Bâtiments solides : flexibilité et durabilité

8 juin 2015
Par François Cantin, M. Sc. Arch.

« Un bâtiment n'est pas quelque chose que l'on termine, un bâtiment est quelque chose que l'on commence 1» - Stewart Brand.

La majorité des bâtiments sont difficilement adaptables et modifiables. À moyen terme, 10 à 15 ans après leur construction, leur niveau d'adaptabilité face à un changement de fonction, de propriétaire ou simplement de locataire n'est pas toujours élevé. À long terme, après plus de 20 ou 30 ans de service, leur capacité à s'adapter à une société en constante mutation est somme toute réduite et, dans plusieurs cas, inexistante.

 

Bien qu'il soit ardu, pour les concepteurs et leurs clients, de concevoir et de construire en fonction d'un avenir rempli d'inconnus, plusieurs acceptent de relever le défi en se questionnant sur les occupants actuels et futurs ainsi que sur leurs besoins. Au-delà de l'image qu'il projettera au moment de son inauguration, que permettra d'accomplir le bâtiment dans 25, 50 ou même 100 ans ? Quels éléments devraient être ajoutés au design initial afin de faciliter les changements inévitables à venir ? Évidemment, cette flexibilité vient avec un surcoût difficile, voire impossible à justifier sans une analyse complète du cycle de vie.

 

Longévité

Tel que le mentionne Jasper van Zwol, professeur à la faculté d'architecture de la Delft Technical University, dans un texte intitulé Time-Based Architecture and Mixed Use2, un édifice conçu selon les principes des « bâtiments solides » aura tendance à offrir une meilleure adaptabilité. Cette approche préconise un investissement majoré sur l'enveloppe extérieure et une bonification des caractéristiques structurales d'un bâtiment (plus grande hauteur libre sous la structure, portées plus importantes, etc.).

 

Selon l'auteur, en capitalisant sur une enveloppe de grande qualité et une structure bonifiée, il est envisageable d'obtenir de la durabilité, autant sur le plan économique, fonctionnel que technique, puisque la « coquille » sera en mesure d'accommoder plusieurs types d'occupations. Notons au passage que le lien étroit unissant une structure polyvalente et la variété des stratégies d'occupation pouvant y être associées a aussi été documenté par Francis Duffy3.

 

Sans se lancer dans une analyse financière exhaustive, investir davantage pour une structure qui pourra offrir une durée de vie de 100 ans, en comparaison à des aménagements intérieurs susceptibles de changer après 10 ans, semble être un choix judicieux. Malgré tout, selon Jasper van Zwol, le nombre de mises en chantier de « bâtiments solides » a malheureusement diminué au cours des dernières années, et ce, principalement en raison de la crise économique. En situation d'incertitude, moins de promoteurs et de propriétaires sont enclins à investir davantage pour garantir une flexibilité à long terme.

 

Image et mixité

Au-delà de la longévité de ses différentes composantes, un bâtiment devra être adopté par la population en étant significatif sur le plan culturel et/ou urbain pour espérer pouvoir passer l'épreuve du temps. Sans cet attachement du public envers un bâtiment et l'image qu'il projette, ce dernier sera sujet à l'abandon (et éventuellement la démolition) dès qu'il ne satisfera plus les standards du moment. Il est donc faux de prétendre qu'un bâtiment générique offrant des espaces neutres, mais polyvalents constitue la meilleure solution en matière de durabilité. En fait, cette durabilité dépend de la capacité des concepteurs à combiner flexibilité et caractère distinctif, un beau paradoxe.

 

D'autre part, sur le plan urbain, un développement de qualité requiert une mixité des fonctions. Par exemple, les nouveaux développements commerciaux et institutionnels qui n'intègrent pas de volet résidentiel échouent, la plupart du temps, dans leur tentative pour dynamiser les paysages urbains. Brièvement, notons qu'une approche mixte permet aussi de maximiser l'utilisation de l'espace, de réduire la circulation automobile, d'augmenter la sécurité des quartiers (rues plus animées) et de diversifier l'offre de services à la population.

 

Si la croissance de nos villes passe par un regroupement des milieux de vie et de travail, force est cependant de constater qu'il n'est pas toujours facile de conjuguer habitations, commerces et espaces de travail. En fait, seuls les quartiers composés de bâtiments hautement adaptables et flexibles permettront de maximiser cette mixité et surtout d'en assurer la pérennité.

 

L’auteur est chargé de projet chez Coarchitecture, spécialiste en stratégie d’occupation et en confort visuel au sein des environnements de travail ainsi que bénévole au sein de la Section du Québec du CBDCa.

 

1. Brand, S. (1994) How Buildings Learn: What Happens After They’re Built, Viking Penguin, New York, 252 p.

2. Zwol, J (2011) Time-Based Architecture and Mixed Use, Daylight & Architecture: Magazine by Velux, automne 2011

3. Duffy, F. (1998) New Environments for Working, Taylor and Francis, 160 p.


L’auteur est chargé de projet chez Coarchitecture , bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa et membre d’ECOOP, une coopérative offrant divers services de consultation en science du bâtiment.

Conseil du bâtiment durable du Canada - section du Québec

Cet article est paru dans l’édition du mardi 8 mai 2014 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !