Matthew Atwill-Morin n’hésite pas à qualifier de « pire journée de sa vie » ce jour de mars où tout s’est effondré, et au cours duquel il a dû mettre près de 800 personnes au chômage. Ce sont là les contrecoups d’une crise qu’il juge avant tout humaine, et dont son entreprise s’est brillamment relevée.
Les activités du Groupe Atwill-Morin faisant l’objet d’une certaine accalmie durant l’hiver, vu le caractère quelque peu saisonnier de sa spécialisation en maçonnerie, cette pause forcée représentait « un autre arrêt », qui venait mettre à risque la santé financière de certains employés.
« C’était en plein dans le moment de l’année où l’on commence à mobiliser les jobs, la période la plus excitante pour nous, où l’on a toujours de nouveaux projets, de nouvelles mobilisations, de nouveaux enjeux, explique Matthew Atwill-Morin. Quand l’arrêt a été décrété, c’était carrément un choc. »
Rapidement digéré, le « choc » a ensuite laissé place à l’instauration d’un comité d’urgence, à l’élaboration de plans A, B, C, D, E, voire même Z, mais surtout à la commande de « gallons et de gallons » de Purell, d’eau de Javel, de savon, ainsi que d’équipement de sécurité à la tonne, comme des filtres et des masques.
Car pour une entreprise qui a l’habitude de tout planifier, parfois même de 24 à 36 mois en amont, et qui se retrouve au beau milieu d’une crise où tout change à la minute près, c’était le principal défi. Celui de polir sa boule de cristal et de faire preuve de vision.
« On s’est vite aperçu que les plus gros enjeux que les employeurs allaient avoir étaient de l’ordre de la santé et sécurité, relate le président du Groupe. C’était écrit dans le ciel. Alors, pendant que tout le monde était caché à la maison, on a ouvert les valves et on a acheté de l’équipement. Assez pour une année au complet, parce qu’on était convaincus que les entreprises qui allaient survivre, à la reprise, allaient être celles qui allaient avoir de l’équipement. »
Avec plusieurs projets jugés essentiels, comme les travaux au parlement à Ottawa, sur le pont de l’Île-aux-Tourtes et à l’Hôpital Sainte-Justine, l’entreprise a su garder quelque 200 travailleurs aux chantiers pendant la pause forcée. Mais c’est avec fierté que son président assure maintenant que tous ses effectifs ont repris le boulot, dans un retour des plus chargés, et apprécié.
Et pour cause, puisque rien n’a été négligé côté sécurité : rencontres avec chacun des contremaitres, formations en santé-sécurité, mise en place de tous les équipements nécessaires à la satisfaction des moindres exigences de la CNESST, ainsi qu’une présence sur le terrain.
« De notre côté, la direction, on a décidé que dans la première semaine du retour, on irait sur les chantiers en personne. Alors on a patrouillé sans cesse pour montrer à nos gens qu’on était là et qu’on vivait ça avec eux. Qu’on n’était pas assis au bureau, en sécurité, dans notre tour d’ivoire. On est allés sur le terrain, on a fait le tour, on est passés jusqu’à trois fois sur un même projet, juste pour s’assurer de montrer un soutien à nos employés. »
Parce que tout le monde vit « la même crise » et que tous ont subi « le même arrêt », un certain esprit d’équipe s’installe entre les différents acteurs d’une même chaine, selon Matthew Atwill-Morin. Ce pourquoi il se montre plus compréhensif envers les sous-traitants et fournisseurs avec lesquels il travaille, alors même que l’approvisionnement sera selon lui le plus grand enjeu à venir, vu la rareté de certains éléments autrefois abondants sur les tablettes des quincailleries.
Mais ce aussi pourquoi il sent une compréhension toute aussi palpable de l’autre côté, où les donneurs d’ouvrage se montrent collaboratifs et n’hésitent pas à repousser les échéanciers.
Le verre de 2020, bien que différent de celui de 2019, où le volume d’affaires annuel du Groupe avait franchi la barre des 140 millions de dollars, le dirigeant préfère tout de même le voir à moitié plein. Lui qui se dit choyé d’œuvrer dans une industrie qui a été l’une des premières à redémarrer. Car plutôt que de susciter de l’amertume au sein de ses troupes, les malheurs des derniers mois ont bien plus entrainer une prise de conscience de ces acquis qui demeurent et font la beauté du métier.
« En ce moment, le feeling, c’est qu’on est contents d’avoir ce qu’on a, contents de travailler. Tout le monde est heureux de faire des projets, de rencontrer les clients, de livrer à terme, de restaurer des joyaux comme le Château Frontenac, qu’on vient tout juste de terminer. […] Ça peut prendre quelques années avant qu’on retourne à 2019, mais l’important, c’est qu’on est là et en santé, à tous les niveaux, santé et sécurité comme financier. »