La Loi fédérale sur le paiement rapide des travaux de construction[1] (« Loi ») est entrée en vigueur le 9 décembre 2023.
Celle-ci a pour objet de promouvoir la réalisation ordonnée et en temps opportun des projets de construction portant sur des immeubles ou biens réels fédéraux en traitant du problème de non-paiement des entrepreneurs et des sous-traitants qui effectuent des travaux de construction pour l’exécution de ces projets.
Où, quand et à quels contrats la Loi s’applique-t-elle?
La Loi s’applique aux contrats conclus entre des entrepreneurs (et leurs sous-traitants) et le gouvernement du Canada (« Canada ») ou l’un de ses fournisseurs de services, qui visent l’exécution de travaux, incluant la location d’équipement, pour un projet de construction au Canada portant sur un immeuble fédéral ou un bien réel fédéral au sens de l’article 2 de la Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux[2], soit un immeuble ou bien réel appartenant au Canada ou dont il a le pouvoir de disposer.
Ainsi, en plus du Canada, le terme « fournisseur de services » est défini comme suit au paragraphe 2(1) de la Loi :
« Partie à un contrat conclu avec Sa Majesté aux termes duquel elle s’engage à fournir à Sa Majesté des services relativement à un immeuble fédéral ou à un bien réel fédéral et qui, dans l’exécution de ce contrat, peut conclure un contrat pour l’exécution d’un projet de construction. N’est pas visée par la présente définition la partie qui est le locateur ou le locataire de l’immeuble fédéral ou du bien réel fédéral. »
Le terme « entrepreneur » est quant à lui défini comme suit :
« Partie à un contrat conclu avec Sa Majesté ou un fournisseur de services aux termes duquel elle s’engage à effectuer des travaux de construction. N’est pas visée par la présente définition la partie qui est le locateur ou le locataire de l’immeuble ou du bien réel visé par les travaux de construction. »
Par ailleurs, un « projet de construction » est défini comme visant un ou plusieurs des éléments ci-dessous :
(a) la modification, la restauration ou la réparation majeure d’un immeuble fédéral ou d’un bien réel fédéral ou l’ajout à celui-ci;
(b) la construction, l’érection ou l’installation sur un immeuble fédéral ou un bien réel fédéral, notamment l’installation, sur celui-ci, d’équipement qui est essentiel à l’utilisation normale ou prévue de l’immeuble fédéral ou du bien réel fédéral;
(c) la démolition ou l’enlèvement, complet ou partiel, d’un immeuble fédéral ou d’un bien réel fédéral.
Quant à la notion de « réparation majeure », la Loi précise qu’il s’agit d’une réparation en vue de la prolongation de la durée de vie utile d’un immeuble ou d’un bien réel ou encore de l’augmentation de la valeur ou de la productivité de celui-ci. Cela exclut l’entretien et la réparation visant à prévenir la détérioration normale de l’immeuble ou du bien réel ou visant à le maintenir dans un état de fonctionnement normal.
Pour résumer, la Loi s’applique donc aux contrats de construction conclus entre des entrepreneurs et des organismes du Canada ou mandatés par le Canada, à condition que les travaux concernent un immeuble fédéral ou un bien réel fédéral et qu’aucune des parties n’en soit le locateur ou le locataire.
Exemptions de l’application de la Loi
La Loi permet au Canada, par décret du gouverneur en conseil, d’exempter des provinces de l’application du régime de paiement rapide prévu par la Loi. Le Canada peut accorder une telle exemption lorsqu’une province a déjà mis en place un régime de paiement rapide et d’arbitrage « raisonnablement similaire ».
Ainsi, le 8 décembre 2023, le gouverneur en conseil a par décret désigné l’Ontario, la Saskatchewan et l’Alberta comme étant des provinces exemptées[3]. Le « résumé de l’étude d’impact de la réglementation » rédigé à la suite du décret indique aussi que la Nouvelle-Écosse et le Manitoba ont pris des mesures pour adopter une législation semblable afin d’être exemptés.
Aucune exemption n’est prévue pour le Québec.
Il convient finalement de souligner que la Loi contient une disposition transitoire qui prévoit que, dans le cas de contrats conclus avant le 9 décembre 2023, la Loi ne s’appliquera pas pendant une période d’un an suivant la date de son entrée en vigueur.
Quels sont les délais de paiement prévus par la Loi?
La Loi exige que le Canada paie les entrepreneurs dans un délai de 28 jours calendrier après que ceux‑ci lui aient soumis une facture en bonne et due forme. L’entrepreneur aura ensuite 7 jours pour payer ses sous-traitants, lesquels disposeront à leur tour d’un délai de 7 jours pour payer leurs sous-sous-traitants, et ainsi de suite jusqu’à ce que toutes les parties aient été payées.
