Malgré l'amélioration continue des techniques de construction et un resserrement des codes et réglementations énergétiques, les bâtiments ne parviennent pas toujours à afficher des performances à la hauteur des attentes. Dans les faits, bien que les systèmes mécaniques et la composition de l'enveloppe d'un édifice puissent être optimisés, sa consommation énergétique demeure grandement dépendante des habitudes et comportements de ses occupants.
Tel que le mentionne le National Renewable Energy Laboratory1, environ de 30 % des dépenses énergétiques d'un bâtiment administratif sont directement attribuables au facteur humain. Puisqu'il est difficile, voire impossible, de contrôler le comportement des occupants, obtenir des performances énergétiques exemplaires constitue un défi important.
Confort et contrôle
À la lumière des résultats issus de plusieurs études rigoureuses, il est possible d'affirmer que la satisfaction et le confort des occupants sont étroitement liés au niveau de contrôle qui leur est offert.
À ce sujet, citons entre autres les travaux de Leaman et Bordass2 qui, après avoir sondé les occupants de 177 bâtiments administratifs, ont permis de constater que les bâtiments dits « verts » obtenaient généralement de meilleures notes en ce qui a trait à la qualité de la ventilation, l'éclairage, le confort global, leur impact sur la santé des occupants et le niveau de productivité perçue par ces derniers.
Néanmoins, il ressort aussi de cette étude que certains édifices supposés performants ont obtenu des notes relativement faibles, parfois largement inférieures à celles attribuées aux bâtiments conventionnels.
Pour expliquer ces contre-performances, les auteurs mentionnent que les évaluations des différents bâtiments sont directement influencées par la nature des aménagements proposés aux occupants (bureaux fermés ou aires ouvertes) ainsi qu'au niveau de contrôle dont ces derniers disposent sur la température, la ventilation et l'éclairage.
Dans le même ordre d'idées, Wagner et al.3, après avoir sondé les occupants de 16 édifices de bureaux en Allemagne, ont déterminé que le niveau de contrôle offert aux occupants et, plus particulièrement, les effets perçus de leurs interventions influencent directement leur satisfaction en ce qui a trait à leur confort thermique.
Barlow et Fiala4 tirent des conclusions similaires en ce qui a trait au lien étroit entre les notions de contrôle et de confort. Les résultats de ces diverses études militent donc en faveur de l'intégration soutenue de stratégies architecturales et mécaniques permettant aux occupants d'interagir avec le bâtiment, d'adapter leur environnement en fonction de leurs préférences ou besoins du moment.
Contrôle et consommation énergétique
Malgré une augmentation de leur satisfaction, offrir un contrôle accru aux occupants n'est pas sans risque. En effet, plus les occupants sont en mesure de contrôler leur environnement, plus l'écart entre la consommation énergétique réelle d'un bâtiment et celle anticipée par simulation au moment de sa conception risque d'augmenter.
À ce sujet, Bordass et al.5 soulignent que de tels écarts ne dépendent pas tant des techniques et des outils de simulation, mais plutôt du fait que les hypothèses formulées en lien avec les comportements des occupants ne sont pas suffisamment représentatives de la réalité. Pour cause, peu de concepteurs ont l'occasion de valider ou de raffiner leurs hypothèses puisque les exercices de monitoring postoccupationnels ne sont pas pratique courante. De par leurs habitudes et leur manière d'habiter les locaux, les occupants ont un impact significatif sur le bilan énergétique d'un bâtiment. Bien que cet impact soit difficilement quantifiable, en faire abstraction constitue une grave erreur.
Consommer en étant informé
Donner le contrôle aux occupants contribue à bonifier leur expérience. Toutefois, afin de limiter les impacts négatifs d'une telle liberté, il est sage de s'assurer que ces derniers soient bien au fait des grands principes gouvernant l'exploitation du bâtiment qui les accueille. Puisque les systèmes mécaniques et les stratégies architecturales tendent à se spécialiser, l'exploitation d'un bâtiment conçu pour offrir des performances énergétiques enviables s'avère souvent complexe, échappant généralement à la compréhension des occupants. En plus de nuire à la performance énergétique, ces situations peuvent éventuellement devenir frustrantes pour les occupants, ceux-ci ayant l'impression d'être mal servis.
En renseignant ces derniers sur les objectifs à atteindre et les dispositifs mis en place pour y arriver, il est fort à parier qu'ils pourront contribuer activement au respect des cibles énergétiques anticipées et ainsi faire partie de la solution.
L’auteur est stagiaire en architecture chez Coarchitecture (anciennement Hudon Julien Associés), bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa et membre d'ECOOP, une coopérative offrant divers services de consultation en science du bâtiment.
2. Leaman, A., Bordass, B. (2007) Are users more tolerant of 'green' buildings?, Building Research and Information, vol. 35, pp. 662-673
3. Wagner, A. et al. (2007) Thermal comfort and workplace occupant satisfaction - Results of field studies in German low energy office buildings, Energy and Buildings, vol. 39, pp. 758-769
4. Barlow, S., Fiala, D. (2007) Occupant comfort in UK offices - How adaptive comfort theories might influence future low energy office refurbishment strategies, Energy and Buildings, vol. 39, pp. 837-846
5. Bordass, B. et al. (2004) Energy Performance of Non-Domestic Buildings: Closing the Credibility Gap, Building Performance Congress, Frankfurt, Germany
Cette chronique est parue dans l’édition du vendredi 25 octobre 2013 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !