Pénurie de main-d’œuvre : pourquoi recruter à l’étranger s’impose?

27 janvier 2025
Par Benoit Poirier

Face aux données démographiques occidentales et à la pénurie de main-d’œuvre qui en découle dans la plupart des domaines d’activité, recruter à l’étranger devient souvent une évidence et une nécessité. Une démarche qui en vaut amplement le voyage.

Discutez-en avec Marco R.-Collin, directeur principal des services corporatifs chez Bruneau Électrique, qui a participé avec un collègue à deux missions au Maroc, aux mois de février 2023 et 2024, pour divers corps de métiers. Pourquoi cette destination? « Premièrement, le français est très bien. Ça peut paraître banal, mais c’est important pour nous. Évidemment, le code du bâtiment n’est pas pareil. Mais il y a quand même des similitudes intéressantes qui font que les gens ont de bonnes connaissances qui leur permettent d’obtenir leurs équivalences ici. »

 

Les entrevues d’embauche planifiées avec des candidats présélectionnés étaient entrecoupées par des périodes dites « libres », ouvertes aux candidatures spontanées. « Cela fait en sorte que nous avons passé des journées de 10 à 12 heures de recrutement sans arrêt. Nous avons été un peu victimes de notre succès. Je ne mentirai pas que, la première année, j’ai mis les pieds dans quelque chose de plus gros que je ne le pensais. J’en ai fait pas mal des foires d’emplois dans ma carrière, mais là, c’était quelque chose ! », relate-t-il.

 

De retour au Québec avec quelque 200 curriculum vitae sous le bras, la démarche s’est à l’évidence avérée concluante pour l’entreprise spécialisée dans l’installation électrique, la construction de bâtiments commerciaux, industriels et institutionnels ainsi que l’éclairage routier et l’installation de supersignalisations et qui a participé à des projets d’envergure comme l’échangeur Turcot, l’agrandissement de l’hôpital Le Gardeur et la mise à niveau de la centrale hydroélectrique de Beauharnois. Mais la deuxième année, Marco R.-Collin y est retourné accompagné de sa partenaire aux ressources humaines pour lui prêter main-forte.

 

Marco R.-Collin, directeur principal des services corporatifs, Bruneau Électrique. Photo : Bruneau Électrique

 

« La main-d’œuvre est vraiment qualifiée et travaillante, là-bas. Ce sont des gens très dévoués qui n’ont pas peur de faire des heures, qui veulent apprendre, qui apprécient nos conditions de travail et qui désirent s’intégrer. Honnêtement, c’est vraiment un succès, le Maroc. C’est un processus administratif quand même lourd et long, mais ça vaut la peine », assure-t-il.

 

Son savoir-faire pour tout bagage

Si plusieurs démarches sont requises avant l’embauche des candidats, entre autres, leur trouver un toit, tout autant d’étapes s’imposent à leur arrivée. Première escale à la descente de l’avion : les douanes. « Ce n’est pas comme vous et moi lorsque nous revenons de voyage. La première fois, je me suis pointé à l’aéroport à 7 h 45, soit 15 minutes avant l’atterrissage avec ma petite pancarte ‘’Bienvenue au Québec’’. Je suis sorti de là à quatre heures du matin. »

 

Après quoi il faut bien les accompagner pour l’ouverture d’un compte dans une institution financière, pour obtenir leur numéro d’assurance sociale temporaire, faire leur première épicerie, de même que magasiner du mobilier et un minimum de décoration pour leur logement. Sans oublier des vêtements pour l’hiver et, surtout, un téléphone cellulaire pour joindre les leurs demeurés, en ce qui les concerne, au Maghreb.

 

Tout cela est multiplié par vingt. Heureusement, celui que l’on surnomme à l’interne le chef d’orchestre n’est pas seul pour accueillir ces cohortes, dont la prochaine devait arriver ce 18 novembre L’équipe des ressources humaines et les directeurs de projets s’attèlent aussi à la tâche.

 

« Je vous confirme qu’ils n’ont pas de tuque ni de gants, badine-t-il. Ce n’est pas évident pour eux, là. C’est beaucoup, beaucoup de préparation, puis beaucoup d’accompagnement pendant les premières semaines, les premiers mois, pour leur intégration, pour s’assurer que tout se déroule bien sur les chantiers et dans leur vie de tous les jours. » Les entreprises ne peuvent dépasser un certain pourcentage de leur masse salariale. En contrepartie, plusieurs travailleurs profitent de leur séjour au Québec, d’une durée de trois ans, pour entreprendre les démarches visant à obtenir leur statut permanent.

 

Envisage-t-il une troisième mission, en 2025 ? « L’avenir le dira. » Les tergiversations actuelles du gouvernement concernant l’immigration laissent en effet Marco R.-Collin dubitatif, bien qu’il soit conscient de la problématique liée à la pénurie de logements.

 

« Nous voyons qu’en ce moment des décisions sont prises au niveau gouvernemental pour freiner un peu l’immigration temporaire alors que, selon moi, nous en avons plus que jamais besoin. Il faut continuer à miser là-dessus pour les prochaines années. Honnêtement, la pénurie de main-d’œuvre n’est pas sur le point de ralentir au Québec. Peu importe ce qu’il advient, il faut garder les horizons ouverts à l’immigration. »

 

Quel conseil le directeur principal RH, TI et Juridique du Groupe Bruneau, qui inclut neuf entités dont SaniPro, DuEau Solution et Solutions Multi-Équipements, a-t-il à donner aux entrepreneurs en matière de recrutement à l’international : « Je dirais de ne pas hésiter ! »

 

Oui, la démarche requiert beaucoup de travail administratif, des mois de préparation en amont et plusieurs étapes doivent être franchies avant l’arrivée des candidats qui auront été retenus. « Mais nous sommes tellement bien accompagnés ! Et les candidats sont très motivés, bien préparés, très à l’écoute. » Sans compter diverses subventions offertes pour couvrir entre autres une portion des salaires et de la logistique.

 

RESSOURCES ET ACCOMPAGNEMENT

Les employeurs qui choisissent de se rendre à l’étranger pour combler leurs besoins en main-d’œuvre sont loin d’être laissés à eux-mêmes. Ils peuvent notamment être pris en main par le gouvernement du Québec, dans le cadre des Journées Québec, activités de recrutement qui sont organisées tour à tour en Europe, en France, en Belgique, au Mexique, en Colombie, au Brésil et en Afrique, dont au Maroc.

Ils peuvent bénéficier de conseils judicieux et personnalisés de la part des représentants du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) avant, pendant et après une mission de recrutement. Les coûts pour une participation varient selon la taille de l’entreprise et la modalité choisie. Les instances gouvernementales soutiennent également les nouveaux arrivants dans leurs démarches de francisation et leur intégration au Québec.

Du côté du gouvernement fédéral, entrepreneurs et candidats peuvent s’inscrire au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), en respectant certaines conditions. Divers organismes et agences offrent également des services spécialisés dans le recrutement de talents hors frontières. Il vaut la peine de s’informer.