La réalité virtuelle au service de la construction

6 novembre 2020
Par Marie Gagnon

La réalité virtuelle fait une entrée remarquée dans le bâtiment, où elle promet d’optimiser le chantier avant même la première levée de terre.

Pilier de l’industrie du jeu vidéo, la réalité virtuelle s’aventure aujourd’hui dans le monde réel où elle ouvre la voie à une foule d’applications, notamment dans les domaines médical, militaire, éducatif et cinématographique. Dans le bâtiment, où elle révolutionne les façons de faire, la réalité virtuelle offre maintenant une dimension supplémentaire à ses artisans – promoteurs, concepteurs, constructeurs –, en leur permettant de valider un design et, éventuellement, de l’optimiser avant le coup d’envoi du chantier.

 

Cette révolution, car il s’agit bien d’une révolution pour un secteur aussi peu enclin à l’innovation, Pomerleau a décidé de la faire sienne et propose depuis peu à ses clients de recourir à la réalité virtuelle pour visualiser un projet et s’en imprégner. « C’était il y a quatre ans environ, on recherchait une plateforme pour visualiser la construction à partir de maquettes 3D et éviter les interprétations diverses, relate Lieu Dao, gérante Innovation, R&D et Projets spéciaux.

 

« Mais on n’a pas trouvé sur le marché de solution adaptée à nos besoins, continue-t-elle. On a donc utilisé le moteur de jeu vidéo Unity pour créer un environnement de réalité virtuelle de nos projets et on y a intégré des fonctions comme l’affichage de plans en 2D. Notre technologie permet de se promener dans un bâtiment, de prendre certaines mesures pour planifier l’achat de matériaux ou d’équipements et, éventuellement, de visualiser les différentes phases des travaux et leur échéancier. »

 

Valider la conception

Ce nouvel outil technologique, Pomerleau l’a mis à profit lors de la construction du nouveau centre hospitalier de Baie-Saint-Paul, un projet de 275 millions de dollars réalisé de 2015 à 2017. Le concepteur-constructeur a pu ainsi valider l’ergonomie et le positionnement de certains équipements suspendus du bloc opératoire et éviter qu’ils n’interfèrent avec la mécanique du bâtiment camouflée dans le plafond. Au terme de l’exercice, le personnel médical a demandé certaines modifications au design.

 

Lieu Dao, gérante Innovation, R&D et Projets spéciaux. Photo : Pomerleau

 

En d’autres temps et d’autres lieux, ces interférences n’auraient été découvertes qu’en cours de construction. Et pour les corriger, l’entrepreneur n’aurait eu d’autre choix que de reprendre les travaux. Avec, à la clé, une marge bénéficiaire réduite et un échéancier écourté d’autant. « La réalité virtuelle permet de faire une revue de la conception et d’effectuer des modifications en amont plutôt qu’au chantier, commente Lieu Dao. Les modifications virtuelles sont toujours moins couteuses. »

 

Gagner du temps

Le casque de réalité virtuelle a également permis à Pomerleau de réaliser des gains de temps considérables dans l’aménagement de la guérite des douaniers, à l’Aéroport international Montréal-Trudeau. Grâce à cette technologie, les douaniers ont pu prévisualiser leur espace de travail et en apprécier les diverses composantes, comme la hauteur des comptoirs et la fonctionnalité des rangements. L’exercice a permis de mettre à jour certains conflits, dont des tiroirs et des armoires impossibles à ouvrir.

 

Ces conflits ont été résolus en remplaçant quelques tiroirs par des tablettes et en revoyant le positionnement de certaines armoires. Le mobilier, dont les délais de fabrication et de livraison étaient très longs, a ainsi été commandé à temps. Le degré d’ensoleillement de la guérite, abondamment fenestrée, a également été simulé en fonction de différents paramètres, comme l’heure et la saison, de manière que les douaniers ne soient pas éblouis et qu’ils distinguent les visages en tout temps.

 

« C’est comme un jeu vidéo, illustre Lieu Dao. L’utilisateur peut interagir avec le modèle, ouvrir des tiroirs, fermer des portes. À ceux qui ne sont pas à l’aise avec le casque, on peut leur offrir la même expérience sur un écran. On travaille d’ailleurs sur de nouvelles fonctions pour ajouter de l’interactivité. Actuellement, la technologie permet de bouger des objets. Bientôt, on pourra modifier les options, comme changer les couleurs, et offrir davantage de convivialité. »

 

Transformer la construction

Elle prédit par ailleurs que la réalité virtuelle sortira bientôt du carcan de la seule conception et qu’elle s’imposera au chantier où elle modifiera, positivement il va sans dire, les pratiques des constructeurs. Notamment en facilitant la communication, mais aussi la coordination, tout au long de la chaine de réalisation. Sur un chantier comme celui de l’aéroport de Montréal, on pourra par exemple recourir à ces outils interactifs pour positionner les grues et éviter qu’elles n’interfèrent entre elles et le cône aérien.

 

Il est d’ailleurs déjà possible de voir un projet prendre forme virtuellement et même d’en mesurer l’avancement à l’instant « t ». « C’est un excellent outil de communication, pas seulement pour ceux qui interviennent au chantier, mais aussi pour la population qui gravite à ses abords, souligne la gestionnaire. À Place Ville Marie, le client a installé quelques stations de réalité virtuelle qui permettent au public de se renseigner sur l’évolution du chantier et les fermetures de rues qu’il occasionne. »

 

UNE CONTAGION SOUHAITABLE

La réalité virtuelle s’impose aujourd’hui comme un remède universel pour lutter contre la propagation du coronavirus. Le confinement a en effet mis en valeur son potentiel, notamment pour optimiser la coordination des différentes étapes du chantier. Les réunions en réalité virtuelle offrent par ailleurs des niveaux élevés d’interaction et de communication immersives en permettant de créer des avatars pour chacun des participants. Comme dans un jeu vidéo, les participants peuvent échanger entre eux comme s’ils y étaient, se déplacer dans des environnements 3D, lever la main pour poser une question. Bref, la réalité virtuelle rend l’expérience plus humaine, sans risque de contamination !