SSQ Immobilier a doté le complexe immobilier de la Cité Verte, à Québec, d’un réseau de chauffage urbain. Cinq ans après sa mise en service, le système tient ses promesses et le promoteur continue d’innover en matière d’efficacité énergétique.
Située en plein coeur de la Ville de Québec, la Cité Verte est un développement immobilier mixte érigé sur le site d’une ancienne communauté religieuse. Composé de bâtiments neufs et rénovés, il comptera à terme 800 unités de logement et 6 500 mètres carrés d’espaces commerciaux, tous reliés à une centrale thermique de 5 MW par des canalisations souterraines.
SSQ Immobilier s’est engagé, lors de la conception, à assurer les besoins en chauffage du secteur à l’aide d’une source d’énergie alternative, renouvelable et carboneutre. Conseillé par la firme PolyÉnergie, le promoteur a opté pour le chauffage urbain, un système de chauffage centralisé qui dessert plusieurs bâtiments.
« On voulait faire la promotion de nouvelles façons de faire qui donnent beaucoup de flexibilité à long terme », explique Claude Routhier, président de Poly-Énergie. L’avantage du réseau de chaleur est qu’il peut mobiliser l’énergie provenant de différentes sources, combinées et substituées au besoin, selon les prix, la disponibilité ou les impératifs environnementaux. « Nous avons évalué en profondeur les enjeux liés à chaque source d’énergie avant d’opter pour la biomasse », ajoute Claude Routhier.
Chauffage collectif, combustible local
L’originalité du projet de la Cité Verte réside dans la combinaison des composantes du système. Dans la centrale, quatre chaudières de 1 250 kilowatts installées en cascade brûlent des granules de bois, un sous-produit de l’exploitation forestière. Un choix qui présente plusieurs avantages selon le président de Poly-Energie. « Les granules sont plus chères, mais plus fiables que les copeaux. Leur combustion génère aussi moins d’émissions, ce qui contribue à l’atteinte de nos cibles environnementales. »
À terme, 3 000 tonnes de granules par an seront nécessaires pour fournir des besoins thermiques de 10 millions de kilowattheures. La matière, provenant d’un fournisseur du Lac-Saint-Jean, est stockée dans un silo agricole de 21 m de haut, bien visible sur le site.
La centrale thermique a été réalisée au coût de 7,5 millions de dollars et le projet a reçu l’appui financier d’Hydro-Québec ainsi que du Fonds de l’énergie propre de Ressources naturelles Canada. Ce soutien a notamment permis de choisir des appareils et technologies de grande qualité.
Le système a été élaboré en conception intégrée avec l’opérateur, l’entrepreneur et le manufacturier des équipements. « Les plans et devis ont été faits de manière très rigoureuse et nous avons procédé à une mise en service avancée, se souvient Claude Routhier. Une fois en marche, moins de problématiques ont surgi sur ce projet que sur bien des projets standards. » Aucune modification significative n’a été faite depuis la mise en route et aucune composante de la chaufferie n’a été remplacée.
Sur le réseau, 21 sous-stations assurent le transfert de chaleur, au moyen d’échangeurs à plaques, entre la boucle d’eau principale de 2,2 km et les boucles secondaires circulant dans chaque bâtiment. La chaleur est distribuée dans les commerces et les habitations par les planchers radiants et radiateurs basse température.
Traditionnellement, la faiblesse du chauffage urbain est la perte de chaleur dissipée dans le sol par les canalisations. Les concepteurs ont donc opté pour l’installation des tuyaux d’alimentation et de retour côte à côte, dans une même enveloppe calorifugée. Dans le circuit, même les valves sont équipées de gaines isolantes moulées sur mesure et amovibles au besoin. Les pertes du réseau anticipées à la fin du projet sont de 3,2 %.
Une demande insuffisante
Pour l’heure, le système demeure sous-utilisé puisque seulement 132 unités de logement sont complétées. Les pertes de chaleur sont donc réparties sur la portion déjà bâtie qui constitue une fraction du volume planifié. Toutefois, les projections actuelles permettent d’anticiper un rendement énergétique de 93 % une fois le projet achevé.
