Le Comité exécutif du Barreau du Québec a effectué l'analyse des moyens mis à la disposition de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction. « Au terme de notre première analyse, nous ne pouvons avaliser totalement cette commission, puisque trop de questions demeurent en suspens. Le gouvernement a fait un pas important en acceptant de créer une commission d'enquête, il doit maintenant lui donner les moyens d'atteindre les résultats visés », explique le bâtonnier du Québec, Me Louis Masson, Ad. E.
« Les récentes allégations qui éclaboussent le gouvernement en matière de collusion dans le secteur de la construction sont dévastatrices pour la confiance du public dans ses institutions, dans l'État et dans le fait que les lois et règlements sont respectés dans l'attribution des contrats de construction et de gouvernance des chantiers. Le gouvernement a donc la responsabilité d'assurer à la population que tout est mis en œuvre pour que soient respectées les lois, incluant l'absence de corruption et de favoritisme, et que l'État fait une saine gestion des deniers publics », réitère le bâtonnier Masson.
Une commission d'enquête en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête pour atteindre les objectifs visés
De l'avis du Barreau, si le gouvernement veut atteindre tous ses objectifs, soit faire la lumière sur les éléments dévoilés dans le rapport rédigé par l'Unité anticollusion du ministère des Transports en ce qui a trait à de possibles activités de collusion et de corruption, poursuivre les enquêtes policières pour sanctionner les personnes et les entreprises qui ont enfreint la loi, mettre au jour les possibles stratagèmes et rétablir la confiance du public, il doit s'assurer que la Commission d'enquête qu'il a créée exerce les pouvoirs prévus par la législation existante, soit la Loi sur les commissions d'enquête. Le Barreau du Québec exprime de vives inquiétudes sur le fait que le décret adopté par le gouvernement indique que « cette commission ne puisse accorder d'immunités et qu'en conséquence, elle ne puisse contraindre à témoigner ». « Pour que les témoins n'aient pas peur de s'y présenter et de dire la vérité, il faut être en mesure de les contraindre à témoigner. La Loi sur les commissions d'enquête donne ce pouvoir aux commissaires et prévoit, en contrepartie, que si un témoin avoue un crime, il ne peut être incriminé par ce témoignage. Il peut cependant l'être à l'aide d'une autre preuve indépendante, comme celle rassemblée par les forces policières, par exemple », souligne le bâtonnier Masson.
Le Barreau déplore également l'absence d'immunité, tant pour les commissaires que pour les témoins, car l'absence d'immunité, en plus de faire en sorte que les témoins seront réticents à participer à l'exercice, engendre un fort risque de poursuites inutiles.
La confiance du public, déjà fortement ébranlée, n'est pas préservée par la forme de la commission qui vise, aux dires du gouvernement, à protéger les enquêtes policières qui sont au cœur du plan d'action gouvernemental dans ce dossier. « Le gouvernement ne peut prétendre que la justice pénale et criminelle est la réponse absolue aux problèmes liés à l'octroi et à la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction. Nous l'avons indiqué dans notre communiqué précédent, le problème est multifactoriel et les solutions doivent l'être également. En droit criminel et pénal, c'est le Directeur des poursuites criminelles et pénales qui décide ou non de porter des accusations dans l'intérêt public. En raison des règles de preuve hors de tout doute raisonnable qui s'appliquent, il est possible que seulement une portion des dossiers se rende devant les tribunaux. Le mandat d'une commission d'enquête doit donc permettre de mettre au jour tant les actes de corruption et de collusion que les systèmes et les comportements déviants qui ne respectent pas les lois ou l'éthique, et ce, sans nuire aux enquêtes policières », ajoute le bâtonnier Masson.
Le Barreau du Québec est en désaccord avec l'affirmation du gouvernement du Québec qu'une commission d'enquête avec le pouvoir d'obliger les gens à témoigner viendrait nécessairement contaminer les enquêtes policières. « Cette affirmation sème la confusion dans le public. Il n'y a aucun cas où une Commission d'enquête ait empêché les policiers de faire leur travail et de porter plainte par la suite. Il est cependant vrai qu'une cloison étanche doit être dressée entre les procédures pénales et criminelles et les instruments administratifs que sont les commissions d'enquête, afin de ne pas créer de preuves que l'on appelle « dérivées ». Toutefois, même si le risque existe, cela ne veut pas dire que ce ne soit pas possible de le faire », explique le bâtonnier Masson.
Pour toutes ces raisons et pour atteindre les résultats souhaités, le Barreau demande au gouvernement d'apporter les ajustements nécessaires, soit de donner à sa commission d'enquête les pouvoirs prévus par la Loi sur les commissions d'enquête.
Par ailleurs, le Barreau est satisfait de l'ampleur du mandat donné et salue la nomination de la commissaire, dont la compétence et l'indépendance sont reconnues.
Le Barreau entend suivre de près les travaux de la commission et apporter l'expertise de ses comités consultatifs pour enrichir les solutions juridiques proposées pour mieux encadrer l'octroi des contrats.