L’installation de réseaux d’aqueduc temporaires vient avec de grandes responsabilités. Une méconnaissance de la réglementation applicable peut s’avérer couteuse lorsqu’un problème survient.
Dans une municipalité du Québec, des ouvriers s’affairent à l’installation d’un réseau d’aqueduc temporaire en vue de la réfection du réseau permanent. La conduite bleue est installée selon les plans d’un technicien de l’entrepreneur ou d’un sous-contractant, et l’ingénieur municipal a donné son accord. Tout semble tourner rondement… non ?
Pourtant, plusieurs erreurs ont été commises sur ce chantier. Bien de la confusion et même de la méconnaissance quant à la législation régissant ce type d’infrastructures subsistent chez les entrepreneurs et sont à l’origine de travaux menés en contravention des normes applicables. Sophie Larivière-Mantha, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ), rappelle que les réseaux d’aqueduc temporaires font partie des ouvrages de génie visés par la Loi sur les ingénieurs, tout comme les réseaux publics permanents. « Par conséquent, spécifie-t-elle, les plans et devis de ces réseaux doivent être réalisés, signés et scellés par un membre de l’OIQ. »
Mais n’est-ce pas contradictoire avec les pratiques pourtant permisesnbsp; ? « Dans les faits, des techniciens ou techniciennes de l’entrepreneur ou du sous-contractant peuvent contribuer à la préparation des plans du réseau d’aqueduc temporaire, reconnait Sophie Larivière-Mantha. Toutefois, nuance-t-elle, ceux-ci doivent être réalisés sous la supervision d’un ingénieur ou d’une ingénieure. C’est lui ou elle qui s’assurera de la conformité à la norme et à la sécurité, qui signera et scellera le plan. »
Ce qui, dans certains cas, n’est pas fait. L’absence de supervision lors de l’élaboration des plans, par un ou une ingénieure, constitue une des pratiques non conformes qui peut être observée par l’Ordre ayant trait aux réseaux d’aqueduc temporaires. Le fait que les travaux soient supervisés par l’ingénieur municipal, par exemple, ne donne pas plus de sceau de validité aux plans préparés par le technicien ou le sous-contractant. Cette croyance serait tout de même présente chez certains entrepreneurs. « Il y en a qui croient que, lorsqu’un ingénieur de la Municipalité ou encore qu’un ingénieur surveillant approuve le plan, cette même personne prend par la même occasion la responsabilité de celui-ci. Or, ce n’est pas le cas », rectifie Sophie Larivière-Mantha. En approuvant les plans envoyés par l’entrepreneur, l’ingénieur de la Municipalité ne vérifie leur conformité qu’en regard de la réglementation municipale ou de ses requis techniques.
Plusieurs motifs pour justifier des pratiques non conformes sont évoquées. Parmi ceux-ci, notons les appels d’offres qui ne mentionnent pas que le plan du réseau d’aqueduc temporaire doit être préparé par un ingénieur, la croyance qu’il faille faire appel aux services d’un ingénieur dans les seuls cas où des mesures de protection incendie supplémentaires soient nécessaires ou, encore, l’absence de données nécessaires pour l’élaboration d’un plan détaillé. Parfois, l’entrepreneur ignore tout simplement que la préparation des plans est un acte strictement réservé à la profession. Notons qu’en cas de doute concernant l’application de la Loi sur les ingénieurs, il est toujours possible de s’adresser à l’OIQ.
Des conséquences graves
Rappelons-nous qu’un réseau temporaire d’aqueduc a les mêmes fonctions qu’un réseau permanent, soit l’apport continu en eau d’une qualité et d’une quantité suffisantes pour la consommation et la protection incendie. Des conduites temporaires mal conçues représentent donc un risque non négligeable de dysfonctionnement du réseau, pouvant altérer de manière importante la qualité de l’eau potable ainsi que sa distribution. La protection incendie pourrait également être compromise par une pression d’eau trop faible. Des conséquences graves que seule une analyse de risques en fonction des données disponibles et des conditions sur le terrain peut prévenir. Les éléments requis, tels que les points de purge, d’échantillonnage et de chloration, les dispositifs antirefoulement et les régulateurs de pression, seront adéquatement positionnés sur l’ensemble du réseau d’aqueduc temporaire.
En outre, le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) veille à l’élaboration des normes techniques générales qui régissent les infrastructures municipales. La norme BNQ 1809-300/2018 édicte les spécifications des composantes requises dans un réseau d’aqueduc temporaire en eau potable ainsi que les règles concernant son installation, sa mise en opération et sa désinfection. Le cahier des charges normalisé est disponible au téléchargement sur le site web du BNQ. Il est toutefois à noter qu’une révision est en cours et qu’une nouvelle édition est à paraitre en octobre de cette année.
L’union fait la force
Chaque chantier demeure néanmoins un cas d’espèce, où, rappelons-le, l’apport de chaque expertise reste nécessaire, qu’elle relève de l’entrepreneur, de l’ingénieur, du BNQ ou d’autres professionnels spécialisés. Comme le souligne Sophie Larivière-Mantha : « Plus largement, chacune des parties prenantes qui participent à ce type de projet dispose d’une expertise complémentaire. La collaboration est, par conséquent, une condition de succès lors de la réalisation de ces projets. »
Cet article est tiré du Supplément thématique – Projets 2023. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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