’être nouvelle, cette idée à la fois simple mais fiable retrouve aujourd’hui sa pertinence avec le cout de l’énergie en constante augmentation. Zoom sur les derniers développement en la matière.

L’accumulateur thermique emmagasine de l’énergie calorique lorsque la consommation est faible ou stable, chaleur qu’il diffuse à la demande, notamment durant les périodes de pointe. « Cet appareil est réellement conçu pour accroitre la performance d’un système de chauffage, en régulant la production de la chaleur et l’utilisation de celle-ci à l’intérieur du bâtiment », expliquent Justin Tamasauskas et Arash Bastani, chercheurs pour CanmetÉnergie, à Varennes.

 

En plus de minimiser le besoin en énergie durant les périodes de forte demande, il permet de réduire la taille des appareils de chauffage dans un lieu donné et élimine les problèmes d’inadéquation liés aux systèmes d’énergie renouvelable, par exemple l’énergie produite par des panneaux solaires le jour et sa consommation durant la nuit. Il réduit en outre la nécessité de recourir à un système auxiliaire fonctionnant avec de l’énergie d’origine fossile et, donc, des GES qu’il induit, indiquent les deux chercheurs.

 

Un système d’emmagasinage thermique peut être installé dans n’importe quel type de bâtiment, qu’il s’agisse d’une résidence, d’un commerce ou d’une construction du secteur institutionnel. Il n’y a aucune limite en ce qui a trait à leur dimension. En fait, plus celle-ci est importante, plus l’économie réalisée sera notable.

 

Francis Pronovost, expert-conseil - Énergie et Bâtiment chez Écobâtiment. Crédit : Gracieuseté

 

Cela nécessitera simplement l’installation d’un plus grand nombre d’accumulateurs. Seul préalable : le système de chauffage doit être à air pulsé, souligne Francis Pronovost, expert-conseil - Énergie et Bâtiment chez Écobâtiment. « C’est possible de l’intégrer dans un bâtiment existant, mais peut-être pas dans tous les bâtiments. Souvent l’enjeu est celui de l’espace disponible », nuance Vincent Chabot, étudiant à la maitrise en énergies renouvelables et efficacité énergétique à l’École de technologie supérieure (ÉTS). Mais encore, précise-t-il, il faut s’assurer « de stocker la chaleur dans l’accumulateur en dehors des périodes de pointe et de maintenir cette stratégie. Là ça devient avantageux. Oui, l’appareil fonctionne de façon automatique, dans une certaine mesure, mais il faut quand même une réflexion avant de le programmer. »

 

Une perte de chaleur 100 % efficace

« Chaque kilowattheure que j’achète d’Hydro-Québec et que j’accumule sous forme de chaleur me donne un rendement de 100 %. Il n’y a pas de perte », note Francis Pronovos. Même la chaleur qui émane de l’appareil lui-même se répand à l’intérieur du bâtiment, contribuant à maintenir la température désirée. « On ne peut assurément pas accumuler l’été pour l’hiver ! On ne peut pas non plus emmagasiner de la chaleur le lundi pour qu’il en reste le vendredi, lance-t-il à la blague. On vise plutôt un cycle d’environ 12 heures. »

 

Vincent Chabot, étudiant à la maitrise en énergies renouvelables et efficacité énergétique à l’École de technologie supérieure (ÉTS).Crédit : Gracieuseté

 

Il salue le virage vert, la recherche de nouvelles filières visant à amoindrir les émissions de GES, comme le solaire et les projets hydroélectriques, qui sont toutefois onéreux et ont tout de même un cout environnemental et énergétique en plus d’avoir besoin d’entretien. « L’aspect sobriété est le grand oublié de tout ce combat environnemental », déplore l’expert-conseil.

 

Le principe de chauffer une masse pour accumuler de la chaleur en vue de s’en servir ultérieurement existe depuis longtemps et a été éprouvé, fait-il remarquer. « C’est la façon la plus simple, pas nécessairement la plus performante et efficace, mais de loin la plus simple et la plus fiable d’accumuler de la chaleur. »

 

Les deux chercheurs de CanmetÉnergie en sont convaincus : « L’accumulateur thermique est promis à un brillant avenir. Cette technologie va s’avérer, au cours des prochaines années, un outil clé dans l’atteinte de bâtiments décarbonés et efficaces. » La hausse des tarifs d’électricité en période de pointe, notamment pour les locaux commerciaux, et le resserrement des réglementations en matière d’efficacité énergétique constitueront des incitatifs économiques vers l’adoption de ce type de système dont, pour l’heure, l’utilisation demeure plus répandue en Europe que de ce côté-ci de l’Atlantique.

 

Francis Pronovost abonde dans le même sens. « On a toujours été comme ça en Amérique. C’est "Consommez tant que vous voulez. On va vous en livrer de l’électricité, il n’y en a pas de problème !" On commence à se dire "OK. Peut-être qu’on pourrait consommer un peu plus intelligemment." Et c’est ce que je suis vraiment content de voir se concrétiser », s’enthousiasme-t-il. Un point intéressant est la quantité d’énergie que l’appareil est capable de charger et de décharger en fonction de l’espace qu’il occupe, constate Vincent Chabot. Une étude a d’ailleurs confirmé le potentiel de ce système. Et, ajoute-t-il, avec de plus amples données, il y aurait moyen d’en optimiser la performance.