La restructuration permet à une entreprise d’établir de nouvelles bases sur lesquelles asseoir sa croissance. L’exemple de VCC Entrepreneur Général.
Les entreprises sont des structures mouvantes qui doivent constamment s’adapter à leur marché pour maintenir leur compétitivité. Voilà pourquoi il est parfois nécessaire de prendre un peu de recul pour évaluer sa stratégie d’affaires, sa structure organisationnelle et ses performances passées. Le but de la démarche est d’éliminer les dysfonctionnements et de mettre en place les nouvelles fondations qui permettront à son entreprise de préserver son avance ou, tout simplement, de prendre un nouveau départ.
VCC Entrepreneur Général, une entreprise active dans le Nord-du-Québec qui oeuvre depuis 25 ans dans le secteur du bâtiment, n’a pas hésité à passer en revue ses façons de faire, quitte à voir régresser son chiffre d’affaires. L’entreprise, dont la Corporation de développement Tawich est l’actionnaire majoritaire, a en effet vu ses recettes, qui s’élevaient à 40 millions de dollars en 2012, chuter graduellement à 30,9 millions en 2015, avant de remonter à 36 millions en 2016.
Marquer une pause
« Depuis plusieurs années, on voyait que nos profits fluctuaient beaucoup, confie son vice-président aux opérations, Patrice Beaumelle, qui fait également partie de l’actionnariat. Tantôt, on faisait de l’argent sur un projet, tantôt, on en perdait. En 2012, on a donc entamé une réflexion afin de restructurer l’entreprise et de recentrer nos activités. On a établi de nouvelles orientations en plus de revoir nos processus administratifs et de gestion de projet.
« Il y a eu aussi plusieurs coupes dans le personnel et l’embauche d’employés plus qualifiés, ajoute-t-il. On vise la croissance, c’est sûr, mais on ne veut pas qu’elle soit trop rapide, car il y a toujours un risque de perdre le contrôle. » Et tout indique que la nouvelle formule profite à VCC Entrepreneur Général. L’entreprise, qui anticipait des revenus d’exploitation de 39 millions en 2017, déclarera vraisemblablement des recettes de 45 millions au terme du présent exercice financier.
Cette hausse substantielle, Patrice Beaumelle l’explique avant tout par la diversification de leurs activités. Depuis ses tout premiers débuts, VCC Entrepreneur Général s’est en effet engagée à se construire une solide réputation dans le marché du bâtiment – résidentiel, commercial, institutionnel – et dans l’industriel minier. L’entreprise a notamment travaillé à l’établissement de la mine d’or Éléonore de la société Goldcorp, en territoire Wemindji. Elle y a entre autres construit les bâtiments des concasseurs primaire et secondaire, ainsi que le complexe d’hébergement permanent.
Réussir son virage
Mais l’année 2017 marque un tournant décisif dans sa trajectoire. Pour la première fois de son histoire, VCC se hasarde dans le secteur du génie civil : « On a recruté un ingénieur civil et constitué une équipe de soutien pour le seconder, indique le gestionnaire. On est allé chercher quatre contrats majeurs. » Le premier fut en partenariat avec la communauté de Nemaska, et ce, par le biais de la société Vieux-Poste Construction, dont VCC est actionnaire minoritaire. Il se traduit par le prolongement des services publics du secteur industriel (2,9 M$) et la construction d’un écocentre (1 M$).
Vint ensuite le contrat à Wemindji, où VCC Entrepreneur Général a également effectué le prolongement des services publics, un marché qui lui a rapporté trois millions de dollars, et celui à Eastmain, où elle a réalisé des travaux civils totalisant 500 000 dollars pour l’aménagement de parcs et de terrains de baseball, ainsi que des travaux de réfection routière. À eux seuls, ces projets ont permis d’inscrire des revenus supplémentaires de six millions à l’exercice financier qui s’achève.
« En ajoutant une corde de plus à notre arc, on voulait être plus polyvalents, mais aussi moins vulnérables aux fluctuations économiques, commente Patrice Beaumelle. Si le marché du bâtiment se met à aller moins bien, on peut compter sur les travaux civils, et vice-versa, pour compenser les baisses d’activité et maintenir notre croissance. Notre nouvelle stratégie d’affaires prévoit aussi l’élargissement de notre territoire. Jusqu’ici, on était surtout actifs en territoire cri. Notre siège social est à Wemindji et notre centre administratif à Val-d’Or.
