6 juin 2017
Par Marie Gagnon

Soulever sans efforts les cadres ajustables des regards et des puisards, c’est le défi relevé avec brio par la Ville de Sherbrooke en mettant au point un cric maison.

La réfection d’asphalte est une tâche laborieuse et exigeante. Entre autres, lorsqu’il s’agit de soulever les cadres ajustables pour compacter l’asphalte au pourtour. Ces manoeuvres, particulièrement périlleuses, ont amené en 2015 des cols bleus de la Ville de Sherbrooke à créer de toutes pièces un cric pour se faciliter la vie.

 

Lorsque l’on colmate une fuite à la suite d’un bris de conduite, il faut nécessairement réhabiliter la portion de chaussée excavée. Au périmètre des regards et des puisards, l’asphalte doit être compacté suivant une certaine pente pour permettre le captage des eaux de ruissellement. Le travail s’organise de la façon suivante : deux travailleurs pellettent l’enrobé bitumineux, tandis qu’un troisième conduit le camion d’asphalte. Arrivé devant un regard ou un puisard, un travailleur en soulève le cadre avec sa pioche pendant que son collègue dépose des pelletées d’asphalte au pourtour et les compacte. Pour chaque lisière, il faut compter entre une heure et deux heures de travail. Une équipe peut répéter cette opération jusqu’à quatre fois dans une journée.

 

Des risques multiples

« On parle de cadres qui pèsent autour de 50 kilogrammes, souligne Mathieu Champoux, coordonnateur en santé et sécurité du travail (SST), au service des Ressources humaines de la Ville de Sherbrooke. À la longue, les travailleurs sont à risque de développer des troubles musculosquelettiques. Si un travailleur échappe le cadre qu’il manoeuvre, il peut aussi bien s’écraser un doigt que se blesser une jambe. »

 

Une solution novatrice

C’est ce labeur astreignant qui a inspiré au camionneur Mario Larivée une solution innovante et peu coûteuse. Assis dans son camion d’asphalte, il observait ses collègues en se demandant quel équipement pourrait bien remplacer la pioche. L’idée d’un cric adapté se précisant, il obtient de ses supérieurs de lui donner forme à l’hiver 2014-2015, entre deux tournées de déneigement. Aidé du machiniste Mario Bibeau, il met au point un outil unique pour soulever les fameux cadres.

 

« C’est quelque chose de très simple et facile à manipuler, commente Patrick Bernard, contremaître à la division Entretien et voirie de la Ville de Sherbrooke. Il s’agit de trois crics indépendants constitués d’une vis surmontée d’une manivelle et montée sur une plaque d’acier. Lorsqu’on tourne la manivelle, la vis descend et la plaque d’acier monte en soulevant le cadre. Il y a même une plaque d’appui pour le pied, pour plus de stabilité. Une fois le travail accompli, on retire les crics et on bouche les trous qu’ils ont laissés. »

 

Des retombées positives

Le gestionnaire note depuis une grande amélioration sur le plan de la santé et de la sécurité du travail au sein de ses troupes. « Les gars se blessent moins souvent, observe-t-il. On voit que les gars sont plus productifs et qu’ils sont moins fatigués à la fin de la journée. Parfois, un pic cassait et le travailleur était projeté sur le dos, tellement le choc était violent. »

 

Cette innovation a par ailleurs valu à la Ville de Sherbrooke d’être couronnée lauréate régionale de la catégorie Innovation, lors de la remise des Grands Prix Santé et sécurité duTravail en Estrie, en mai 2016. La Commission des normes,de l’équité et de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) reconnaissait ainsi la démarche proactive de la division Entretien et voirie afin de prévenir les accidents et de réduire les risques dans le milieu de travail.

 

« On les fabrique toujours à l’interne, au garage municipal, indique Patrick Bernard. Par contre, depuis qu’on a reçu le prix SST, on a eu beaucoup d’appels provenant d’autres municipalités, dont Magog et Beloeil, mais aussi du ministère des Transports. Les gens ont vu la vidéo de démonstration et ils sont très intéressés par nos crics. On est plutôt fiers de notre invention. »