Préserver sa bonne réputation, c’est maintenir la confiance du public, de ses clients et de ses partenaires envers son organisation. C’est aussi une condition essentielle à la bonne marche de ses affaires.
Toute activité économique comporte sa part de risques. Certains sont assurables, d’autres, non. Comme les risques opérationnels, qui découlent d’erreurs ou de fraudes commises à l’interne. Non seulement ces risques ne peuvent être couverts par une police d’assurance, mais ils sont également susceptibles de ternir l’image d’une entreprise et, par ricochet, de rejaillir sur une industrie entière.
On l’a d’ailleurs vu dans le sillage de la commission Charbonneau, qui a mis au jour les stratagèmes de corruption et de collusion qui prévalaient au sein de l’industrie. Et dont les répercussions négatives n’ont pas tardé à se faire sentir : retards dans l’attribution des contrats, ralentissement dans l’émission des permis, réputations entachées.
Un enjeu crucial
Le maintien d’une image intègre s’avère donc un enjeu primordial pour toute entreprise qui se respecte, à plus forte raison si elle oeuvre en construction. La perte de réputation représente sans contredit l’un des plus grands risques auxquels une entreprise peut s’exposer. D’où l’intérêt de miser sur des standards élevés en matière d’intégrité et d’éthique des affaires.
Et ce, d’autant que la gestion des contrats publics constitue toujours un enjeu collectif à l’heure actuelle. En effet, selon une étude menée en 2018 par le CIRANO, le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, le pourcentage de la population se disant préoccupé par cet enjeu a crû ces dernières années, passant de 21 pour cent en 2011 à 37 % en 2012. Il a ensuite régressé graduellement pour atteindre 25 % en 2016 puis 22 % en 2018.
« Le taux a décliné, mais il n’est pas revenu au seuil de 2011, c’est dire que cet enjeu représente toujours une préoccupation pour les Québécois, indique Ingrid Peignier, directrice de projet au CIRANO. Toujours en 2018, 67 % des gens sondés considéraient le risque de corruption comme un enjeu majeur, plaçant ce risque au quatrième rang des enjeux liés à la gestion des contrats publics. »
Un modèle collectif
Certaines mesures ont été mises en oeuvre pour renverser la vapeur. Notamment à l’échelle de l’industrie, où l’Association de la construction du Québec (ACQ) propose aux entrepreneurs d’adhérer à un programme d’intégrité calqué sur un modèle collectif de lutte contre la corruption, mis de l’avant par la Banque mondiale et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
« C’est en 2013, alors que la commission Charbonneau battait son plein, que l’ACQ nous a mandatés pour élaborer un plan d’action afin de promouvoir l’éthique et l’intégrité au sein de l’industrie, rappelle Ingrid Peignier. Le but, c’était de permettre aux entrepreneurs qui adoptent des comportements éthiques de s’identifier comme tels et de favoriser l’essor des bonnes pratiques de gestion dans l’industrie. »
Nommé Programme Intégrité, ce programme à adhésion volontaire comprend, entre autres, un processus d’accréditation et d’identification. Il s’appuie notamment sur une attestation officielle d’implantation délivrée par l’ACQ. Mais les entrepreneurs qui souhaitent aller plus loin ont également la possibilité d’obtenir un certificat Intégrité du Bureau canadien de certification Intégrité, un organisme indépendant. « Pour valider notre modèle, nous avons enquêté auprès de 1 002 répondants québécois afin de connaitre leur perception quant à sa crédibilité et à son efficacité, indique la chercheuse du CIRANO.
Il ressort que la majorité des répondants jugent cette initiative collective favorable. Même que 86 % des Québécois auraient choisi de confier leurs travaux à un entrepreneur ayant pris part au programme et obtenu une certification délivrée par un organisme indépendant. »
Un projet pilote
Un premier projet pilote, réunissant six entreprises de construction, est réalisé entre 2014 et 2015. Construction Albert Jean, une entreprise familiale qui fait sa marque depuis 1927 dans la rénovation et la construction de bâtiments industriels, commerciaux et institutionnels (ICI), est du nombre. « On jouit déjà d’une bonne réputation dans l’industrie, fait valoir son président actuel Pierre Albert Jean. Ça facilite le recrutement de bons employés et nos relations avec nos fournisseurs.
« Quand j’ai vu que l’ACQ créait un comité de travail pour revaloriser l’image de l’industrie, j’ai décidé d’embarquer, explique-t-il. Pour nous, c’était une façon de démontrer qu’on peut être honnêtes dans l’industrie. Parce que des possibilités de corruption, il y en a encore et il y en aura toujours. On est donc allés au bout de la démarche et on a obtenu notre attestation de l’ACQ en 2015 puis, en 2017, notre certificat du Bureau canadien d’intégrité. »
Parce que ce certificat est délivré par un tiers au terme d’audits en entreprise, Pierre Albert Jean considère qu’il ajoute à la crédibilité du programme Intégrité de l’ACQ, un peu à la manière du programme d’assurance qualité ISO 9001. « Pour y arriver, on a passé en revue nos valeurs et mis sur pied un code de conduite, entre autres en ce qui concerne la politique de cadeaux et les conflits d’intérêt, note Patricia Jean, vice-présidente aux finances. »
Des mécanismes efficaces
« On a également élaboré des mécanismes pour faciliter le dépôt de plaintes et la divulgation de conflits d’intérêt, ajoute-t-elle. Le but, c’est de préserver notre image, mais aussi de rassurer nos clients, notamment ceux du secteur financier qui ne souhaitent pas faire la une des journaux parce qu’ils ont transigé avec un entrepreneur véreux. Nos employés sont d’ailleurs très fiers de participer à ce projet et ils ne se sont pas fait prier pour y adhérer. »
Même son de cloche du côté des Entreprises QMD. L’entreprise fondée en 2006 par Luc Quenneville et Jean Morissette se spécialise elle aussi dans le secteur ICI et figure parmi les premières entreprises de son secteur à obtenir l’attestation Intégrité de l’ACQ en 2015. « On a voulu outiller nos employés pour qu’ils puissent faire face à toute éventualité, note Isabelle Lapierre, responsable des ressources humaines.
« On a, entre autres, créé un canal de communication pour le traitement confidentiel des plaintes et nommé trois agents d’intégrité, dont moi, explique-t-elle. Comme ce n’est pas toujours facile de dénoncer un collègue ou un supérieur, on a pensé qu’il serait préférable que les employés aient plus d’une personne à qui s’adresser. Et ça nous sert, parce que de plus en plus d’appels d’offres exigent en préqualification le dépôt de documents attestant de l’intégrité du soumissionnaire. »
Cet article est tiré du Magazine – Les Leaders de la construction 2018. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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