Au chapitre de l’entretien, un employé de SSQ est dédié au site de la Cité Verte. Il effectue les vérifications, et agit comme personne-ressource pour les occupants. Afin d’assurer la redondance et la continuité en cas d’interruption soudaine, la chaufferie est équipée d’une chaudière au gaz naturel d’une puissance de 5,2 MW amplement capable de pallier de manière ponctuelle et prolongée une éventuelle défaillance du système principal.
Cette chaudière d’appoint au gaz naturel est d’ailleurs sollicitée chaque été depuis la construction de la Cité Verte. En effet, la demande en chaleur pendant la période estivale est tellement basse qu’elle occasionnerait une utilisation intermittente des appareils fonctionnant à la biomasse, au risque de compromettre leur durée de vie. C’est pour cette raison qu’on a opté pour le gaz naturel comme solution. La chaudière d’appoint au gaz en fonction pendant la majeure partie de la période estivale permet, entre autres, d’assurer la production d’eau chaude domestique et démontre la pertinence d’un système flexible.
Claude Routhier estime que l’arrivée du gestionnaire immobilier Cromwell Management sur le site et l’occupation en juillet 2017 de sa tour de 10 étages, qui compte 110 appartements locatifs, augmentera suffisamment les charges de base pour faire fonctionner les chaudières à la biomasse pendant toute l’année.
Vision à long terme
« Les promoteurs doivent être patients pour réaliser des projets de démonstration, dit l’ingénieur. Ça prend du temps avant d’avoir des revenus qui correspondent à l’investissement. » Le choix d’un réseau de chaleur urbain a donc été fait dans une perspective à long terme. La durée de vie utile de la centrale est évaluée à 40 ans, et celle du réseau à 60 ans. Impossibles à installer après coup, les composantes sont faciles à remplacer le temps venu, ce qui confère au réseau une durabilité et une flexibilité incomparables.
Sur le plan de la consommation, l’objectif de 30 % d’économie d’énergie par rapport aux édifices comparables bâtis selon le Code modèle national de l’énergie pour lesbâtiments est atteint. Les données de consommation des immeubles construits à ce jour ont été compilées et les observations correspondent de très près aux simulations réalisées lors de la conception.
La provision d’énergie aux résidents de la Cité Verte est basée sur le tarif D d’Hydro-Québec et l’entente est renouvelable tous les trois ans. Dans chaque unité d’habitation se trouve un module de contrôle permettant aux usagers de régler la température de consigne, mais également de visualiser leur utilisation d’énergie. Ainsi, lorsqu’une opération de maintenance a eu pour effet d’indiquer une consommation erronée sur le moniteur pendant quelques minutes, l’erreur n’est pas passée inaperçue. « Les occupants se sont tout de suite manifestés pour signaler l’erreur. Ça réagit fort ! » s’amuse Claude Routhier, soulignant au passage que l’accès à ces données conduit les usagers à une consommation plus responsable.
C’est l’intégration des fonctions de production, de distribution, de mesurage et de contrôle qui fait la performance et l’élégance du réseau de chaleur de la Cité Verte. Bien sûr, l’installation d’un système central à la biomasse peut sembler complexe et coûteuse lorsque comparée à l’option du chauffage électrique individuel. Mais, pour peu que l’on considère la durée de vie du réseau et les enjeux énergétiques, l’entreprise paraît tout à coup beaucoup plus avantageuse.
L’énergie produite à la Cité Verte est acheminée vers des bâtiments 30 % moins énergivores que ceux bâtis selon le Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments. Avec le bloc K, l’Office municipal d’habitation de Québec rehausse la barre avec la construction d’un immeuble d’appartements à loyer modique visant l’atteinte des exigences de la norme européenne Passivhaus, soit une consommation maximale de 15 kWh/m2/année pour le chauffage, la ventilation ou la climatisation.
Mieux, la moitié du bâtiment est érigée avec une ossature légère traditionnelle et l’autre avec une structure en bois lamellé-croisé, afin de réaliser une étude comparative de la performance de deux systèmes constructifs. On sait déjà que la portion en lamellé-croisé a coûté plus cher et pris plus de temps à monter, mais elle s’est révélée plus étanche et meilleure sur le plan acoustique. Les résultats sont toujours attendus pour la consommation d’énergie réelle des bâtiments jumeaux.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2016. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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