L’octroi, depuis presque deux ans, de certificats de compétence apprenti (CCA) pour les étudiants en construction ouvre la voie à la mise sur pied de programmes d’alternance travail-études, une avenue porteuse autant pour les entreprises que pour les élèves.
Le 26 avril 2021, huit nouvelles mesures visant à contrer les effets de la rareté de la main-d’oeuvre dans l’industrie de la construction entraient en vigueur. L’une d’entre elles permet aux élèves inscrits dans un programme de formation en construction d’obtenir un certificat de compétence apprenti temporaire. Valide pour une durée de six mois, il donne accès aux chantiers. Les étudiants peuvent donc travailler dans leur domaine le soir et les fins de semaine ainsi que pendant les vacances d’été.
Cependant, les opportunités de travail demeurent limitées, car la plupart des travaux en chantier se déroulent en journée la semaine. Quant à la période de congé estivale des élèves, elle coïncide souvent avec les vacances de la construction. C’est plutôt du côté du parcours scolaire que cette nouvelle mesure a le plus grand potentiel, selon les intervenants interrogés. « Cette accessibilité-là vient donner la possibilité au milieu de l’éducation, aux centres de formation professionnelle, d’explorer de nouveaux modèles pédagogiques et organisationnels pour les programmes du secteur de la construction », indique Yanik Arbour, directrice adjointe à l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe, Services éducatifs en formation professionnelle et services aux entreprises.
Deux types de stages
Puisque les élèves ne pouvaient auparavant intégrer les chantiers, la majorité des programmes du ministère de l’Éducation pour le secteur de la construction ne comportaient pas de stages. Maintenant que la possibilité existe, plusieurs centres de formation réfléchissent à la meilleure façon d’instaurer des programmes d’alternance travail-études (ATE).
Deux modèles existent pour l’intégration de stages au parcours scolaire. Dans le modèle de développement des compétences, l’élève commence sa formation à l’école puis se déplace en milieu de travail pour poursuivre son apprentissage. Les compétences acquises sont ensuite évaluées à son retour en classe. Cette façon de faire est un peu plus contraignante pour les entreprises d’accueil puisque le contenu — les tâches à effectuer par l’étudiant — est déterminé par l’établissement scolaire.
Dans le modèle de mise en oeuvre des compétences, celles-ci ont déjà été développées en classe et la séquence en milieu de travail vient après la sanction desdites compétences. Cette version offre davantage de flexibilité aux entreprises, puisque ce sont elles qui proposent le contenu du stage, lequel doit toutefois être approuvé par le centre de formation.
L’enseignant au département de ferblanterie de l’École des métiers de la construction de Montréal, Luc Allard, n’a pas hésité longtemps avant de passer à l’action : aussitôt la nouvelle mesure entrée en vigueur, il a contacté son gestionnaire pour instaurer un programme d’alternance travail-études au sein de son département. « C’était pendant la pandémie et c’était pour nous, en ferblanterie, l’occasion de se distinguer et d’offrir un plus dans un contexte où il y a aussi une pénurie d’élèves », témoigne-t-il.
Le programme qu’il a mis sur pied, et dont une première cohorte d’élèves pourra bénéficier cette année, combine les deux types de stages. Après 400 heures de formation générale, ses étudiants feront, à la fin novembre, un stage de trois semaines visant à explorer les trois secteurs de la ferblanterie, soit la ventilation, le recouvrement mural et le recouvrement de toitures, ces deux derniers étant souvent méconnus. Après un autre bloc de formation plus spécialisée, ils repartiront en mai pour un deuxième stage de développement des compétences, d’une durée de neuf semaines. Enfin, ils pourront mettre en oeuvre leurs compétences après leurs examens de la mi-juillet, en travaillant à temps plein pour un employeur de leur choix.
Des avantages pour tous
Les bénéfices d’un programme d’alternance travail-études sont nombreux, autant pour les étudiants que pour les entreprises. De l’avis de tous les intervenants interviewés, l’avantage principal pour les élèves est d’ajuster la vision qu’ils ont de leur profession afin de valider rapidement leur choix vocationnel. La conseillère en formation à la Commission de la construction du Québec, Karine Rancourt, donne l’exemple d’un couvreur qui apprend son métier bien au chaud au centre de formation et qui découvre ensuite les « joies » de travailler dehors sous différentes températures. « Il y avait des étudiants qui se disaient ″Ouais, c’est pas tout à fait comme je pensais, finalement.″ C’est un petit peu plus difficile que ce à quoi ils s’attendaient. On en perdait donc beaucoup comme ça, alors que, là, c’est peut-être une façon de savoir plus vite s’ils sont vraiment faits pour ce métier-là », explique-t-elle.
Pour sa collègue Nathalie Dufour, un stage permet aussi de faire des liens entre les apprentissages qu’ils font à l’école et les réalités du monde du travail. « Ils vont pouvoir le voir au fur et à mesure et même ramener ça à l’école et en parler. ″Est-ce que c’est toujours comme ça ? Est-ce que c’est spécifique à mon employeur ?″ Ça ouvre la discussion. » Yanik Arbour croit pour sa part qu’il s’agit pour l’élève d’une occasion de mieux planifier son insertion professionnelle à la fin de sa formation, notamment grâce aux liens créés pendant son stage. Une alternance-travail-études peut aussi, selon la directrice adjointe, avoir des effets positifs sur la motivation de l’étudiant, sur sa persévérance scolaire.
L’intérêt pour une entreprise de participer à un programme ATE est évidemment de développer la dotation, la présélection des employés. « Ils vont voir passer des étudiants et s’il y a un fit, s’il y a un coup de foudre, ça peut finir par un mariage », illustre Luc Allard. En outre, si un employeur accueille un stagiaire et le recrute par la suite, il y aura une réduction du temps de formation à l’embauche. Autre avantage pour l’employeur d’accueillir un stagiaire : un étudiant aura appris un peu plus de notions qu’un candidat sans expérience issu du bassin, par exemple. « C’est peut-être plus facile de lui confier différentes tâches, de lui expliquer les tâches à faire », croit Nathalie Dufour.
Cet article est tiré du Magazine – Les Leaders de la construction 2022. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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