Fidéliser ses employés pour combattre la pénurie de main-d’oeuvre

6 janvier 2023
Par Elizabeth Pouliot

Bien des entrepreneurs en construction ont actuellement le vent dans les voiles. Ils doivent cependant jongler avec la fameuse pénurie de main-d’oeuvre. Alors, en plus de tenter de recruter du nouveau personnel, pourquoi ne pas aussi essayer de fidéliser celui déjà en place ?

Qu’est-ce que la fidélisation des employés, au juste ? Ce concept tiré du domaine des ressources humaines (RH) traduit le développement de la motivation et de la mobilisation des employés ainsi que de leur attachement envers l’organisation pour laquelle ils travaillent. « Quand nos employés se présentent le matin au bureau, on veut qu’ils aient le gout de se présenter, qu’ils donnent plus que leur cent pour cent au travail et, par conséquent, qu’ils deviennent des agents d’attraction de main-d’oeuvre vers l’organisation », précise Émilie Pelletier, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) et stratège en marketing et en communication RH chez HRM Groupe. Pour y arriver, la spécialiste suggère de commencer par définir un élément crucial, soit « la promesse employeur », liée de très près à « l’expérience employé ».

 

Émilie Pelletier, conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) et stratège en marketing et en communication RH chez HRM Groupe. Crédit : Amélie Picquette photographe

 

« Souvent, dans les organisations, et ce, dans tous les secteurs, c’est la même chose : on va mettre plein de petites choses en place à gauche et à droite pour le bien-être des employés, mais il n’y a pas nécessairement de sens ou de cohérence à l’intérieur de ces différents éléments », illustre la spécialiste. « Il s’agit plutôt de se demander, en tant qu’employeur, ce que nous souhaitons faire vivre à nos employés, de regarder quelles sont nos forces, quelle est notre culture organisationnelle, de façon à venir consolider un message et un positionnement “employeur”. » Il devient possible, par la suite, de cibler les pratiques, les processus et les outils à mettre en place.

 

Savoir bien fidéliser

La conseillère agréée décline la façon de procéder en trois points : former les gestionnaires, travailler les pratiques et les processus mis en place pour soutenir les RH puis, finalement, favoriser les conditions d’exercice. La formation des gestionnaires permet d’abord de s’assurer que l’expérience employé sera positive. « On va essayer de les sensibiliser ensemble aux comportements de gestion à adopter tout en leur permettant de garder leur personnalité », ajoute Émilie Pelletier. Le tout pourrait, par exemple, être consigné dans un guide de gestion, de la même manière qu’une organisation le fait avec le guide de l’employé. « Ça permet d’enligner tout le monde, d’avoir une uniformisation », indique la stratège RH.

 

Bien consciente que ce ne sont pas toutes les entreprises qui profitent d’un service de ressources humaines, la conseillère dans ce domaine propose ensuite, comme second levier, d’établir des outils et des processus pour soutenir les RH. « Les professionnels en RH dans les organisations se retrouvent à être les gardiens de l’expérience employé, de son enlignement. Et en même temps, ils sont là pour soutenir les gestionnaires et la haute direction, pour les aider, les appuyer dans la mise en pratique et la consolidation de l’expérience employé. »

 

Pour finir, Émilie Pelletier aborde les conditions d’exercice. « Qu’est-ce que je vais mettre en place pour que ce soit cohérent en ce qui concerne l’aménagement du temps de travail ? Est-ce que chez nous, c’est important la conciliation travail-vie de famille ? Et, si c’est important, est-ce que j’ajoute de la flexibilité d’horaire pour les heures d’arrivée et de départ ? Est-ce que je peux proposer du télétravail ou des semaines de travail comprimées ? », se questionne-t- elle. Les possibilités sont vastes, mais le secret est de toujours travailler en cohérence. Le climat de travail, loin d’être négligeable, entre aussi dans ce troisième levier d’action.

 

Ça ressemble à quoi sur le terrain ?

Comptant pas moins de 250 employés répartis dans trois bureaux au Québec, Pageau Morel et associés a depuis longtemps intégré la fidélisation de ses employés à ses pratiques. Un club social dynamique, un salaire compétitif, une caisse de retraite enviable, des assurances complètes s’intègrent à l’ADN de la compagnie depuis longtemps. D’autres avantages, comme le confort des bureaux, l’incitation au transport actif, avec des stationnements à vélo, des vestiaires et des douches, ainsi que la télémédecine sont aussi apparus au fil du temps et contribuent au bien-être des employés.

 

Nicolas Lemire, président de Pageau Morel. Crédit : Gracieuseté

 

« Pour nous, la fidélisation des employés tourne beaucoup autour de l’expérience de la vie quotidienne des gens et de leur carrière, autant professionnelle que personnelle. Et pas juste au moment où ils sont actifs, mais aussi le jour où ils ne seront plus dans la population active », souligne Nicolas Lemire, président de l’organisation et lui-même employé chez Pageau Morel et associés depuis 1999.

 

Parce que les attentes des employés ont en effet changé. L’apparition de valeurs comme la conciliation travail-vie personnelle reste encore récente. Faut-il d’ailleurs procéder différemment avec les jeunes employés quand vient le temps de les fidéliser ? « Quand on goute à une nouvelle forme de travail, à de nouveaux modes de travail, c’est apprécié par toutes les générations », soutient Émilie Pelletier. « Par exemple, la transparence des communications demandée, poussée par les jeunes, en bout de ligne, tout le monde est content de l’avoir », croit-elle. Cette transparence, cette authenticité revient aussi dans la bouche du président de Pageau Morel et associés : « J’aurais tendance à dire aux employeurs d’être authentiques. C’est probablement la meilleure carte de visite, autant pour l’interne que pour l’externe. » Cela semble en effet payer pour la firme qui, restant néanmoins toujours à l’affut du roulement, compte plusieurs employés de longue date ainsi que d’autres qui reviennent après un séjour chez un concurrent. « En conservant ses équipes, on garde l’expertise et on crée une synergie. Et c’est là où l’on gagne beaucoup en performance pour les organisations », termine Émilie Pelletier.