Les chaussées en béton de ciment sont à la fois durables et rentables. Et elles sont appelées à devenir de plus en plus écologiques.
ParMarie Gagnon
C’est vers le milieu des années 1990 que le ministère des Transports du Québec (MTQ) commence à s’intéresser de plus près aux chaussées de béton. Sa motivation : limiter les interventions sur le réseau autoroutier de la grande région métropolitaine et diminuer les inconvénients liés à ces interventions pour les usagers du réseau. Les autoroutes des couronnes nord et sud, jusque-là asphaltées, ont ainsi graduellement fait place au béton dans la structure de leur chaussée.
Plus tard, en 2001, le MTQ adopte une orientation ministérielle sur le choix des types de chaussées. Cette orientation se veut un outil d’aide à la décision visant à déterminer le meilleur investissement sous la loupe d’une analyse du cycle de vie sur 50 ans. Elle est par la suite actualisée en 2009, à la lumière de nouvelles connaissances environnementales et de nouvelles données relatives au coût des composants des chaussées et à leur exploitation.
« Cette orientation subdivise le réseau routier existant en secteurs réservés aux chaussées de béton et à celles en enrobé bitumineux, commente Guillaume Lemieux, vice-président de l’Association canadienne du ciment (ACC). Elle établit en outre des directives pour la réhabilitation des chaussées existantes ainsi que pour la construction de nouvelles chaussées, en fonction de leur envergure et du volume anticipé de trafic lourd dans les années suivant leur construction. »
Il précise que des considérations économiques ont également joué en faveur d’un usage accru du béton au Québec. Entre autres, des coûts initiaux moindres. L’industrie de la construction routière compte en effet aujourd’hui trois grands joueurs dans le créneau des routes bétonnées, ce qui favorise une saine concurrence dans ce marché. Par ailleurs, au cours des 20 dernières années, le prix du brut a fortement augmenté et cette tendance haussière s’est reflétée sur le coût du bitume, rendant de ce fait les enrobés bitumineux moins abordables.
Haute performance
Mais les critères économiques ne sont pas les seuls en cause, prévient Guillaume Lemieux. « Dans toutes les universités québécoises, des recherches sont en cours pour améliorer la qualité des ouvrages en béton et en prolonger la durée de vie utile, signale-t-il. Ces recherches visent entre autres à faire échec aux phénomènes responsables de leur dégradation, comme les sels de déglaçage. »
À l’Université de Sherbrooke, par exemple, les chercheurs du département de génie civil travaillent notamment à améliorer la fluidité du matériau en développant des bétons autoplaçants, qui facilitent le comblement des vides dans le matériau. Ces avancées se reflètent aujourd’hui dans l’esprit des codes et ont également conduit à l’élaboration de devis de performance pour chaque classe d’exposition.
De son côté, le ciment portland au calcaire (CPC) représente une innovation importante en matière de performance, mais aussi d’efficacité environnementale. Ce ciment s’obtient par l’ajout d’une proportion de 6 à 15 % de pierre calcaire au clinker de ciment portland à l’étape du broyage. Le béton ainsi obtenu procure des performances comparables à celles du béton ordinaire en termes de résistance, de temps de prise et de durabilité. Cependant, sa fabrication génère moins de gaz à effet de serre (GES) que le béton de ciment portland : l’ajout de calcaire réduit en effet jusqu’à 10 % les émissions de CO2.
Par ailleurs, le CPC figure depuis 2010 dans les normes canadiennes (CSA A 3000 – Compendium des matériaux liants et CSA A 23.1 – Béton : Constituants et exécution des travaux). Son utilisation est également permise par le Code national du bâtiment du Canada (CNB). « Depuis 2014, le MTQ accepte le ciment GUL, un ciment contenant 15 % de calcaire, dans la construction des infrastructures routières », signale au passage le porte-parole de l’ACC.
Rendement environnemental
D’autres avantages environnementaux propres au béton devraient favoriser son usage accru au cours des années à venir. Comme sa réflectance intrinsèque, un atout dans la gestion de l’effet d’îlot de chaleur en milieu urbain. « Cela devrait faire partie des bonnes pratiques de la profession, note Guillaume Lemieux, qui est aussi ingénieur. Il faut avoir une vision d’ensemble au moment de la conception. Un ouvrage d’art, une route, ce ne sont pas des amas de matériaux, ils ont d’abord une fonction. »
Il en donne pour exemple la mise au point de bétons et de pavés de béton aux propriétés drainantes. Ces produits, surtout destinés aux stationnements et aux cours de camionnage, sont en effet des alliés de premier plan dans la gestion des eaux de ruissellement. En faisant office de bassins de rétention, ils réduisent en effet la pression sur l’infrastructure municipale.
« Dans les années à venir, on devrait voir apparaître sur le marché des bétons de plus en plus écologiques, notamment avec la mise au point de ciments qui émettent encore moins de gaz à effet de serre, prédit Guillaume Lemieux. Cela peut sembler surréaliste, mais à l’Université de Sherbrooke, les chercheurs travaillent présentement sur des bactéries capables de réparer les fissures dans le béton [Voir l’article: Le béton à l’ère de la biocicatrisation} et sur des bétons capables de capter le smog. »
Béton armé continu (BAC) : les revêtements en BAC sont caractérisés par la présence de barres d’armature transversales et longitudinales continues dans le béton et par l’absence de joints transversaux. Ces caractéristiques confèrent à la chaussée une très grande durabilité. Au Québec, on les retrouve sur l’autoroute Métropolitaine, où ils réduisent les interventions de réhabilitation.
Béton compacté au rouleau (BCR) : le BCR est un mélange de béton sans affaissement et mis en place au moyen d’un rouleau compacteur. Sa capacité portante et sa résistance à la déformation permettent de le soumettre aux sollicitations d’un trafic lourd. Son usage est particulièrement indiqué pour les cours de camionnage, les installations portuaires et aéroportuaires.
Béton à dalle courte : les chaussées de béton à dalle courte se composent de dalles d’environ 4 à 5 mètres de longueur reliées entre elles au moyen de goujons qui assurent le transfert des efforts d’une dalle à l’autre. Elles peuvent être préfabriquées ou coulées en place. Il s’agit du type de chaussée prescrit par le MTQ pour la plupart des autoroutes ceinturant Montréal et Québec.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2014. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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