L’ouverture à la circulation du pont Samuel-De Champlain, le 24 juin dernier, a marqué pour longtemps les annales de la région montréalaise. Malgré un retard de livraison de six mois, ce titanesque ouvrage d’art construit en à peine quatre ans a été le théâtre de plusieurs prouesses techniques.
Au premier rang de ces prouesses figure celle d’avoir construit le tronçon du pont au-dessus de la voie maritime du Saint-Laurent, dans les deux directions, et ce, sans interruption et sans impact sur la circulation des bateaux. Selon Juan Echague, associé de la firme de génie-conseil Arup pour le compte d’Infrastructure Canada, « c’est la prouesse la plus incroyable d’un point de vue purement technique, puisqu’il a fallu faire appel à des équipements et des techniques de construction qui n’ont jamais été utilisés auparavant au Québec et même dans le monde ».
« Nous, en tant qu’ingénieurs du propriétaire, confie-t-il, on avait envisagé diverses techniques bien avant l’appel d’offres pour assembler ce tronçon par segments, tout en laissant aux soumissionnaires la place pour l’innovation. » Finalement, le constructeur Signature sur le Saint-Laurent (SSL) a choisi la méthode la plus rapide pour relier et connecter les trois travées d’acier sud et nord du pont sur une distance de 60 mètres au-dessus de la voie maritime, en soulevant un à un chacun des 15 segments de 850 tonnes avec de gros vérins, pour ensuite les glisser en place à l’aide d’un chariot.
« La clé du succès pour réussir la construction d’un ouvrage d’une telle envergure, ajoute Juan Echague, demeure la préfabrication en usine des composantes, surtout dans le cadre d’un échéancier serré. Toute la construction a été préfabriquée au maximum. » Par exemple, toutes les piles en béton et tous les chevêtres en acier ont été préfabriqués en usine, pour être transportés ensuite par des barges sur le fleuve, mis en place à l’aide de grues géantes, puis assemblés comme un grand jeu de Lego. Même chose pour les caissons et les poutres-caissons en acier.
Certes, cette préfabrication accélérée dans plusieurs usines simultanément a accusé certains défauts de conformité, admet l’ingénieur, mais qui pouvaient tous être réparés tel que prévu dans l’entente contractuelle, et ce, sans nuire à l’intégrité du pont. « Le plus important pour le Gouvernement du Canada, c’était d’assurer qu’il n’y aurait pas d’interruption dans l’approvisionnement des matériaux et des éléments extérieurs au chantier. »
La conception et la construction du pont Samuel-De Champlain posaient bien d’autres défis techniques, souligne Juan Echague. Particulièrement en ce qui concerne la durabilité d’un pont routier exposé aux conditions hivernales de Montréal, ce qui a exigé la spécification d’une quinzaine de critères.
« Il ne faut pas oublier que c’est le premier pont routier au Québec à être construit pour une durée de 125 ans, rappelle-t-il. En fait, les critères de conception et de construction du nouveau pont vont bien au-delà des critères traditionnels pour un tel ouvrage, en ce qui regarde l’aspect sismique, les vents, les chocs. Ça concerne, entre autres, les matériaux utilisés, les systèmes de drainage, la redondance structurale, l’accès pour l’inspection, l’instrumentation et le monitoring de l’ouvrage en continu… »
Au-delà des deux bêtes noires que sont le budget et l’échéancier pour le constructeur, la réalisation du pont Samuel-De Champlain a surpassé les standards en matière de pont routier. Juan Echague est fier d’avoir été impliqué à la fois dans la réparation de l’ancien pont et la finalisation du nouveau. « Oui, c’est un projet signature, mais pas uniquement au plan architectural. Il l’est aussi pour tous les défis techniques relevés, comme la durabilité de l’ouvrage, la construction au-dessus de la voie maritime, la préfabrication massive des composantes, le travail en continu même en période hivernale, etc. Tout ça, ce sont des défis qui rehaussent ce projet signature. »