Des écoles transformables, flexibles et modulaires : une nouvelle tendance au Québec

14 novembre 2024
Par Laetitia Arnaud-Sicari

Un vent de changement souffle sur la façon de construire des écoles primaires et secondaires au Québec, que l’on souhaite plus durables et modulables en fonction de l’évolution des besoins. Les écoles transformables, flexibles et modulaires (TFM) s’inscrivent dans cette mouvance.

C’est en 2019 que la firme Prisme Architecture est appelée à travailler sur ce genre d’école pour la première fois. L’idée est lancée par le Centre de services scolaire (CSS) de Laval concernant la conception d’une école primaire, l’école du Sommet, qui a été inaugurée en 2022, relate Mariange Lefebvre, architecte chez Prisme Architecture. « Le [CSS] voulait que [ses] écoles soient adaptables dans le temps tout en offrant des espaces flexibles à leurs élèves », poursuit-elle.

 

Mais comment ? En intégrant des cloisons en gypse et en colombages métalliques, au lieu du béton, entre les classes et plusieurs types de cloisons mobiles à panneaux dans plusieurs locaux, explique-t-elle. Quant aux cloisons donnant sur les corridors, elles sont construites en béton pour une question de durabilité et de solidité. « Les cloisons mobiles à panneaux permettent d’ouvrir deux classes l’une sur l’autre, ce qui rend l’espace flexible et modulable dès le jour un. Ça permet aussi de faire du coenseignement, donc d’enseigner à deux profs.

 

Mariange Lefebvre, architecte chez Prisme Architecture. Crédit : Michel Bouthillier

 

Pour les cloisons en gypse, elles permettent de transformer plus facilement les espaces par rapport à si elles étaient construites en blocs de béton parce que leur démolition en serait facilitée », précise-t-elle.

 

Des cloisons mobiles vitrées ont également été implantées à travers l’établissement, comme pour la bibliothèque et les locaux du service de garde, entre les salles et les corridors qui les desservent, poursuit l’architecte. Par rapport aux cloisons mobiles vitrées utilisées pour la bibliothèque, elles permettent de « décloisonner » celle-ci. « Les élèves peuvent donc utiliser le corridor adjacent comme espace collaboratif et s’approprier des lieux de leur école », illustre l’architecte.

 

Un besoin de flexibilité

Un autre établissement du CSS de Laval et intégrant le concept TFM a ouvert ses portes en 2021 : l’école internationale des Aventuriers. Celui-ci a été réalisé par Atelier SENS, qui n’en n’est pas à sa première école du genre. Déjà, en 2011, un projet nommé à l’époque l’école 2.0 avec un CSS situé dans la région du grand Montréal était conçu dans le même esprit du TFM, raconte Stéphanie Bastien, architecte associée chez Atelier SENS. L’objectif ?

 

Créer des écoles flexibles et polyvalentes, qui seraient toujours d’actualité dans 100 ans. Dès le début du projet, l’une des stratégies était de déjà prévoir l’emplacement d’un agrandissement. « Le programme du Ministère exigeait des classes de dimensions différentes pour les classes maternelles versus les classes régulières. Donc, pour transformer deux classes régulières en classes maternelles, on prévoyait une salle de rencontre entre les deux, sous laquelle passait la plomberie pour les futures toilettes et l’espace pour un dépôt, avec des cloisons à ossatures légères qui pouvaient être facilement démolies. Ça nous donnait donc le format ajustable de deux classes maternelles », explique Stéphanie Bastien. Quatre écoles conçues par Atelier SENS seront construites à la suite de cette réflexion.

 

Stéphanie Bastien, architecte associée chez Atelier SENS. Crédit : Orphisme Photographie

 

Puis, en 2016, viendra le tour de la conception de l’école 3.0, ajoute-t-elle. Tout en arborant un aspect durable avec l’utilisation du bois et de panneaux solaires, l’école comportait également une Zone Enseignement Particulière Innovante, une idée du même CSS que celui de l’école 2.0, mentionne l’architecte. Cet espace, qui pouvait servir à la fois de lieu de collaboration et de rencontre entre élèves et personnel non enseignant et de « zone récompense », était situé entre deux classes. « Nous avions imaginé cet espace s’ouvrant sur le corridor et pouvant servir d’espace commun ou de prolongement de l’espace polyvalent et du service de garde qui servait de local de dîner à l’époque », précise-t-elle.

 

Le concept TFM aujourd’hui

Dans le nouveau programme du gouvernement du Québec dévoilé en 2020, le concept TFM occupe également une place, se traduisant par l’aménagement d’un espace collaboratif d’une superficie de 30 mètres carrés entre toutes les classes, avec de grandes parois vitrées amovibles qui s’ouvrent, indique Stéphanie Bastien. « Les écoles il y a 15 ans environ étaient très figées. Chaque local avait une fonction prédéterminée qui servait pour une période qui était très courte. Maintenant, chaque local a plusieurs fonctions. Pour les locaux d’enseignement, on a maintenant 105 mètres carrés au lieu de 68 mètres carrés pour les classes régulières », compare l’architecte.

 

LES DÉFIS DERRIÈRE LE CONCEPT TFM
Selon Stéphanie Bastien, le premier défi serait lié à l’acoustique en raison des cloisons. Elle détaille qu’il est important de s’assurer qu’il n’y a pas de réverbération entre les locaux pour le confort des élèves et des enseignants, soit en optant pour des cloisons amovibles très performantes. Pour Mariange Lefebvre, lors de la conception, des efforts supplémentaires doivent être déployés pour la coordination du côté des ingénieurs en structure et en électromécanique. Puisque les cloisons mobiles à panneaux requièrent des poutres d’acier supplémentaires pour soutenir leur poids et pour contrôler leur déploiement, cet ajout amène des obstacles quant au passage des conduits de ventilation ou autres équipements MÉP. Selon elle, l’autre défi serait de faire une surveillance plus « étroite » lors des travaux en ce qui a trait aux architectes pour s’assurer que l’installation des cloisons soit « précise » et « adéquate » et que l’intégration des équipements électromécaniques ne nuise pas au fonctionnement à long terme des cloisons.