19 mars 2012
Par Benoit Poirier

Dans un proche avenir, le ciment Contempra devrait avoir remplacé le ciment portland régulier, tant dans le secteur des routes que dans celui du bâtiment.

 

À un coût équivalent et doté des mêmes qualités, notamment au niveau de la malléabilité, de la résistance et de la durabilité, le nouveau ciment Contempra est moins énergivore et permet de réduire d’au moins 10 % les émissions de CO2.

 

« Il y a quasiment seulement des avantages », affirme l’ingénieur en matériaux Guillaume Lemieux, directeur, marchés et affaires techniques, région Québec et Atlantique, de l’Association canadienne du ciment (ACC).

 

« En fait, poursuit-il, ce que nos cimentiers ont fait, c’est une optimisation de leurs procédés. Ce qu’on envoie au broyage final est un peu plus grossier, mais on le broie un peu plus longtemps.

 

« Ainsi, le temps requis pour la confection de ce ciment est sensiblement le même, les étapes qui s’ajoutent au processus étant compensées par une réduction du temps de cuisson », indique Guillaume Lemieux.

 

De plus, l’industrie affirme avoir réduit les émissions de gaz à effet de serre (GES) que génère le chauffage des fours, les cimentiers ayant de plus en plus en partie recours à des combustibles alternatifs comme la biomasse. Elle prévoit que cette réduction aura atteint 11 % entre 1990 et 2015.

 

Calcul calcaire

Comme l’explique l’ACC, le ciment portland ordinaire peut contenir jusqu'à 5% de calcaire. Dans le cas du ciment Contempra — que l’on nomme également ciment portland au calcaire — cette proportion peut être accrue jusqu’à 15 % lors du broyage final.

 

Cela permet de diminuer d’autant la portion de clinker, l'ingrédient principal du ciment. Il s'agit de l'élément clé, souligne l’Association, puisque le ciment représente habituellement 11 % d'un mélange de béton, mais compte pour plus de 80 % des besoins en énergie pour la production dudit béton.

 

« Ce qui est important de comprendre, précise Guillaume Lemieux, c’est que lorsqu’on fait du ciment, on chauffe une pierre à une température très élevée pour produire le clinker. Quand on chauffe cette pierre-là, il y a émission de CO2. Quand on fait le Contempra, en fait on diminue le pourcentage de clinker dans le ciment. Le ciment, en bout de ligne, c’est du clinker et du gypse. Sauf que, là, on ajoute également du calcaire, ce qui fait qu’on est capable de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. »

 

Pourquoi maintenant ?

Cette technologie pourtant éprouvée existe depuis de nombreuses années en Europe. La rigueur de notre climat expliquerait les réticences à l’adopter ici. En partie.

 

« La nature humaine fait que, souvent, ça prend une contrainte pour nous forcer à changer. On aime mieux rester dans nos zones de confort », commente Guillaume Lemieux.

 

Ce ciment moins énergivore serait-il le fruit de l’actuel courant d’air du temps qui pousse l’industrie à adopter des façons de faire plus respectueuses de l’environnement ?

 

« Oui, c’est sûr, répond-il. Mais également, je vous dirais qu’avec l’arrivée d’une prochaine Bourse du carbone au Québec et certainement des taxes au niveau des émissions de carbone, ça force un peu l’industrie à innover, à regarder les possibilités de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. »

 

Pas coulé dans le béton

Cette technologie évoluée — qui contribue à l’instauration de pratiques durables, bien qu’elle fasse appel à des composantes non renouvelables comme la pierre et l’eau en plus des GES liés à son transport — est-elle susceptible d’être améliorée, d’aller encore plus loin ?

 

« Oui, affirme-t-il. Actuellement, le standard canadien permet jusqu’à 15 %. Il y a des essais qui sont faits justement avec 15 % de calcaire. Présentement, au Canada, au Québec, quand on parle de ciment portland au calcaire, ça varie de 10 à 15 %. En Europe, ils se rendent même jusqu’à au moins 30 %. Même à des valeurs plus élevées. Sauf qu’on veut être sûr que le produit, une fois implanté, fonctionne bien pour ne pas être aux prises avec des problèmes de durabilité. »

 

Pour qui ? Pour quoi ?

« En fait, ça s’adresse pratiquement à monsieur et madame Tout-le-monde, pour des applications de tous les jours », soutient Guillaume Lemieux.

 

Ciment Contempra Musée Lille

 

Éventail d’utilisations aussi étendu que pour le ciment ordinaire, donc. Un avenir s’annonçant d’autant plus rose que le MTQ, par exemple, doit, à l’instar des autres ministères québécois, contribuer à l’atteinte des objectifs que s’est donnés Québec au niveau du développement durable.

 

« Présentement, pour des bâtiments, c’a déjà été utilisé, précise-t-il. Pour des routes, une planche d’essai a été réalisée en septembre dernier, sur l’autoroute 40, à L’Assomption. Les résultats sont excellents, autant au niveau de la durabilité qu’au niveau de la maniabilité. Tout le monde est très content. Il y a eu un monitoring. Il y a toujours un monitoring de la part de l’industriel, d’un laboratoire indépendant et du ministère des Transports. À ce jour, tout le monde est unanime pour dire que cette planche d’essai-là est un succès et qu’ils vont aller de l’avant. »

 

Un seul hic

Le transfert vers ce nouveau ciment devrait être chose faite d’ici quelques années. Tout dépendra de la teneur des normes et du temps requis pour les adopter.

 

Si le ciment portland au calcaire est maintenant autorisé, un élément freine quelque peu son utilisation élargie : les sulfates. Des tests sont encore requis. « Au Québec, souligne toutefois Guillaume Lemieux, les sols contiennent très peu de sulfates, contrairement à l’Ouest canadien.

 

« Pour eux, c’est beaucoup plus un gros combat que pour nous. Pour nous, c’est pratiquement plus au niveau de la durabilité, au niveau de la résistance aux chlorures, puisqu’on utilise une quantité astronomique de sels de déglaçage. Donc on veut être sûr que ça résiste bien. C’est le seul obstacle que l’on a. Mais on est très confiant », conclut Guillaume Lemieux.

 

En savoir plus :

 

Communiqué de presse de l’Association canadienne du ciment (ACC), lors du lancement du ciment Contempra.

 

Présentation du ciment Contempra par l’ACC, dans le cadre de la journée de sensibilisation à l’industrie du ciment.

 

« Un nouveau béton moins énergivore… Comment ? » - article tiré du blogue de Francis Pronovost sur le site voirvert.ca)