« C’est d’ailleurs dans cette optique qu’on a formé un partenariat avec le conseil de bande de Whapmagoostui, la seule communauté crie du Nunavik, via Minheku Construction, signale-t-il. Grâce à cette association, on peut maintenant faire des projets au Nunavik, comme la caserne de Whapmagoostui, un projet de 4,8 millions réalisé de 2015 à 2016. Et d’ici cinq ans, on prévoit aussi accroître notre présence dans le sud du Québec. On construit présentement à Val-d’Or un hôtel de 80 chambres d’une valeur de 11 millions. Mais on veut descendre plus au sud encore. »
Surmonter les contraintes
Pour soutenir ses ambitions, Patrice Beaumelle a cependant besoin de bras, admettant du même souffle connaître des difficultés de recrutement. VCC Entrepreneur Général, qui compte dans ses rangs autour de 25 employés administratifs, emploie en haute saison entre 100 et 250 salariés. L’entreprise a d’ailleurs déclaré 76 644 heures travaillées l’an dernier. Mais comme la majorité des projets se déroulent en Jamésie, l’éloignement et les rigueurs du climat pèsent lourdement dans la balance au moment de l’embauche, même pour les personnes vivant aux environs de Val-d’Or.
C’est sans compter les horaires atypiques, où l’on alterne 28 jours de travail et 10 jours de congé. Pour compenser ces conditions un peu particulières et attirer des joueurs qualifiés, sinon les retenir, VCC Entrepreneur Général offre beaucoup de flexibilité quant à l’aménagement du temps de travail. « Moi, j’habite à Montréal et je travaille de mon domicile la plupart du temps, illustre-t-il. Je ne vais à Val-d’Or qu’aux deux ou trois semaines.
« Aujourd’hui, avec les technologies de l’information, on peut travailler de n’importe où, fait-il valoir. Les gens peuvent ainsi concilier travail et vie familiale, ce qui leur fait apprécier encore plus leur travail. On tient quand même à ce qu’ils viennent régulièrement au bureau, question de souder les relations. On mise aussi beaucoup sur la communication à l’interne et cela rapporte. Si un problème survient, tout le monde arrive à la rescousse. On a développé un bel esprit d’équipe. »
Préserver son avance
Patrice Beaumelle croit par ailleurs que cette restructuration permettra à VCC Entrepreneur Général de faire face à la concurrence, qu’il qualifie de plus en plus féroce. Il constate en effet que d’importants entrepreneurs, jusque-là absents du paysage, commencent à s’intéresser aux projets publics annoncés en région.
Si bien que l’entreprise se retrouve parfois en compétition avec toute la province. « Avec notre centre administratif à Val-d’Or et notre siège social à Wemindji, on a quand même une longueur d’avance, souligne-t-il.
« Parce que l’éloignement, ça coûte cher. On doit déplacer des travailleurs, transporter la machinerie, les matériaux. Par exemple, pour se rendre à Whapmagoostui, il n’y a aucune route. Tout le transport se fait par bateau ou par avion, et les coûts sont exorbitants. Pour travailler sur le territoire de cette communauté, il faut compter presque le double par rapport aux autres communautés. Ce ne sont pas tous les entrepreneurs qui ont cette capacité. »
Dans la foulée de sa restructuration administrative et du recentrage de ses activités, VCC Entrepreneur Général a complètement revu son image. Nouveau logo, refonte du site internet, nouveaux véhicules, rien n’a été épargné pour marquer ce tournant majeur. L’entreprise s’est même offert en 2016 un nouveau centre administratif pour accroître sa visibilité. Construit au coût de trois millions de dollars, le nouveau bâtiment de 8 000 pieds carrés sur deux niveaux, qui se complète d’un entrepôt de 4 000 pieds carrés, a maintenant pignon sur rue dans le quartier industriel, en bordure de la voie de contournement.
Depuis une dizaine d’années, VCC Entrepreneur Général offre aux travailleurs locaux, par le biais de son partenariat avec Minheku Construction, une formation en charpenterie-menuiserie. Bâti en collaboration avec la communauté crie de Whapmagoostui et la Commission scolaire crie, le programme mène à l’obtention d’un certificat de compétence délivré par la Commission de la construction du Québec (CCQ).
Un nouveau cours a d’ailleurs débuté au début de l’année pour les travailleurs de la communauté de Poste-de-la-Baleine. « Les quinze participants reçoivent une formation scolaire pendant l’hiver où ils rafraîchissent leurs connaissances en mathématiques et apprennent les bases du métier, expose Patrice Beaumelle. L’été, ils mettent en pratique, sur nos chantiers, les connaissances acquises. Près de la moitié de nos travailleurs sont issus des communautés locales. »
Cet article est tiré du Magazine – Les Leaders de la construction 2017. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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