Au dire de plusieurs fabricants et distributeurs de brise-soleil, les architectes envisagent régulièrement d’intégrer ce type de produit à leurs projets. Cependant, en raison de leur coût relativement élevé et de l’incapacité des concepteurs à en démontrer la réelle valeur et importance à l’échelle globale du fonctionnement du bâtiment, ces équipements sont plus souvent qu'autrement délaissés en cours de route.
Pourtant, les avantages offerts par un brise-soleil bien intégré sont nombreux. Lorsque bien dimensionné, celui-ci permet de limiter l'utilisation des toiles solaires, contribuant ainsi à préserver une vue sur l'extérieur. Jumelé à une tablette réfléchissante intérieure, un brise-soleil bien conçu peut augmenter de manière significative la quantité de lumière pénétrant au sein des espaces, et ce, tout en uniformisant l’intensité de l’éclairage à proximité des fenêtres. Un poste de travail situé en périphérie est donc visuellement plus confortable.
De plus, contrairement aux toiles solaires intérieures, un brise-soleil permet de limiter la surchauffe estivale en bloquant la majeure partie du rayonnement solaire avant que celui-ci ne pénètre à l’intérieur. Pour sa part, une tablette composée de matériaux de teinte claire et au fini mat permet de maximiser une réflexion diffuse de la lumière naturelle.
Le facteur humain
Afin d’évaluer l'impact global d'un brise-soleil, plusieurs paramètres doivent être considérés, entre autres son incidence sur la qualité spatiale et lumineuse des espaces intérieurs. À ce sujet, Menzies et Wherrett [1] mentionnent que la qualité de l’éclairage en milieu de travail affecte positivement l’humeur, la motivation et la productivité des travailleurs. Dans le même ordre d'idées, Fontoynont [2] a démontré, par suite d’un sondage visant à identifier les caractéristiques jugées importantes pour garantir la qualité des espaces de travail, une préférence marquée des employés pour un apport de lumière naturelle. Il importe de noter que cette préférence venait en tête de liste, devançant même la dimension du bureau. Malheureusement, comme on peut le constater, le rendement de l'investissement d'un dispositif d'occultation tel qu'un brise-soleil est difficilement quantifiable, étant intrinsèquement lié au facteur humain. Cependant, lorsque l'on prend en compte les salaires des occupants, généralement largement supérieurs aux coûts initiaux associés à la mise en place de mesures visant l'optimisation de la qualité lumineuse d'un espace, la rentabilité des dispositifs apparaît assurée. Pour les architectes, sensibiliser les clients dès les prémisses du projet aux avantages relatifs à l'occultation solaire tout en étant conscients des défis associés au dimensionnement des dispositifs demeure la meilleure approche à adopter.
Variant généralement entre 150 et 200 $ du pied linéaire, le prix élevé des brise-soleil et des tablettes réfléchissantes justifie, à lui seul, de bien dimensionner ceux-ci afin d’en maximiser la performance. Pour ce faire, le concepteur dispose de nombreux outils informatisés lui permettant d'explorer rapidement une multitude de solutions d'occultation. Parmi ces outils, on trouve entre autres Ecotect et ParaSol [3]. Le premier, malgré certaines limitations, s'avère très performant pour le dimensionnement de brise-soleil. Grâce à des fonctionnalités automatisées, le logiciel peut même esquisser, en quelques secondes, les bases d'un dispositif sur mesure pour une ouverture donnée. Le second, beaucoup moins sophistiqué, a néanmoins pour principaux avantages d'être gratuit et très convivial : parfait pour effectuer efficacement la conception d'un brise-soleil.
Architectes, soyez proactifs
Pour le moment, force est de constater que plusieurs distributeurs et fabricants ne sont pas encore en mesure de répondre adéquatement aux demandes et besoins des architectes. Par exemple, certains proposent une gamme standardisée de brise-soleil sans réelle possibilité d'adapter les produits aux conditions particulières du site d'implantation.
Pour sa part, la certification environnementale LEED n’accorde pas beaucoup d’importance aux dispositifs d’occultation en tant que tels. En fait, leur intégration, leur dimensionnement précis et leur performance n’entrent pas directement en ligne de compte pour l’obtention d’un crédit. LEED se contente plutôt d’encourager la mise en place d’occultation au sens large du terme afin de limiter les risques d'éblouissement. Ainsi, LEED présente les brise-soleil, les tablettes réfléchissantes et les toiles solaires comme étant des solutions somme toute équivalentes à un problème que la certification crée pratiquement elle-même en ne récompensant que l'aspect quantitatif de l'éclairage naturel (crédit QEI 8.1 obtenu si 75 % des espaces régulièrement occupés reçoivent au minimum un éclairage de 250 lux).
Au final, il ne faut donc pas se surprendre de voir encore plusieurs brise-soleil confinés au simple rôle d'élément d'ornementation. En questionnant la pertinence des produits offerts et en appliquant avec discernement les normes de certification environnementale, les architectes peuvent toutefois espérer renverser cette tendance.
L’auteur est stagiaire en architecture chez Hudon Julien et Associés ainsi que membre bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa.
[1] Menzies, G.F., Wherrett, J.R. (2005) Windows in the workplace: examining issues of environmental sustainability and occupant comfort in the selection of multi-glazed windows, Energy and Buildings, vol. 37, no. 6, pp. 623-630.
[2] Fontoynont, M. (2006) New Projects and Research at ENTPE in electric lighting fields Proceedings of Meeting in Innsbruck, 6-7 avril 2006.
[3] ParaSol peut être téléchargé gratuitement à l'adresse suivante: http://www.parasol.se/