La reconstruction du pont Dominion, à Lévis, aura donné lieu à la mise en place de la plus longue structure à béquilles au Québec.
Par Michel De Smet
Construit en 1951, le pont Dominion, situé sur la route 132 à Lévis, enjambe la rivière Chaudière à moins d’un kilomètre du pont de Québec. En janvier 2008, face à l’augmentation constante du trafic et la congestion qu’elle créait, le ministère des Transports du Québec (MTQ) invitait neuf firmes de génie-conseil à lui soumettre des propositions pour compléter les études préliminaires portant sur la reconstruction de cette structure, ainsi que pour préparer un avant-projet et les plans et devis.
Le mandat fut attribué au consortium SNC-Lavalin / CIMA+, qui a soumis pas moins de sept solutions possibles, analysées et comparées du point de vue technique et économique. « D’emblée, nous avons écarté la possibilité de rénover la structure existante et de l’élargir. Cela aurait nécessité de coûteux travaux de réhabilitation et d’agrandissement puisque le ministère exigeait la construction d’un pont à quatre voies de circulation, en plus d’une piste cyclable et d’une voie réservée pour les transports publics », explique André Caron, directeur – Infrastructures et ouvrages d’art au bureau de Québec de SNC-Lavalin.
Le MTQ a par la suite opté pour la formule privilégiée par le consortium et lui a octroyé le contrat de la construction d’un pont à béquilles en acier constitué de trois travées continues respectivement de 71, 90 et 71 mètres, soit une longueur totale de 232 mètres. Ce dernier compte six mètres de moins que le pont Dominion d’origine, mais il représente toutefois le pont à béquilles le plus long au Québec. À noter que celui-ci, en raison de l’addition d’une voie cyclable et de trottoirs, compte 22 mètres de largeur, soit pratiquement le double du tablier de l’ancienne structure.
Il est à noter que le MTQ n’a pas choisi le projet présentant la soumission la plus basse, mais plutôt celle qui offrait la meilleure protection pour l’environnement aquatique. Une solution pour laquelle les coûts d’entretien à moyen et long termes apparaissaient en outre particulièrement modérés.
« Le type de pont sélectionné présente plusieurs avantages, indique André Caron. Les béquilles sont inclinées de manière à venir s’ancrer dans l’escarpement de la vallée, ce qui diminue la portée centrale et limite les interventions en milieu aquatique. Aucun élément de la structure ne se retrouve donc dans le cours de l’eau, de sorte que la protection du milieu hydrique est maximale. »
Par ailleurs, les ingénieurs ont dû prêter une grande attention au facteur vent, particulièrement présent sur le site, et aux vibrations (instabilités aérolastiques) qui pouvaient en découler. Les nombreux tests ont dans ce cas démontré que ces instabilités n’étaient pas susceptibles de se produire durant la phase des travaux comme pendant la durée de vie prévue pour le nouveau pont, soit 75 ans.
Un échéancier complexe
Un défi majeur s’est posé dès le début de la construction du pont en juillet 2009, à savoir trouver une solution pour que la circulation automobile puisse s’effectuer pendant toute la durée des travaux. Pour ce faire, les ingénieurs ont décidé de diviser le chantier en trois étapes. « Nous avons procédé d’une manière inhabituelle, souligne André Caron. Une première phase qui a duré un an, de juillet 2009 à juillet 2010, nous a permis de construire une première moitié de pont et de l’ouvrir à la circulation. L’étape suivante, qui s’est déroulée entre septembre 2010 et mai 2011, aura permis de démolir le pont existant et d’achever la seconde moitié de la nouvelle structure, puis de l’ouvrir au trafic routier. »
Une mauvaise surprise attendait toutefois les professionnels du consortium qui, à la fin de la première phase des travaux, pouvaient se féliciter d’être en avance de deux mois sur leur échéancier. C’est que malgré de nombreux tests préalables effectués pour mesurer la résistance du sol, un imprévu s’est soudain manifesté : une faille a été observée dans le socle rocheux de la falaise sud, à proximité immédiate de la fondation d’une des béquilles qui aurait eu pour effet de fragiliser la stabilité de la structure. Il a donc fallu entreprendre des travaux supplémentaires d’écaillage et d’ancrage afin de solidifier le massif rocheux, ce qui a finalement eu pour impact de retarder très légèrement la fin des travaux relativement à l’échéancier planifié.
Le recours à des méthodes de travail audacieuses, le maintien de la circulation tout au long des travaux qui furent de longue durée, de même que la solution innovatrice d’un pont à béquilles proposée, ont valu au consortium SNC-Lavalin / CIMA + de se classer parmi les finalistes dans la catégorie Infrastructures de transport aux Grands Prix du génie-conseil québécois 2012 de l’Association des ingénieurs-conseils du Québec.
Architecture : Lemay Associés
Étude géotechnique : Inspec-Sol
Analyse d’instabilité aérolastique : RWDI
Construction : EBC
Fourniture de la structure d’acier : Structal-ponts (division de Groupe Canam)
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2012. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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