Le stationnement de la Chancelière, à Québec, est désormais muni d’une dalle structurale bidirectionnelle en béton renforcé, constituée d’armature composite en fibre de verre (PRFV). Il s’agit d’une première mondiale qui a nécessité plusieurs années de recherche. Des scientifiques de l’Université de Sherbrooke (UdeS), en collaboration avec EMS Ingénierie, ont franchi le dernier obstacle à sa réalisation, en raffinant les équations pour solutionner les efforts de cisaillement et de flexion. Cette technologie pourrait maintenant se démocratiser.
La dalle mesure 2 800 mètres carrés. Elle occupe le second et dernier niveau de ce stationnement souterrain. « Nous avons pu réaliser des portées de 10 mètres dans chaque direction », lance Brahim Benmokrane, ingénieur et professeur à l’Université de Sherbrooke, et titulaire d’une chaire de recherche sur les matériaux composites pour les infrastructures en béton. « Les barres en composite sont plus légères, et leur résistance est de 1,5 à deux fois supérieure aux tiges en acier », précise pour sa part Éric Boucher, ingénieur en structure chez EMS Ingénierie, la firme qui a contribué à l’avancement du procédé et conçu la dalle. Le prix de l’armature composite est un peu plus élevé que celui de l’acier, mais au final, concevoir une dalle avec ce matériau ne coûte pas plus cher, grâce aux économies obtenues pour son imperméabilisation.
La reconstruction des stationnements souterrains se multipliera au cours des prochaines années. « Aménagés depuis 35 à 40 ans, en moyenne, leur fondation et colonnes supporteront difficilement une dalle conventionnelle enduite d’élastomère et recouverte d’un pavage. Elle excédera aussi les hauteurs libres. Le composite pourrait représenter une solution de rechange », explique Éric Boucher. En outre, le sel de déglaçage ne corrode pas ce matériau, qui générerait entre 20 % et 30 % d’économies d’entretien, et prolongerait de beaucoup la durée de vie utile d’une dalle. La Ville de Québec disposait d’un budget de 2,4 millions $ pour installer celle de la Chancelière. Le plus bas soumissionnaire, Construction Paveton, l’a réalisé pour 1,7 million $, confirmant que le procédé est désormais accessible à grande échelle. Elle fera épargner des « centaines de milliers de dollars en réparations, et sa reconstruction sera reportée de 30 à 40 ans », affirme Louis Pageau, ingénieur en structure au service de la gestion des immeubles à la Ville de Québec.
Cet ouvrage a été précédé d’un premier essai, réalisé dans le stationnement souterrain (quatre étages) de l’hôtel de ville à Québec, qui comprend une portion de dalle avec armature composite en fibre de verre. Elle est située au second niveau. Cela a permis à des ingénieurs de se familiariser avec les méthodes de calcul découlant du procédé », affirme Louis Pageau. Ce segment permettra aux chercheurs de l’UdeS, à moyen et à long terme, une analyse comparative avec la section construite en mode conventionnel. Pultrall produit ce matériau au Québec. Elle est la seule à le faire pour l’instant. « Nous y travaillons depuis la création de l’entreprise, il y a une vingtaine d’années », de dire Mario Guénette, directeur des ventes chez Pultrall. Son seul point faible : une élasticité un peu moins élevée que l’acier, ce qui oblige, dans certains cas, l’ajout de barres supplémentaires pour contrôler les déflections. « À n’en point douter, le projet de la Chancelière permettra la réalisation d’autres dalles de stationnements souterrains, et ce, dans toute l’Amérique du Nord », conclut Brahim Benmokrane.
Cet article est paru dans l’édition du vendredi 26 août 2011 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !