L’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec célébrait en 2011 son 50e anniversaire. Pour l’occasion, elle dévoilait une édition spéciale 50 ans d’histoire (1961-2011) de son magazine Québec Habitation. En collaboration avec l’APCHQ, Portail Constructo a le privilège de vous en offrir quelques extraits. Retrouvez ici une rétrospective des principales innovations technologiques ayant transformé les pratiques des entrepreneurs.
La construction d’habitations n’a jamais autant évolué au Québec que depuis les 50 dernières années. Encore largement considérée comme une activité artisanale et conservatrice jusqu’au tournant des années 1960, elle est devenue une industrie structurée et réglementée très productive. Aujourd’hui, cette industrie génère des dizaines de milliers d’emplois et des dépenses d’investissement en construction et rénovation qui dépassent les 20 milliards de dollars annuellement. Tout ça n’aurait pas été possible sans l’apport de nombreuses innovations technologiques depuis la Révolution tranquille.
Un coup d’œil panoramique sur les 50 dernières années révèle d’importants changements et progrès réalisés dans le domaine de l’habitation. Plusieurs innovations ont modifié, entre autres, les façons de faire dans la conception et la production des habitations; certaines ont amélioré leurs performances énergétiques et environnementales ainsi que leur salubrité et leur sécurité; d’autres ont transformé la gestion des activités de l’entreprise et de ses marchés. Voyons un peu ce qu’il en était et ce qu’il en est.
De la table à dessin aux plans virtuels
À l’instar de n’importe quel produit de masse, l’habitation s’est grandement diversifiée pour satisfaire une demande accrue de logements et des besoins variés. Même si la taille des ménages n’a pas cessé de diminuer, la superficie habitable des maisons a tout de même continué à augmenter. L’habitation s’est aussi adaptée à de nouveaux styles de vie et de nouvelles réalités démographiques, comme le vieillissement de la population et l’immigration. La notion même d’habitation a changé. En plus de fournir un « toit sur la tête », elle est devenue un cocon douillet, un centre de loisirs, un lieu de travail, une machine intelligente, une centrale énergétique, une usine à recyclage et même… un jardin potager suspendu.
Tout a commencé avec l’impact du bébé-boum de l’après-guerre. L’accélération de l’urbanisation qu’il a engendrée au début des années 1960 a ainsi entraîné la conception de nouveaux types et modèles d’habitations.
Aux maisons unifamiliales de types bungalow avec sous-sol habitable, plain-pied, à étages, à paliers, cottage, manoir ou autres de tous styles (canadien, québécois, californien, anglais, victorien, néo-château, contemporain, etc.) se sont ajoutés les habitations jumelées, en rangée et en rangée superposée, les plex multiples, les HLM, les coopératives d’habitation, les copropriétés, les maisons de ville, les maisons évolutives, les bigénérationnelles et les résidences pour personnes âgées.
Le secteur des maisons usinées en panneaux, en kits ou en modules a aussi fait d’énormes progrès pour offrir une bonne variété de modèles de maisons de qualité en intégrant des touches sur mesure. La maison unifamiliale à ossature de bois, qui a longtemps régné sans partage, a aujourd’hui des rivales en béton et à ossature en acier léger.
Si, à une certaine époque, les seuls plans de maisons disponibles étaient ceux répertoriés dans le catalogue de la SCHL, les choses ont bien changé avec l’informatisation. La conception sur table à dessin a progressivement cédé la place à la conception assistée par ordinateur et à la modélisation en 3D. Les plans numérisés se trimbalent beaucoup plus facilement sur une toute petite clé USB que les plans enroulés en papier. Jusqu’aux télécommunications numériques qui permettent maintenant de partager des plans en réseau, de les modifier en ligne et de les archiver dans des voûtes virtuelles.
De la production artisanale à la mécanisation et à la préfabrication
Qu’il s’agisse de matériaux, de procédés de préfabrication, de techniques d’assemblage, d’outillage, de machinerie ou d’équipements spécialisés, les innovations technologiques ont permis d’accroître considérablement la productivité au chantier.
À titre d’exemple, en 1961, un menuisier-charpentier utilisait encore un pied-de-roi et un fil à plomb pour mesurer, tracer, marquer, mettre d’équerre et à niveau ses ouvrages. Aujourd’hui, il utilise un télémètre laser et un niveau laser. Pour plusieurs étapes de construction, le même menuisier a troqué le marteau pour la cloueuse pneumatique, le vilebrequin pour la perceuse électrique à cordon ou sans fil avec pile rechargeable, le tournevis pour la visseuse électrique sans fil.
De même, l’augmentation de la productivité et de la sécurité des équipements et de la machinerie de chantier, comme les plateformes élévatrices, les grues à tour et les bras télescopiques, a diminué les besoins en main-d’œuvre tout en atténuant l’impact de pénuries ponctuelles de travailleurs de certains corps de métiers. En plus, elle facilite et accélère la réalisation de plusieurs étapes de travaux, dont la pose d’éléments de charpente, comme des fermes de toit ou des pans de murs préfabriqués, ou encore des ouvrages de maçonnerie. Il en va de même avec la miniaturisation des pelles excavatrices, des mini-chargeuses et des rétrocaveuses mieux adaptées pour les travaux de rénovation en milieu exigu.
