Selon une étude menée par le cabinet Headrick & struggle, 40 % des gestionnaires auront quitté leur poste dans les 18 premiers mois suivant leur arrivée dans une entreprise. Pour assurer leur succès, ceux-ci doivent maintenir un équilibre entre leur position d’autorité et leurs capacités relationnelles.
Un nouveau gestionnaire voulant asseoir trop rapidement son autorité pour montrer sa compétence est à risque de laisser de côté tout le volet relationnel et émotionnel permettant de tisser des liens avec les membres de son équipe. « Un gestionnaire qui veut se prouver et se positionner trop vite, ça indispose les gens déjà en poste », indique Linda Arsenault, coach spécialisée en gestion et intégration MCC (Master Certified Coach). Ainsi, le gestionnaire doit maîtriser le « savoir-être », être capable d’accélérer le rythme de ses actions au bon moment et de décélérer lorsque nécessaire.
En voulant imposer leur vision trop vite, certains gestionnaires négligent d’emblée l’importance de se bâtir un réseau de contacts solide. Cela peut même pousser les subordonnés à quitter l’entreprise, ajoute Jean-François Harvey, professeur agrégé au Département d’entrepreneuriat et innovation à HEC Montréal. Au contraire, faire preuve d’humilité et admettre qu’il existe de l’incertitude quant à un projet est une bonne façon de faire pour être estimé de ses pairs et créer un climat sain. « Au-delà de la position formelle, il y a comment nous sommes dans les relations et la perception de nos collègues. Être ouvert et poli fait en sorte qu’ils viennent vers nous quand ils ont des inquiétudes », poursuit le professeur.
Un équilibre à adopter
Des entreprises ont tendance à offrir un poste de gestion à une personne déjà à l’emploi dans l’entreprise parce qu’elle affiche une bonne performance dans ses responsabilités. « Ce n’est pas toujours la meilleure idée », prévient-il. Un employé qui performe bien est souvent minutieux et soucieux de vouloir bien faire les choses. Ces qualités ont toutefois un revers dans un rôle de gestion. « Lorsque nous arrivons dans un mode de gestion, il faut être à l’aise de déléguer et d’accepter que les gens réalisent les tâches d’une manière qui n’est pas nécessairement identique à ce que nous voudrions. » Cela peut ainsi créer des conflits avec les subordonnés si le gestionnaire n’accepte pas que le travail puisse être fait différemment et avec une qualité qui n’atteint pas ses standards.
Pire encore, un gestionnaire qui reprend le travail de son équipe parce qu’il ne le juge pas assez bon peut miner le moral des troupes. En agissant de la sorte, il perd de vue l’ensemble du projet. « Il n’a pas le temps de prendre le recul nécessaire, parce qu’il va être dans la microgestion », précise Jean-François Harvey. Au contraire, en appréciant le travail exécuté par les employés, ceux-ci sont plus enclins à s’engager. Une rétroaction constructive plutôt que négative permet de les amener à s’améliorer au fil du temps. « Exiger le niveau de qualité du travail auquel on s’attend trop rapidement crée des relations tendues ou encore le gestionnaire s’essouffle en reprenant sans cesse le travail de l’équipe. »
L’intégration, une responsabilité partagée
L’arrivée d’un nouveau gestionnaire doit aussi être accompagnée d’un plan d’intégration, fait savoir Linda Arsenault. Elle invite d’ailleurs les entreprises à prendre conscience de la distinction entre les concepts de plan d’accueil, basé sur le court terme, et de plan d’intégration, basé sur le long terme. Selon la firme de gestion Gallup, 88 % des entreprises n’intègrent pas leurs employés correctement. L’accueil peut s’échelonner sur une période de deux à cinq jours. « On va le former, lui donner les outils, faire la rencontre avec les nouveaux collègues, etc. Ainsi, le gestionnaire est déjà en action après une seule semaine en poste », détaille la spécialiste.
Une intégration efficace, pour sa part, doit minimalement durer trois mois. Celle-ci repose d’abord et avant tout sur le gestionnaire lui-même, qui doit se préparer en amont avant son arrivée. Il doit alors se poser les questions suivantes : Dans quel contexte arrive-t-il ? Combien y a-t-il eu de gestionnaires avant lui ? Quel est le type d’entreprise (start-up, PME, grande entreprise) ? « L’intégration, c’est une question de gros bon sens. Mais parfois, nous la perdons de vue quand nous arrivons dans un nouvel environnement parce que tout va vite, la pression se fait sentir et il y a de nouveaux apprentissages à faire », met en relief Linda Arsenault.
Du côté des patrons, il est important de laisser le temps au gestionnaire de faire beaucoup de rencontres d’intégration qui serviront à bâtir son réseau de contacts, à découvrir la culture de l’entreprise et à comprendre le contexte de son rôle. « Dans les 30 premiers jours, l’idéal est de rencontrer de 20 à 30 personnes », estime-t-elle. En effet, le gestionnaire doit établir une relation de confiance avec ses collègues avant de leur assigner des responsabilités ou de changer des pratiques.
Les patrons ont aussi la responsabilité de lui donner une rétroaction rapide, soit environ un mois après l’embauche, afin d’assurer son succès au sein de l’entreprise et de l’orienter dans son rôle. Cette rétroaction va aussi dans les deux sens, le gestionnaire devant lui aussi faire part de ses enjeux ou de ses irritants.
Se relever d’un échec
Advenant le cas où un gestionnaire échoue dans son rôle, les experts s’entendent pour dire que celui-ci doit prendre du recul face à la situation et se servir de cette expérience pour faire de meilleurs choix quant à son avenir. L’idéal est de prendre quelques jours pour laisser retomber les émotions. « Quand nous vivons un échec, les émotions prennent le dessus et ça vient mettre un brouillard sur notre capacité à comprendre ce qui s’est passé », souligne le professeur.
Mieux encore, si le gestionnaire est en mesure de recevoir une rétroaction de ses supérieurs pour établir ses points à améliorer, il pourra se servir de cette expérience pour le futur. « Les seuls échecs sont ceux desquels nous n’apprenons pas. Si nous sommes capables d’avoir un regard critique face à notre personne, nous pouvons nous améliorer. C’est un tremplin pour l’apprentissage », termine-t-il.
Selon Jean-François Harvey, avoir recours à un mentor — identifié par le gestionnaire lui-même — dans l’organisation ou à l’extérieur de celle-ci représente un atout considérable pour accompagner les gestionnaires. Cette personne-ressource, à qui il peut faire part de ses frustrations ou des enjeux plus difficiles à déceler, l’aide à remplir son rôle comme il se doit.
Faire partie d’une communauté de pratiques à travers laquelle il est possible d’échanger avec de nouveaux gestionnaires peut aussi être un gage de succès. « Si nous échangeons avec les pairs gestionnaires que nous avons dans une même entreprise, ils peuvent partager des conseils alignés avec la culture de l’organisation et qui sont, ainsi, plus facilement applicables », fait-il remarquer.
Cet article est tiré du Magazine – Les Leaders de la construction 2023. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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