Vieillissement : Urbanisme (1/1)
L’urbanisme est au cœur du plan de développement d’une ville. Pour savoir quoi et comment bâtir, il faut connaître la population et savoir mesurer ses besoins. C’est un peu ce qui crée la synergie entre le capital immobilier et la force humaine. En cette période d’évolution démographique, le vieillissement de la population risque de bouleverser fortement les plans d’urbanisme déjà en place dans nos municipalités. Pour l’industrie de la construction, les enjeux reliés à cette problématique sont grands. À quels genres de grands travaux peuvent s’attendre les travailleurs au cours des prochaines années ?
Pour bien cerner l’influence qu’apporte le vieillissement sur une population, il faut comprendre les enjeux qui en découlent. Et pour les comprendre, il faut d’abord bien saisir les conséquences directes du phénomène. Pour Claude Beaulac, urbaniste et directeur général de l’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ), elles sont claires. « Le vieillissement de la population entraîne des changements dans les comportements, les besoins et les modes de consommation qui sont liés aux cycles de vie des gens, et ce, peu importe leur âge », soutient l’urbaniste.
Nouveaux besoins urbains
Ce sont ces changements fondamentaux qui détermineront le visage de nos villes en façonnant le nouveau paysage urbain. Concrètement, M. Beaulac note plusieurs faits à anticiper. La nouvelle production de logements mettra l’accent sur les copropriétés, les résidences pour personnes âgées et les bâtiments multifamiliaux. Effectivement, plus de 50 % des nouvelles unités sont aujourd’hui construites dans des bâtiments multifamiliaux, contrairement aux décennies antérieures où la maison unifamiliale était dominante avec 65 % des constructions.
La diminution du nombre d’enfants entraînera la fermeture de certaines écoles en ville et en banlieue. De plus, le transport scolaire en autobus fera en sorte que les enfants ne vivront plus selon la proximité de leur voisinage. La structure des déplacements en voiture changera. Selon toutes proportions gardées, il y aura plus de déplacements pour les loisirs et la santé. On assistera donc à un phénomène de déplacements dans le temps et l’espace.
Avec plus de personnes vieillissantes, donc plus vulnérables, la qualité des espaces publics deviendra essentielle en termes de sécurité et d’accessibilité. Les banlieues, conçues au départ pour des jeunes familles, ne seront plus adaptées aux besoins des ménages composés de bébé-boumeurs avançant en âge.
Et à la campagne
Pour le milieu rural, une population qui prend de l’âge amène des contraintes inquiétantes, selon M. Beaulac. « La dévitalisation des milieux ruraux est un fait inquiétant quant à leur pérennité. L’exode des jeunes épuisera les régions de leur force régénératrice. »
Cependant, certaines régions pourront profiter du phénomène parce que plusieurs bébé-boumeurs migreront vers la campagne pour leur retraite. Mais il s’agit ici d’un couteau à double tranchant pour les régions puisque selon le directeur général de l’OUQ, « cela créera un changement à la hausse sur les valeurs des maisons et découragera les résidents qui verront leurs taxes augmenter mais pas leurs revenus ». La création de nouveaux services dans les petites municipalités ne reflétera donc pas les besoins globaux des habitants.
Saisir les opportunités, faire face au défi
Le vieillissement des Québécois nous forçant à revoir l’urbanisme, des opportunités peuvent être saisies pour développer nos villes. Les nouvelles formes d’habitations plus denses et près des services nous porteront à « repenser la qualité des espaces publics – les rues, parcs, places, milieux naturels. Ils seront de plus en plus associés aux projets urbains et aux projets résidentiels ». De plus, le mobilier urbain sera « mieux adapté aux personnes souffrant de handicaps physiques et mentaux, donc plus sécuritaires, plus accessibles et plus conviviaux ».
Finalement, une des opportunités les plus importantes à saisir, selon l’urbaniste, repose sur les modes de transport des Québécois. « L’auto demeurera dominante mais la diversification des options de transport et l’adaptation des réseaux routiers deviennent des enjeux importants. La cohabitation des modes de déplacement (bicyclette, marche, chaise roulante, automobile, autobus) dans les rues et espaces publics constituera le défi que nous aurons à relever. »
Lorsqu’on demande à M. Beaulac quel est le plus grand défi à relever pour les urbanistes de demain, il répond que ce sera de « planifier l’aménagement du territoire de façon durable, c’est-à-dire selon le développement structuré du territoire, en tenant compte de la rareté de l’espace disponible à des fins d’urbanisation, tout en favorisant la consolidation des zones urbaines existantes, la revitalisation des centres-villes et des secteurs anciens ». Il ajoute qu’il faudra également « viser l’aménagement de milieux de vie diversifiés tant sur le plan du bâtiment que de la vie sociale, une plus grande densité et un aménagement compact à l’échelle humaine facilitant la mixité et l’équité sociales, et ce, à proximité des services répondant à des besoins courants ».
Une industrie qui sait s’adapter
Au bout du compte, tout est une question d’adaptation, même pour l’industrie de la construction. M. Beaulac l’a bien résumé : « L’industrie de la construction est toujours à l’affût des besoins des clientèles. À ce titre, elle a une forte capacité d’adaptation. Je ne suis donc pas inquiet mais elle devra fonctionner dans le cadre d’un marché très compétitif où la croissance est faible et où la diversification des clientèles s’accroît de plus en plus. »
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Un Québec grisonnant (Portrait de la situation 1/1)
Portrait d’une industrie en transformation (Industrie de la construction 1/2)
L’industrie de la construction en action face au vieillissement (Industrie de la construction 2/2)
Former nos villes pour l’avenir (Urbanisme 1/1)
Une communauté en mouvance (Développement résidentiel 1/3)
Résidences pour retraités – Demain, c’est loin ? (Développement résidentiel 2/3)
Habitations mixtes – Une sagesse à partager (Développement résidentiel 3/3)