Bref, s’il fallait entre 20 et 25 semaines de travail conventionnel en moyenne pour construire une maison sur place au milieu des années 1960, l’incorporation d’éléments préfabriqués, combinée à l’utilisation d’outils et d’équipements plus sophistiqués et performants, a réduit le temps de construction d’une maison à environ 12 à 15 semaines. Évidemment, c’est encore plus rapide dans le cas des maisons usinées. En outre, la construction d’habitations peut se faire maintenant à l’année, même en hiver, accroissant encore davantage la capacité de production de l’industrie.
L’amélioration de la qualité et des performances des habitations
En plus de favoriser l’industrialisation de la production, de nombreuses innovations technologiques ont contribué à l’amélioration de la qualité des habitations sur le plan de la salubrité, sécurité et durabilité, de même que leurs performances énergétiques et environnementales.
Les crises énergétiques successives, par exemple, ont entraîné un resserrement des normes et exigences afin d’économiser l’énergie. Cela s’est fait notamment par l’étanchéisation de l’enveloppe, l’augmentation de l’isolation, l’incorporation de portes et fenêtres de meilleure qualité, l’installation d’équipements de chauffage et climatisation plus performants et moins gourmands, sans oublier tous les systèmes qui permettent la récupération de chaleur. Ces mesures ont rendu l’habitation plus éconergétique d’au moins 40 à 50 %. Avec l’apport des nouvelles technologies résidentielles solaires et géothermiques, l’habitation devient presque autosuffisante en produisant et exploitant sa propre énergie.
Au plan environnemental, des innovations ont permis d’assurer la qualité de l’air intérieur grâce à des systèmes de ventilation et de filtration mécaniques, à des appareils de combustion et à des matériaux de construction à faible émanation de polluants.
Par de nouvelles méthodes éprouvées, il est aussi possible d’éliminer plusieurs sources de dégradation de l’habitation par l’humidité, de mieux les insonoriser, de recycler quantité de déchets domestiques, de récupérer les eaux de pluie, de combattre l’effet d’îlot de chaleur, de récupérer nombre de matières et matériaux pour leur recyclage et leur réutilisation. Tout ça se traduit du même coup par une réduction des émissions de gaz à effet de serre.
En ce début de décennie 2010, l’habitation transcende donc plus que jamais son utilité. Les acheteurs d’aujourd’hui s’attendent non seulement à ce que la maison de leur rêve ait des qualités esthétiques distinctives, mais qu’elle soit également saine, confortable, branchée, éconergétique et, si possible… carboneutre. Voilà une description qui est loin de correspondre aux « maisons de carton » d’une certaine époque au Québec, où elles poussaient comme des champignons, coûtaient une « beurrée » à chauffer, et dont la piètre insonorisation acoustique en faisait de véritables caisses de résonance.
L’amélioration de la gestion des activités de l’entreprise et de ses marchés
En 1961, n’importe qui construisait ou rénovait une maison avec peu de ressources et peu de connaissances du domaine : un policier, un pompier, un professeur, ou encore un beau-frère ou un oncle en chômage. Aujourd’hui, ça prend des travailleurs formés, détenant une carte de compétence pour chaque métier et une carte d’allégeance syndicale. Ça prend aussi des entrepreneurs employeurs dûment qualifiés, détenant une licence de la RBQ, un cautionnement de garantie, des permis de construction ou de rénovation, une inscription à un plan de garantie, un enregistrement à la CCQ, à la CSST et au ministère du Revenu, ainsi qu’une adhésion à une association patronale. En somme, l’industrie de l’habitation s’est professionnalisée et bureaucratisée.
Heureusement, les entrepreneurs disposent aujourd’hui de plusieurs moyens technologiques pour les aider à gérer aussi bien leur personnel et leurs opérations que leurs marchés. Une panoplie de logiciels spécialisés et d’applications informatisées leur permettent en effet d’estimer, de soumissionner, d’obtenir ou consulter des plans, de gérer leurs contrats, leur parc d’outils et d’équipements, de contrôler leurs coûts et leurs échéanciers, et de produire leur paie et leurs nombreux rapports administratifs.
La même situation prévaut pour la commercialisation de leurs produits ou services lorsqu’ils utilisent le réseau Internet comme vitrine et outil de prospection ou de développement de la clientèle, ou encore pour magasiner les produits et services de fournisseurs et sous-traitants. S’ils ont quelque peu tardé à adopter les technologies de l’information et des communications, les entrepreneurs d’aujourd’hui ont bel et bien pris le virage technologique et filent pour la plupart sur l’autoroute de l’information.
Malgré une certaine résistance culturelle et un certain conservatisme, il appert que l’industrie de l’habitation a dû faire constamment des efforts pour intégrer les nombreux changements proposés depuis la Révolution tranquille. D’autres défis risquent de se poser dans le futur, notamment ceux visant la réduction de la dimension des habitations, la densification des quartiers et le retour à la ville. L’industrie saura sans doute élaborer de nouvelles solutions inédites en franchissant un pas de plus vers les progrès de demain.