Le travail des ouvriers qui ont construit le canal Rideau sera officiellement reconnu par le gouvernement du Canada. En effet, la portée de la désignation actuelle du lieu historique national du Canada du Canal-Rideau sera élargie pour rendre hommage aux ouvriers – en grande partie des immigrants irlandais et des Canadiens français – dont le travail dans des conditions difficiles et dangereuses a mené à l'achèvement de cette œuvre monumentale.
Des travailleurs qui ont marqué l'histoire
Dans le cadre de cette reconnaissance, les contributions des ouvriers du canal Rideau figureront au nombre des lieux, personnes et événements historiques nationaux du Canada, désignés selon la recommandation de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada (CLMHC). Au cours des discussions, la CLMHC a souligné qu'il était nécessaire de réfléchir à la façon dont l'histoire des ouvriers s'intègre à la commémoration du canal Rideau dans toute sa complexité. Des plaques et panneaux d'interprétation de grande taille seront placés à deux endroits de choix le long du canal, afin de raconter son histoire et celle des ouvriers qui ont participé à sa construction.
Construit entre 1826 et 1832, le canal Rideau est aujourd'hui un lieu historique national ainsi qu'un site du patrimoine mondial de l'UNESCO géré par Parcs Canada.
Reconnaissance de la contribution des ouvriers du canal Rideau
Le canal Rideau a été désigné lieu historique national du Canada en 1925. Depuis, le canal a fait l'objet de nombreuses recherches historiques qui ont apporté une meilleure compréhension de l'importance et de la signification du canal dans l'histoire canadienne. La contribution des ouvriers qui ont construit le canal n'a pas été prise en compte dans la désignation initiale. En 2006, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada a été invitée à se prononcer sur la désignation de la contribution des ouvriers en tant qu'événement d'importance historique nationale. Dans ses délibérations, la Commission a jugé que la contribution des ouvriers faisait partie intégrante de l'histoire du canal Rideau et a donc recommandé que la désignation initiale soit élargie pour refléter leur travail.
Le canal Rideau
Construit entre 1826 et 1832, le canal Rideau est le seul des grands canaux construits en Amérique du Nord au début du XIXe siècle qui soit demeuré pratiquement intact et entièrement opérationnel. Le canal Rideau était à la fine pointe de la conception de canaux en raison de son approche innovatrice dans l'utilisation des « eaux dormantes » et son adaptation aux navires à vapeur. Le canal a établi une voie de transport qui soit plus facile à défendre que le fleuve Saint-Laurent pour relier le Bas-Canada et les Grands Lacs. Bien qu'il ait d'abord été construit à des fins militaires, le canal Rideau a aussi rempli une fonction sociale et économique.
Les ouvriers
La construction du canal long de 202 kilomètres relève de l'exploit dans une nature sauvage composée de forêts, de marécages et de lacs. Si les travaux ont été dirigés en grande partie par des entrepreneurs privés qui ont obtenu par appel d'offres la responsabilité de l'un ou de plusieurs des 23 chantiers du projet, bien peu de travaux sur le terrain auraient été réalisés sans la contribution indispensable des ouvriers et des artisans qui sont parvenus à faire du projet une réalité.
Chaque année, de 5 000 à 6 000 travailleurs se rassemblaient dans plus d'une vingtaine de chantiers le long du canal. Certains des ouvriers spécialisés, comme les maçons et les forgerons, étaient de descendance anglaise ou écossaise, mais la grande majorité était des Canadiens français ou des Irlandais. Ils travaillaient presque exclusivement à la hache, au pic et à la pelle, ne pouvant compter que sur l'aide d'animaux pour déplacer les lourdes charges. Les ouvriers travaillaient dur, de 12 à 16 heures par jour, six jours par semaine en été – et parfois même l'hiver dans les carrières et les chantiers d'abattage – pour dégager le terrain, creuser les tranchées des écluses et les chenaux, extraire les pierres, ériger des barrages et des ponts de bois, aménager des digues de remblai et construire les écluses et les barrages de maçonnerie.
Le plus grand risque que couraient les travailleurs était celui de tomber malade. Sur le canal Rideau, c'est la « fièvre des marais » – qui, comme l'ont découvert les historiens de la médecine, était en fait la malaria – qui touchait le plus de travailleurs. Terrassés par la malaria ou victimes de blessures au travail, de nombreux ouvriers irlandais et d'autres nationalités ont perdu la vie pendant la construction du canal. Bien qu'aucune donnée statistique fiable n'ait été conservée à ce sujet, certains historiens estiment que jusqu'à un millier d'ouvriers ont perdu la vie dans les chantiers du canal.
Malgré les difficultés auxquelles ils se sont heurtés, les ouvriers et leurs employeurs sont parvenus à établir un vaste réseau de voies navigables qui représentait l'un des plus importants chantiers du XIXe siècle en Amérique du Nord britannique. Ces ouvriers ont participé à la création d'un ouvrage technique à vocation militaire d'une complexité sans précédent : le canal Rideau.