Une exception s’applique néanmoins lorsqu’un avis de non-paiement est émis par une partie prenante de la chaîne d’exécution des travaux, puisque la Loi obligera alors les parties à recourir à un processus d’arbitrage. L’avis de non-paiement devra notamment fournir une description des travaux visés, le montant faisant l’objet du refus de payer et les motifs justifiant le refus.
De plus, dans le cas où l’entrepreneur n’est payé qu’en partie, la Loi prévoit que la distribution de la somme reçue sera faite en premier lieu sur une base proportionnelle en ce qui concerne les sous-traitants dont les travaux ne sont pas visés par l’avis de non-paiement. Ensuite, à partir du reliquat et encore sur une base proportionnelle, l’entrepreneur devra payer ceux de ses sous‑traitants dont les travaux de construction sont visés en partie par l’avis de non-paiement. La même mécanique s’appliquera mutatis mutandis entre les sous-traitants et les sous‑sous‑traitants.
Qu’arrive-t-il si un entrepreneur ou un sous-traitant n’est pas payé?
La Loi prévoit un processus d’arbitrage des différends dans le cadre des contrats auxquels elle s’applique. En effet, l’article 16 de la Loi permet aux entrepreneurs et aux sous-traitants qui n’ont pas été payés dans les délais prescrits de renvoyer l’affaire à l’arbitrage pour qu’un intervenant expert se prononce sur le différend menant au non-paiement. La partie qui entend se prévaloir de cette avenue devra alors transmettre un avis de renvoi.
L’avis de renvoi doit être signifié à l’autre partie « au plus tard le vingt-et-unième jour suivant le dernier en date des événements ci-après » :
(a) la réception, par l’entrepreneur, du certificat d’achèvement des travaux fourni par le Canada ou le fournisseur de services relativement au projet de construction; et
(b) si certains de ses travaux de construction sont visés par la dernière facture en règle fournie relativement au projet de construction, l’expiration du délai prévu par la Loi pour le paiement de ces travaux.
La Loi stipule que la décision de l’intervenant expert est exécutoire, sauf si les parties concluent une entente écrite ou si la décision de l’intervenant expert est annulée par une décision judiciaire ou arbitrale. Il convient de noter que la Loi n’a pas pour effet de restreindre le pouvoir d’un tribunal ou d’un arbitre d’examiner le bien-fondé d’une question tranchée par l’intervenant expert. Ainsi, tout en étant exécutoire, la décision de l’intervenant expert étant révisable dans le cadre d’une entente subséquente, il ne s’agit pas d’une décision finale.
Si l’intervenant expert ordonne à une partie de payer, celle-ci est tenue de le faire au plus tard le dixième jour suivant la date où la décision lui a été communiquée ou dans tout autre délai précisé dans la décision. Si le paiement de la somme n’est pas fait dans le délai applicable, le créancier de la somme peut suspendre ses travaux de construction sans que la suspension ne constitue une inexécution ou violation des clauses du contrat.
Il pourra aussi, dans les deux ans suivant la date où la décision de l’intervenant expert lui a été communiquée, déposer devant la Cour fédérale ou devant la cour supérieure d’une province une copie certifiée conforme de cette décision, laquelle sera alors assimilée à une ordonnance rendue par cette cour et pourra être exécutée comme telle.
Conclusion
Les entrepreneurs qui exécutent des travaux de construction au bénéfice du Canada devraient s’assurer de prendre connaissance de la Loi afin d’être prêts à s’y conformer lors de la fin de la période transitoire si le contrat a été conclu avant le 9 décembre 2023 ou à l’occasion de tout nouveau contrat.
Nous soulignons finalement qu’avant de conclure un contrat assujetti à la présente Loi, le Canada ou le fournisseur de services est tenu d’informer l’entrepreneur de l’application de la Loi au projet et de lui fournir les renseignements prévus par règlement. La même obligation incombe à un entrepreneur vis-à-vis ses sous-traitants, et aux sous-traitants vis-à-vis leurs propres sous‑traitants.
N’hésitez pas à communiquer avec le groupe en droit de la construction de Miller Thomson pour toute question en lien avec les modifications apportées par la présente Loi.
1. L.C. 2019, ch. 29, art. 387
3. Lien menant au décret : https://gazette.gc.ca/rp-pr/p2/2023/2023-12-20/html/sor-dors270-fra.html
Cet article est paru dans l’édition du 15 février 2024 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.