Mauvais état du réseau routier : comment inverser la tendance ?

9 juillet 2024
Par Mathieu Ste-Marie

La moitié des routes relevant du ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) sont en mauvais état, selon un rapport de la vérificatrice générale du Québec. Devant ce constat alarmant, deux acteurs du secteur de la construction proposent leurs solutions.

Nids de poule, fissures, ornières : sur les 31 000 kilomètres de chaussées qui sillonnent le Québec, plusieurs d’entre elles ont atteint la fin de leur durée de vie. La situation est particulièrement inquiétante en Abitibi-Témiscamingue où 65 % de la chaussée était en mauvais état en 2022. Par ailleurs, la proportion de voies abîmées est au-dessus des 50 % dans plusieurs autres régions, telles que Chaudière-Appalaches, l’Outaouais ou l’Estrie.

 

La situation s’est dégradée au cours des dernières années, constate la vérificatrice générale (VG), Guylaine Leclerc. La preuve : de 2018 à 2022, le déficit de maintien d’actifs (DMA) a augmenté de 3 G$, atteignant ainsi 10 G$. Or, le Ministère n’a pas évalué les investissements nécessaires pour maîtriser ce déficit, juge la VG.

 

Des routes en fin de vie

Pourquoi une telle hausse en seulement quatre ans? Durant cette période, la longueur des chaussées revêtues ayant atteint la fin de leur durée de vie a augmenté de 8,9 % pour atteindre 8 075 kilomètres, soit près du tiers des chaussées revêtues du réseau routier.

 

Face à la vétusté de plusieurs routes, construites pour la plupart dans les années 1960 et 1970, des investissements majeurs sont nécessaires dans l’entretien de la chaussée. « Il n’y a pas assez d’argent consacré à l’entretien. Les fonctionnaires font le maximum de ce qu’ils peuvent avec les moyens qu’ils ont », estime Pierre Tremblay, directeur général adjoint à l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ).

 

L’argent, le nerf de la guerre

Selon lui, l’entretien des routes devrait recevoir une somme similaire à celle pour l’entretien des structures qui tournent autour d’un milliard de dollars annuellement. Le montant consacré à l’entretien de la chaussée avoisine bon an mal an les 700 M$. « Nous pourrions avoir le meilleur système de planification au monde, si nous n’avons pas l’argent, nous ne sommes pas plus avancés », affirme Pierre Tremblay.

 

Si le Ministère investissait massivement, cela créerait toutefois un autre problème, estime, pour sa part, Marc-André Martin, président de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ). « Même si le gouvernement investissait quatre ou huit milliards, encore faudrait-il trouver les entrepreneurs. Au Québec, le nombre d’entrepreneurs en génie civil est limité. »

 

Faire les bons choix

Selon M. Martin, les investissements doivent plutôt être faits au bon endroit, au bon moment. « Une route a une durée de vie limitée. Si l’on veut rallonger cette durée de vie, il faut faire des interventions aux 5, 10, 15 et 20 ans. Si les interventions n’ont pas été faites, il faut reconstruire la route au complet. Dans les dernières années, le MTMD a davantage fait du resurfaçage que des interventions en profondeur sur ses routes », explique-t-il. Pierre Tremblay est du même avis : « Les interventions se font beaucoup en surface. C’est un peu comme mettre de la peinture sur une planche de bois pourrie », illustre-t-il.

 

En effectuant du resurfaçage sur une route, le Ministère peut intervenir sur beaucoup plus de kilomètres que s’il reconstruisait la chaussée. À court terme, cette façon de faire est moins dispendieuse et plus rapide. Cependant, cette solution s’avère inefficace à long terme, constate Marc-André Martin : « Même si une couche d’asphalte est posée sur une route qui est défoncée, les ornières, les fissures et les aspérités vont revenir deux ans après. »

 

Selon lui, l’ingénieur doit jouer un rôle central au ministère des Transports et de la Mobilité durable et avoir son mot à dire sur les investissements routiers. « Les choix de réfection doivent être davantage techniques que politiques. Il faudrait une structure dépolitisée au Ministère afin de permettre de mieux entretenir le réseau routier. »

 

Des travaux pas réalisés

Dans son rapport, la VG constate qu’une grande partie des travaux nécessaires à la pérennité du réseau routier ne sont pas réalisés. « Pourtant ces travaux sont importants, car ils permettent de rétablir les chaussées en mauvais état et contribuent à résorber le DMA », indique la VG dans son rapport.

 

Trois raisons expliquent les reports de travaux :

 

1. Les ressources financières budgétées pour les travaux de réhabilitation majeure sont insuffisantes;

2. Les capacités limitées en ressources humaines du MTMD ainsi que des fournisseurs de l’industrie;

3. Des travaux provoqués par des bouleversements climatiques.

 

« Pas plus tard que l’an dernier, des équipes étaient en attente de réaliser des travaux, mais ceux-ci n’ont finalement jamais eu lieu », rapporte Pierre Tremblay.

 

Des délais administratifs

Et lorsque ces travaux sont réalisés, il peut s’écouler plusieurs années entre l’annonce du projet et la première pelletée de terre. « La bureaucratie et la reddition de comptes viennent ralentir considérablement la réalisation des travaux, déplore Marc-André Martin. Notre réseau se détériore plus vite que l’on est capable de l’entretenir et de le maintenir. » Si la réalisation des travaux était confiée à l’interne plutôt qu’au privé, les délais seraient moindres croit-il.

 

La VG a également soulevé la lenteur du Ministère dans la réalisation des travaux sur les routes ayant atteint la fin de leur durée de vie. Au rythme où le MTMD réalise ses travaux de reconstruction et de réhabilitation majeure actuellement, le rétablissement de l’état de ces chaussées prendra plus de 25 ans. Et dans un quart de siècle, plusieurs autres routes seront rendues à la fin de leur vie utile.

 

Des techniques à utiliser
Il y a le resurfaçage et à l’autre bout du spectre il y a la reconstruction complète de la route. Entre les deux, plusieurs techniques peuvent être utilisées pour entretenir la route, notamment le retraitement des chaussées en place.

 

Cette technique consiste à fragmenter le revêtement bitumineux sur toute son épaisseur en y incorporant une partie de la fondation granulaire sous-jacente. Une fois homogénéisé sur une profondeur de 300 millimètres, le matériau est nivelé et densifié pour former une nouvelle fondation.

 

Parmi les autres techniques, notons également celles de la pulvérisation et de la stérilisation.

 

Cet article est paru dans l’édition du 13 juin 2024 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.